ActualitésDOSSIERS :: Attaques contre Splendid Hotel : « Les terroristes s’intéressaient à (...)

Il est employé de Splendid Hôtel. Il était de service le soir du vendredi 15 janvier 2016 lorsque les tirs ont commencé à Cappuccino avant de se déporter à l’intérieur de l’hôtel. Dans un premier temps, ABC (nous décidons de l’appeler ainsi pour des raisons de sécurité), s’est d’abord réfugié à la buanderie. Constatant qu’en pareille circonstance, aucun mètre carré de l’enceinte de l’infrastructure n’est sécurisé, il décide de passer par le mur pour échapper aux djihadistes. Trois jours après les attaques, il nous parle de sa soirée noire, du sort de ses collègues restés à l’hôtel et fait des révélations.

Vous étiez à l’hôtel lorsque les tirs ont commencé, que faisiez-vous ?

ABC : Il y avait un dîner de l’ASECNA à 15 heures. Le dîner s’est achevé aux environs de 19h10 mn. La plupart des invités étaient partis mais d’autres étaient encore là en train de danser. Nous leur avons demandé de libérer la salle parce que nous voulions travailler. Les autres sont partis mais une personne est restée à bavarder avec nous. J’ai ramassé des chaises pour ranger au restaurant. C’est là que j’ai trouvé le ministre Clément P. Sawadogo en train d’échanger avec un monsieur.

Lorsque je revenais pour ramasser d’autres chaises, j’ai rencontré des réceptionnistes qui couraient vers moi en criant qu’il y a braquage. J’ai demandé à un réceptionniste où se trouvaient les braqueurs. Il m’a dit qu’ils tiraient partout et qu’ils montaient les escaliers. Là j’ai compris qu’il ne s’agissait pas de braqueurs mais de terroristes. Parce que, pour ce qu’on voit ailleurs, avant de passer à l’acte, le braqueur prend le soin d’identifier l’emplacement des biens.

Nous sommes donc allés nous cacher dans une salle de Splendid II. A travers les fenêtres, on voyait une personne qui montait les escaliers du premier étage en tirant. On le voyait de dos. J’ai dit aux autres qu’il n’était pas prudent de rester dans la salle parce qu’ils risquaient de fouiller toutes les pièces y compris celle où nous étions. Je leur ai suggéré de prendre le mur et de nous échapper. J’étais avec un stagiaire et nous avons pris le mur. Une fois dehors, j’ai vu des gens qui filmaient. La scène m’a intrigué parce qu’on est en train de tirer sur des gens et vous êtes là à filmer.

Ceux qui filmaient étaient à quel niveau ?

Ils étaient à côté de la mosquée.

Depuis votre cachette, vous avez vu une personne, mais est-ce que vous en avez vu d’autres ?

J’ai vu une seule personne qui tirait en montant les escaliers.

Comment était-il habillé ?

Il était en noir et portait un turban. Je ne l’ai pas vu de visage mais de dos.

Est-ce qu’il parlait ?

Non. Il tirait simplement en montant.

Une fois sorti, qu’avez-vous fait ?

Quand je suis sorti, j’ai contacté des collègues pour leur dire comment j’ai fait pour sortir. Certains sont sortis mais d’autres sont restés cachés sous des chaises.

Qu’est-ce qu’ils ont pu remarquer ?

Le lendemain, j’ai échangé avec une collègue qui m’a dit que les assaillants, au nombre de quatre, sont venus fouiller là où nous étions cachés avant de sortir. Ils ont fouillé toutes les machines qui étaient dans la salle. Mais les collègues étaient sous des chaises que nous avions entreposées dans la salle. Selon la collègue, il y a un des assaillants qui était au téléphone et il a dit à son interlocuteur qu’ils étaient toujours à Splendid Hôtel et qu’ils allaient finir et les rejoindre.

Est-ce qu’elle a parlé de la présence d’une fille parmi les quatre ?

Non.

Les collègues avec qui vous avez échangé vous ont parlé de morts à l’Hôtel ?

Non.

Vous n’aviez rien remarqué d’anormal avant l’attaque ?

Non. Mais aux environs de 15h, nous avons vu des gens enturbannés qui buvaient le thé au bord de la piscine. Je ne sais pas si ce sont les mêmes qui ont perpétré les attaques. Selon certaines rumeurs, deux des Touaregs logeaient à l’hôtel et que ce sont des filles qui ont commencé l’attaque. Mais je ne sais pas qui dit la vérité.

Il est aussi dit que les assaillants logeaient à l’hôtel et qu’il y avait même des familles touarègues. Est-ce que vous les avez remarqués ?

Non, non, non.

Mais les six Touaregs que vous avez vus, est-ce qu’ils logeaient à l’hôtel ?

C’était ma première fois de les voir à l’hôtel. Et ce jour, à cause du dîner, j’étais programmé pour travailler à partir de 15 heures. C’est là que je les ai vus au bord de la piscine. L’un de mes collègues m’avait dit dans l’amusement qu’il ne faisait pas confiance à ces gens enturbannés. Après le dîner, lorsque je suis ressorti, je ne les ai plus vus.

Ils étaient au nombre de combien ?

Six. Il y avait deux noirs parmi eux.

Tous des garçons ?

Oui.

Vous dites bien que les six qui buvaient le thé n’étaient pas des clients de l’hôtel ?

