ActualitésDOSSIERS :: Insurrection des 30 et 31 octobre : Méticuleusement préparée et froidement (...)

C’est le président du groupe parlementaire, Alassane Sakandé qui a rappelé la paternité de l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014, lors des 2èmes journées parlementaires du MPP, tenues à Léo le 22 septembre dernier. Il a dit le rôle primordial que son parti, le MPP (Mouvement du peuple pour le progrès) a joué dans le renversement du régime de Blaise Compaoré. Il faut croire l’homme car il sait de quoi il parle sans doute.

En revenant sur la paternité de l’insurrection qu’il revendique pour son parti le MPP qui aurait lancé le mouvement insurrectionnel lors d’une rencontre le 25 septembre au CENASA, le président Sakandé du groupe parlementaire MPP ne fait que défoncer une porte grandement ouverte. En effet, des voix plus autorisées que la sienne dont celle de l’actuel président du parti, Salifou Diallo avaient déjà donné le ton et avaient estimé que son parti avait supporté les plus grandes pertes en vies humaines. Pour dire sans doute que ce sont les militants de son parti qui étaient aux avant-postes, plus déterminés que les autres ou qui étaient les plus nombreux lors de l’insurrection. Raison donc pour laquelle ce sont ces derniers qui ont été « décimés ».

Si une partie du peuple était en état insurrectionnel permanent contre le projet de référendum du président déchu, Blaise Compaoré et la possibilité de le voir briguer encore un autre mandat, et qu’elle a lutté vaillamment pour la chute de l’ancien régime, il y a eu sans conteste, des personnes et des partis politiques qui ont su savamment canaliser et orienter la colère de leurs militants et des populations.
Dans la réalité, le pouvoir du président Compaoré était au bout d’un fil, depuis le divorce intervenu entre lui et ses principaux anciens camarades et lieutenants dont Roch Kaboré, Simon Compaoré et Salifou Diallo qui avait lui, donné le ton depuis Viennes à travers sa fameuse interview.

Dès lors, tout semble avoir été mis en œuvre par le dernier cité pour atteindre ses objectifs : empêcher le président Compaoré de rempiler pour un autre mandat ou d’accomplir ce qu’il a appelé « une transmission dynastique du pouvoir d’Etat ». Et apparemment, il n’y est pas allé de main morte pour qui connait l’homme, ses capacités de nuisance et de destruction politique.

Cependant, la modestie et l’humilité auraient voulu que certains ne tirent la couverture à eux en se faisant passer pour ceux qui ont fait l’insurrection.

Comment le système Compaoré a été déstabilisé de l’intérieur

Sans bien sûr prétendre avoir en notre possession tous les éléments qui ont entrainé la chute du pouvoir de l’ancien président Blaise Compaoré, il demeure évident que la rupture intervenue entre lui et ses compagnons de route mentionnés plus haut, et que Salifou Diallo avait qualifiée de « morale et idéologique », a été un grand catalyseur dans la chute du président déchu Blaise Compaoré.

Au moment où les partis pro-référendum rassemblés autour du « Front républicain » battaient campagne pour leur cause, des taupes à la tête de leur parti, aujourd’hui des alliés du MPP, étaient déjà infiltrées au sein de ce rassemblement plus qu’hétéroclite.

La création du MPP dont le véritable « patron » n’est autre que Salifou Diallo, a considérablement affaibli le CDP (Congrès pour la démocratie et le progrès) et le pouvoir Compaoré. Tous les anciens du système, mécontents de la gestion du pouvoir d’Etat, pour telle ou telle autre raison, ont vite fait de déposer leurs bagages au MPP pour certains au grand jour. Les autres sont demeurés au CDP avec pour consignes de saper le parti au pouvoir de l’intérieur et partant le pouvoir d’Etat. Les ténors du MPP disaient à l’époque que si le projet de référendum devait transiter par la défunte Assemblée nationale, il ne passerait pas parce qu’en réalité, même des députés CDP voteraient contre car acquis au MPP.

Le débauchage de personnalités du CDP a eu lieu dans tous les secteurs de la vie nationale : opérateurs économiques, cadres de l’administration et de partis politiques, journalistes. Dans les milieux estudiantins et scolaires au profit du MPP.

Une autre phase de cette bataille des anciens camarades de Blaise Compaoré a consisté à travailler à avoir la confiance du chef de file de l’opposition politique, Zéphirin Diabré et les partis affiliés au CFOP en vue de renverser le régime d’alors.

Le MPP a toujours été au cœur de la manœuvre ayant conduit à l’insurrection

Les derniers moments du régime Compaoré a vu le MPP sortir le grand jeu. Des provocations à travers des formules chocs et des actions de terrains, ont poussé le CDP à commettre une série d’erreurs qui ont contribué à exaspérer davantage plus d’un Burkinabè.

