ActualitésDOSSIERS :: Attaques terroristes de Ouaga : Je me pose des questions !

Par la présente, je souhaite apporter ma modeste contribution au débat auquel le devoir patriotique nous astreint au lendemain de l’attaque terroriste du 15 janvier 2016. Que ce soit dans les bureaux, les marchés ou à la maison, les conversations tourneront invariablement et légitimement autour de la question terroriste. Le nouveau gouvernement voit le terrorisme s’inviter en haut de sa liste d’actions prioritaires.

Des interrogations restent sans explications convaincantes et toute tentative de rationaliser l’irrationnel que constitue cette tuerie aveugle nous laisse encore plus confus. Pourquoi Ouaga ? Quel sens donner au timing de l’attaque qui intervient au moment où le pays amorce une nouvelle ère démocratique ? Quels sont les motifs cachés de cette attaque terroriste ? Que sais-je encore ?... Beaucoup de questions me taraudent l’esprit en ce moment. Mais en ce qui concerne les réponses, elles sont plus élusives. Alors, je me suis dit qu’il faut peut-être commencer par jeter quelques bases que d’autres personnes complèteront de sorte qu’ensemble nous résolvions le puzzle.

Repères historiques : une trajectoire Nord-Sud ?

L’histoire contemporaine du terrorisme montre que celui-ci a fait partie des outils de la politique étrangère de certains États, d’où la notion de terrorisme d’état. L’actualité politique des années 1970 et 80 est évocatrice de cette violence : l’explosion par la Libye du vol 103 Pan Am au dessus de Lockerbie (Écosse) en 1988, les attentats de Beyrouth en 1983 et la prise d’otages pendant les Jeux Olympiques de Munich de 1972. Encore plus frais dans nos esprits, ce sont le cas des États sponsors (parrains) du terrorisme au rang des lesquels figuraient régulièrement l’Iran, la Corée du Nord et la Libye.

Mais la chute du mur de Berlin en 1989, synonyme de la fin de la bipolarité du système international, a consacré l’émergence sur la scène internationale d’acteurs non-étatiques dont les organisations terroristes. Les attentats du 11 septembre 2001 marquent ce tournant historique avec l’engagement militaire des Américains contre Al-Qaeda en Afghanistan. La nébuleuse terroriste représentée par Al-Qaeda, alors géographiquement contenue en Afghanistan, va commencer à étendre ses tentacules vers le reste du monde à travers des franchises, en particulier des organisations locales qui font allégeance au mouvement de Ben Laden. Il faut aussi noter que cette “franchisation” est favorisée par le retour dans leurs pays d’origine de combattants terroristes qui étaient en Afghanistan. D’autres djihadistes choisissent de rejoindre l’Iraq pour y combattre l’occupation américaine, et plus tard la Syrie aux côtés de Daesh.

La menace terroriste ne vient pas seulement de l’extérieur, elle est aussi interne comme le démontre aujourd’hui la radicalisation de jeunes sur internet. En résumé, du terrorisme d’Etat jusqu’à la montée d’Al-Qaeda, l’Afrique subsaharienne était relativement épargnée. Mais cela pour combien de temps ? Qu’est-ce qui s’est passé pour que la cartographique de la menace terroriste englobe aujourd’hui une très grande partie des pays africains ? Mais il convient de rappeler que l’Algérie subissait déjà dans les années 1990 des vagues d’attentats à la voiture piégée qui étaient perpétrées par des éléments du Front Islamique du Salut (FIS) dissout.

Comment analyser cette menace terroriste à nos portes ?

Il s’agit ici d’une analyse qui offre des pistes de réflexion pour appréhender le terrorisme à nos frontières et non de justifier des actes infâmes. Pour combattre cet acteur international qu’est le terroriste, il faut le connaître et surtout le situer dans le contexte géopolitique. À cet égard, voici cinq considérations géopolitiques que je présente dans aucun ordre hiérarchique ou préférence personnelle. Il s’agit de :

1. La chute de Mouammar Kadhafi
En 2011, le régime du guide libyen est tombé suites aux bombardements d’une coalition internationale menée par la France. La chute de Kadhafi aurait permis à des djihadistes de s’accaparer d’énormes quantités d’armes qu’ils auraient fait passer dans des pays voisins. Le difficile contrôle des frontières de la bande sahélo-saharienne a fait prospérer trafics et contrebandes de tout genre, avec surtout la circulation d’armes de guerre. La puissance de feu des groupes djihadistes dans le Sahel a été renforcée par les armes prises en Libye, et ce sont les mêmes groupes et leurs alliés qui menacent le Burkina.

Si la chute de Kadhafi a créé un vide, lourd de conséquences au plan sécuritaire, on pourrait également s’interroger sur l’impact du vide sécuritaire suite au départ de Blaise Compaoré. C’est de notoriété publique que ce dernier avait des contacts et des renseignements dans le Sahel. Son évocation participe ici du questionnement et ne doit aucunement être vue sous le prisme de la nostalgie ou d’une remise en question des acquis de la révolution d’octobre 2014.

2. La perspective nationaliste
C’est une grille de lecture selon laquelle le terrorisme est un moyen par lequel les puissances occidentales veulent recoloniser l’Afrique. En ce sens, l’impératif sécuritaire serait un prétexte pour (re)installer des bases militaires et des dispositifs de renseignement pour mieux défendre leurs intérêts. Le marché africain suscite des convoitises, et de nouveaux acteurs, comme la Chine, bousculent les anciennes puissances colonisatrices.

3. La surenchère entre Al-Qaeda et Daesh
La multiplication des actes terroristes dans des pays jusque-là épargnés seraient la conséquence d’une lutte de leadership qui se joue à des milliers de kilomètres de Ouaga. Une bataille entre Al-Qaeda et Daesh qui se disputent le leadership de l’internationale terroriste, et cela passe par l’occupation du champ médiatique. En d’autres termes, la revendication du leadership passe par des attentats spectaculaires ou les attaques de symboles forts d’un pays. L’attaque d’Al-Mourabitoune, branche AQMI, s’inscrit-elle dans une telle dynamique ?

4. Globalisation
En tant que phénomène transnational, le terrorisme touche beaucoup de pays subsahariens dont le Burkina. Au-delà des échanges commerciaux, la globalisation a surtout rendu le village planétaire interconnecté à travers diverses plateformes de communication. Cela sous-entend qu’une idéologie radicale comme celle que véhicule le terrorisme voyage facilement par les ondes et les images. Mais cette approche globalisante me semble inappropriée pour analyser les attaques de Ouaga parce que les djihadistes sont venus de l’extérieur. Par ailleurs, il ne s’agit pas de terrorisme domestique résultant d’une certaine radicalisation.

5. Lecture socio-économique
Le terrorisme trouve un terrain fertile dans la pauvreté et l’exclusion du processus décisionnel d’une certaine frange de la population. Mais force est de constater que la pauvreté au Burkina Faso ne constitue pas (encore) un levier de recrutement pour les djihadistes. En plus, la violence en politique n’a jamais pris des contours terroristes au Burkina Faso. Pour ce qui est du religieux, le syncrétisme et l’entente cordiale entre les différentes confessions montrent que le discours extrémiste n’est pas répandu.

C’est toujours un exercice difficile d’analyser une idéologie qui se fonde sur la négation de la vie, mais cette difficulté doit servir au surpassement de soi et non à la résignation, si nous voulons efficacement lutter contre le terrorisme.

Boukary Sawadogo, Ph.D.

Enseignant chercheur

City University of New York, USA.

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