Il me semble que deux avaient pris des chambres à l’hôtel. Et selon un valet de chambre, un véhicule de type 4x4 est venu chercher deux. Un jeune est venu déposer un arabe avec une moto de marque Nano. Les deux qui étaient partis sont revenus et ils ont eu une rencontre avec l’arabe à l’hôtel. Mais après il ne les a plus vus sortir de l’hôtel.

Confirmez-vous qu’ils sont entrés à l’hôtel vendredi ?

C’était ma première fois de voir ceux qui étaient assis au bord de la piscine. Mais on dit que deux avaient pris des chambres à l’hôtel. Jusqu’à présent je n’ai pas encore vu les photos des assaillants sinon peut-être que j’aurais reconnu l’un d’entre eux.

Voici la photo des assaillants tués qui a été publiée par AQMI, reconnaissez-vous quelqu’un parmi les trois ? (nous lui présentons la photo sur notre téléphone portable)

(Après près d’une minute) Celui-là (il indexe l’assaillant Al-Fulani, 1er à gauche portant le gant) était parmi ceux qui buvaient le thé au bord de la piscine. Je le reconnais formellement.

Certaines sources affirment qu’à l’heure du dîner de l’ASECNA, des femmes touarègues avec des enfants étaient au niveau du hall de l’hôtel. Est-ce que vous les avez vus ?

Non. Mais ce que je sais c’est que quand les tirs ont commencé, un Indien est venu avec son épouse et ses deux enfants au restaurant. Ils nous ont suivis dans notre fuite et je suis parti les laisser au niveau du mur. Après j’ai appris qu’ils ont également réussi à sortir.

Lorsque vous avez proposé de passer le mur, est-ce que tout le monde vous a suivi ?

Non. Un client, qui logeait dans la chambre 303 nous a dit de venir pou qu’on se rende à la réception et qu’ils feront de nous des otages. Je lui ai dit qu’il pouvait y aller mais que nous n’y allions pas. Il s’est dirigé vers la réception. Mais après j’ai appris qu’il est aussi sorti par le mur. Il avait un sac et lorsqu’il est sorti, il a rencontré des gendarmes qui l’ont fouillé.
Même qu’une de mes collègues qui est restée à l’hôtel m’a confié que quand les terroristes sont arrivés dans la salle où ils étaient cachés, un était au téléphone. Il utilisait un talkie-walkie. Son interlocuteur lui disait : « il est à la chambre 303, il faut aller là-bas ». Il est même un fidèle client de l’hôtel. Presque tous les employés le connaissent.

Quelle est sa profession ?

Il est commerçant grossiste de noix d’acajou. Il nous a donné ça plusieurs fois à goûter. Il est de nationalité indienne et un fidèle client de l’hôtel. Je le connais ça vaut deux ans et chaque fois qu’il vient au Burkina, c’est à Splendid qu’il loge. Il rencontre des commerçants là-bas et il repart.

Votre collègue, a-t-elle eu l’impression que les terroristes le recherchaient ?

Là je ne sais pas quoi dire. Ce qui m’intrigue toujours, c’est le fait qu’il nous ait dit d’aller nous rendre comme otages.

Pensez-vous que les terroristes avaient des complices à l’intérieur de l’hôtel ?

Je ne saurais vous le dire.

Lorsque vous êtes sorti, vous avez rencontré les premiers éléments des Forces de défense et de sécurité qui venaient d’arriver, que leur avez-vous dit ?

J’ai parlé à des éléments de la Brigade anti-criminalité (BAC) qui étaient là. Je leur ai dit que les assaillants tiraient toujours au niveau de Splendid I. Je leur ai montré un chemin pour les intercepter dans l’aile de Splendid II. Mais ils m’ont répondu qu’ils attendaient d’abord des instructions avant de passer à l’action. Et je suis parti.

Depuis vendredi, jour des attaques, est-ce que vous êtes reparti à l’hôtel ?

Oui. Je suis même reparti à l’hôtel hier (NDLR, dimanche 17 janvier 2016). On est allé préparer pour les Forces de défense et de sécurité.

Qu’est-ce vous avez remarqué ?

Il y a les impacts des balles sur les murs. Nous avons vu du sang à l’entrée de l’hôtel. Au restaurant, tout a été vidé, le vin, les couteaux, etc. Nous avons retrouvé un couteau qui n’appartient pas à l’hôtel, des chaussettes et des gants. Nous avons appelé la gendarmerie pour constater. Nous n’avons d’ailleurs pas touché au matériel. Nous avons juste cuisiné pour la sécurité.

Les bouteilles de vin ouvertes ont-elles été consommées ?

Une seule n’était pas consommée sinon les autres l’ont été à moitié. Ils ont même plongé un couteau dans une des bouteilles.

Rien n’a été emporté de l’hôtel ?

Comme on n’a pas encore fait l’inventaire... Mais lorsque je suis arrivé à l’hôtel hier, j’ai trouvé du désordre. Les bouteilles de vin, les camemberts, les beurres alimentaires, ils ont vidé tout le frigo.

Comment vous sentez-vous trois jours après les événements ?

Bon. On peut dire que ça va. Comme tous les collègues sont sortis sains et saufs, je peux remercier Dieu. Je ne sais pas pour la clientèle.

Etes-vous actuellement en mesure de reprendre le travail ?

Je suis prêt à reprendre le travail mais il faut renforcer la sécurité. Parce que je me demande bien par où les assaillants sont passés pour faire rentrer les armes puisque toute personne qui entrait à l’hôtel était fouillée.

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