Dans la soirée du vendredi 15 janvier 2016, le Burkina a vécu sa première attaque terroriste en plein cœur de la capitale. Des vies fauchées dans le restaurant Cappuccino et des otages à l’intérieur de Splendid Hôtel situé à quelques mètres en face dudit restaurant. Durant toute la nuit, des unités burkinabè appuyées par des Forces spéciales françaises et américaines ont mené le bon combat pour libérer les otages et « neutraliser » les assaillants. Lefaso.net a essayé de reconstituer le film des événements. Retour sur une nuit cauchemardesque !
19h30 : Des coups de feu retentissent au centre-ville. La panique gagne les Ouagalais. Quelques minutes plus tard, les informations fusent sur les réseaux sociaux. « Des tirs à Taxi brousse. L’Hôtel Splendid en feu. Cappuccino en feu ». Des hommes armés, enturbannés, qui seraient arrivés à bord d’un véhicule avec une immatriculation étrangère, ouvrent le feu sur les clients du maquis Taxi Brousse situé aux abords de l’avenue Kwamé N’Krumah.
Ils se dirigent ensuite vers le Cappuccino, un restaurant connu et très fréquenté par des occidentaux mais aussi des nationaux. Les clients sont purement et simplement canardés. Plus d’une vingtaine de morts. Le forfait commis, les hommes se dirigent vers Splendid Hôtel juste de l’autre côté de l’avenue Kwamé N’krumah. Les véhicules stationnés à l’entrée de l’Hôtel ainsi que leur propre véhicule sont incendiés. « Il y avait une fille et un rastaman qui tiraient. La fille était plus déchainée », indique un témoin qui a suivi la scène. A l’intérieur de Splendid, plusieurs personnes sont prises en otage dont le Ministre de la Fonction publique, du travail et de la sécurité sociale, Clément P. Sawadogo qui était en réunion au quatrième étage. La nouvelle de l’attaque gagne la capitale puis tout le pays.
20h30 : Les premiers éléments des Forces de défense et de sécurité (FDS) arrivent sur les lieux. Il s’agit notamment des éléments de l’Unité spéciale de la Gendarmerie formés à la lutte contre le terrorisme, de l’Escadron de soutien et d’intervention (ESI) de la gendarmerie, du 33e escadron de gendarmerie basé à Ouagadougou, de la gendarmerie départementale de Ouagadougou, de l’Armée de terre avec des véhicules blindés, de l’Unité d’intervention polyvalente de la Police nationale et de la Brigade anti-criminalité (BAC).
Une première organisation est mise en place. Les éléments de l’Unité spéciale prennent position dans les ruines du siège du CDP juste en face de l’entrée principale de l’hôtel. Les gendarmes de l’ESI et du 33e Escadron sécurisent le périmètre immédiat. Les éléments de la gendarmerie départementale de Ouagadougou ont pour mission d’évacuer les civils refugiés dans les bâtiments avoisinant Cappuccino. La BAC sécurise la zone à près de 100 mètres à la ronde, pour éviter que les terroristes ne parviennent à s’échapper. Les policiers de l’Unité d’intervention polyvalente sont postés du côté de l’hôtel Yibi.
Ayant remarqué la présence des gendarmes à proximité de l’hôtel, les terroristes ouvrent le feu sur ces derniers. Il y a alors des échanges de tirs nourris. L’Unité spéciale veut donner l’assaut mais ne maitrise pas le nombre des assaillants car des tirs provenaient de plusieurs endroits dont le toit de l’hôtel. Les gendarmes renoncent donc à attaquer et replient dans les locaux du Ministère de la Fonction publique qui a servi de centre de commandement pour l’opération.
21h30 : Le Ministre de la sécurité, Simon Compaoré, qui s’était rendu sur les lieux au début de l’attaque, revient cette fois en compagnie du Chef d’Etat-Major général des Armées, le Général Pingrenoma Zagré. Ils viennent aux nouvelles.
22h 15 : Arrive l’Ambassadeur de France au Burkina, Gilles Thibault. Les Forces spéciales françaises et américaines sont déjà là. Une nouvelle organisation est en train de se mettre en place entre les différentes unités. Pendant ce temps, les flammes consument Cappuccino et menacent de brûler tous ceux qui s’y trouvaient. « J’ai reçu un SMS d’un employé de Cappuccino qui m’informait qu’il était à l’intérieur avec des collègues et des clients encore vivants », raconte un officier de la gendarmerie. Couverts par des véhicules blindés, des sapeurs-pompiers s’avancent vers le restaurant pour éteindre les flammes. Des échanges de tirs s’engagent encore entre les terroristes et les militaires burkinabè. Les sapeurs-pompiers parviennent tout de même à éteindre le feu et à faire sortir certains par la porte arrière.
23h : Les chefs militaires continuent d’arriver au Centre du commandement des opérations sis au ministère de la Fonction publique. Le Ministre de la sécurité et le CEMGA vont rendre visite aux blessés transférés dans les hôpitaux Yalgado et Blaise Compaoré.
1h : L’assaut est donné. Les Unités se répartissent en deux groupes. Des Français et les Américains passent par une porte dérobée gardée secrète pour ces genres de situation et s’introduisent dans l’hôtel. L’Unité spéciale de la gendarmerie appuyée par des Français passe par l’entrée principale de l’hôtel. La mission est sans équivoque : prendre en tenaille les terroristes et les neutraliser, libérer les otages et se rassurer que les lieux ne sont pas minés. Des otages sont progressivement libérés.
2h : Des otages libérés continuent d’arriver par vagues. Parmi eux, le Ministre Clément P. Sawadogo. Le combat pour la maîtrise de l’hôtel se poursuit avec par moments de fortes déflagrations. La résistance est forte.
4h : L’hôtel est sous le contrôle des FDS. Dépassés par la puissance de feux des FDS, les terroristes s’exfiltrent de Splendid Hôtel et se réfugient au maquis Taxi Brousse situé en face. « De là-bas, ils ont fait des tirs pour harceler nos troupes », raconte un autre gendarme. Seulement, les blindés les avaient à découvert. Ils tirent dans leur direction. Des éléments de l’Unité spéciale et des Français viennent en appui aux blindés. Trois assaillants y sont abattus. Mais un autre foyer de résistance nait à l’intérieur de l’hôtel Yibi situé à environ 20 mètres de Taxi Brousse. Les policiers de l’Unité d’intervention polyvalente de la police nationale s’y engouffrent les premiers. Des éléments de l’Unité spéciale de la gendarmerie et des Français qui venaient de finir leur boulot à Taxi Brousse y accourent aussi. Les tirs sont à nouveau nourris. Une personne est abattue. Son identité reste à vérifier.
5h : Les armes se taisent. Fin de l’assaut ! Une opération de fouille de tous les bâtiments de la zone commence. Des personnes sont débusquées. Deux individus de peau blanche ont été amenés menottés par les gendarmes. Ils ont par la suite été relâchés après vérification de leur identité. D’autres ont par contre été « envoyés » à la gendarmerie de Paspanga. Mais sont-ce des djihadistes ? Avaient-ils quelque chose à voir avec l’attaque ? Les enquêtes permettront de répondre à ces questions.
Jacques Théodore Balima
Lefaso.net