Le fruit était devenu mûr et l’on pouvait dorénavant passer à l’acte sans coup férir. La victoire était certaine et presque acquise. Les anciens compagnons de Blaise Compaoré dont principalement Salifou Diallo, en fin stratège et tacticien politique, savait sans doute que son ancien mentor ne s’entêterait pas longtemps. Pour ne pas salir définitivement son image de marque et de faiseur de paix qu’il s’est efforcé très longtemps à construire, au plan national et international et dont lui-même y a beaucoup contribué. Ou pour ne pas se retrouver en cas de perte importante en vies humaines devant les juridictions internationales surtout.

Rien ne devait être laissé au hasard pour s’assurer de la réussite du projet d’insurrection. Des jeunes auraient même suivi à cet effet des formations, dans le but de faire face de façon organisée aux forces de l’ordre. Des techniques du genre comment résister aux gaz lacrymogènes, comment empêcher les forces de sécurité de se déployer et de circuler normalement dans leur pick-up ont été enseignées. Les diverses barricades érigées à certains endroits névralgiques de la capitale pendant l’insurrection n’étaient pas faites au hasard.

De même, des objectifs et les cibles à prendre ou à détruire dont la défunte Assemblée nationale saccagée et incendiée ont été prédéterminés. A ce propos, on se souviendra aussi que Emile Paré a confié être le catalyseur et l’élément déclencheur de cette action d’un jour. Quid des autres destructions et incendies ciblés de certains édifices publics ou privés ?

C’est aussi un fait qu’un beau monde, aux derniers moments du régime Compaoré était fréquemment au domicile de Salifou Diallo sis à Ouaga 2000. Hommes politiques de tous bords confondus, opérateurs économiques, journalistes, artistes musiciens, hommes de tenues… (Nous ne citerons pas de nom pour le moment). Ils y étaient tous reçus par le maître des lieux. A quelles fins ?
Si des citoyens lambda y allaient pour trouver des réponses à leurs problèmes quotidiens, l’homme étant connu aussi pour sa générosité légendaire, d’autres y allaient pour recevoir des consignes de lutte.

Au sein même du défunt régiment de sécurité présidentielle (RSP), Salifou Diallo avait aussi « ses hommes ». Cest d’ailleurs une partie de ceux-ci qui est venue à la rescousse, lorsque son domicile a été saccagé et incendié en partie par des jeunes et une autre faction du RSP. Ils ont aidé à transporter certains biens et documents, avant que la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) ne sécurise les lieux un peu plus tard. Et juste avant que l’actuel président de l’Assemblée nationale et sa garde rapprochée d’alors, ne quittent sa résidence quelques minutes plus tôt en catimini. Pour une destination inconnue, sans doute informé par ses « services de renseignement », des dangers qu’il courait en restant sur les lieux.

Cette attaque avait vu d’autres jeunes également mobilisés pour défendre le domicile de l’actuel président de l’Assemblée nationale, Salifou Diallo. Ils ont subi ce jour-là, les foudres des éléments du RSP, acquis à la cause de l’ancien président Compaoré. Ils ont été couchés au sol et tabassés ce jour-là. C’était lors du coup d’Etat manqué de l’ex-RSP avec ses débordements et autres exactions. Parmi les personnes maltraitées ce jour-là, qui ont subi les bastonnades et autres humiliations des tortionnaires de l’ex-RSP, figure un ministre du gouvernement actuel, dont le nom revient fréquemment ces temps-ci dans une affaire fortement médiatisée.

Si beaucoup de responsables du MPP, affirment qu’ils ont été au centre et au cœur de l’insurrection populaire, il faut bien les croire car ils savent de quoi ils parlent. Même si ceux des Burkinabè qui sont aussi sortis spontanément ces deux jours, sont aussi en droit et légitimement de revendiquer leur rôle dans ce qu’il est convenu d’appeler maintenant « insurrection populaire ». A chacun donc son insurrection ! Mais pour parler plus sérieusement, l’insurrection est devenue un patrimoine national et appartient dorénavant à tous les Burkinabè car faisant partie de leur passé récent.

Les Burkinabè doivent s’accorder sur le fait que le pays après cette phase difficile de son histoire, est revenu sur les sentiers de la démocratie avec la confiance populaire accordée au MPP. Dès lors, il appartient à ce parti de travailler à mériter cette confiance et satisfaire aux besoins élémentaires des populations. Et non donner l’impression de cette lutte des clans et des hommes de tel ou tel cacique du pouvoir MPP. Une situation qui entraine de plus en plus des regrets et des récriminations, de la part d’une frange du peuple insurgé qui n’hésite plus à dire tout simplement qu’ « on a déshabillé Pierre pour habiller Paul » ou que « l’insurrection est en train d’être trahie ». L’histoire pourrait alors se reproduire.

Angelin Dabiré
Lefaso.net

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