:: Le Burkina, paradis des (patrons des) ONG

« Burkina-Vert » dans le Yatenga, « ActeAfrica » à Loum. « Association Nobéré » dans le Zoundweogo, « Edukafaso » à Tougan, « Association Morija » à Kaya, « Solidarité en action » à Banguinsoma, « Association nationale pour le bien-être des Enseignants du Primaire du Burkina Faso » à Ouagadougou… Les Organisations non gouvernementales (ONG) et autres associations à but non-lucratif fleurissent sur la terre aride du Sahel.

« Sucre Ethique », « Prisonniers Sans Frontières », « Médecins sans vacances », « Soleil et Développement », « Tout Le Monde Doit Bouger », « Yapadeproblem »… Les créneaux ne manquent pas.

ONG, associations et commissions de jumelage sont les trois mamelles d’un Burkina —provincial en particulier— qui peine à équilibrer son budget national. Selon des statistiques de 2007, le « pays des hommes intègres » compterait près de 500 organisations non gouvernementales et 20.000 associations. Au titre de la coopération décentralisée, 41 collectivités territoriales françaises sont impliquées au Burkina Faso. Indépendamment des programmes de coopération d’Etat à Etat, des organisations étrangères ou nationales injectent, chaque année, des dizaines de milliards de francs CFA dans l’économie burkinabè.

Les premières ONG sont apparues dans la Haute-Volta des années 60. Elles étaient exclusivement non africaines et essentiellement confessionnelles. Derrière les discours génériques sur le développement se profilait parfois le prosélytisme d’associations qui traduisaient la Bible, déjà, dans une dizaine de langues vernaculaires. Fini le latin tout-terrain. Mais qu’importe le flacon spirituel pourvu qu’on ait l’ivresse de l’alphabétisation.

Au fil des années et des phénomènes de mode, les ONG investissent les secteurs de la santé, de l’agriculture, de l’environnement ou des droits de l’homme. Très vite, le pays est qualifié de « paradis des ONG ». C’est que le régime politique est stable, du moins depuis le dernier des cinq coups d’Etat militaires. C’est que la population était affable, du moins avant les récentes manifestations et leur corollaire de pillages. Enclavé au cœur de l’Afrique de l’Ouest, le Burkina est le point de chute idéal pour les organisations internationales tentées par un rayonnement « sous-régional ». Les ONG se plaisent au Faso où il fait bon vivre, et le pays accueille avec joie les ONG synonymes de développement de proximité.

Tout irait-il donc pour le mieux dans le meilleur des mondes solidaires ?

La croissance engendre souvent de fâcheuses excroissances. Les fondateurs d’ONG plus ou moins fictives transforment peu à peu le concept de « développement solidaire » en « développement solitaire ». La vocation désintéressée devient ambition cupide.

Le procédé est simple :

- Essayez de vous faire embaucher par l’antenne d’une ONG internationale qui paie ses employés quatre fois au-dessus du barème local ;

- Si ça ne marche pas, instrumentalisez votre village d’origine ;

- Montez une petite association parfois juridiquement informelle ;

- Obtenez, au besoin, un récépissé de reconnaissance —délivré avec complaisance— ; -

- Composez un organigramme en utilisant les noms de membres de votre famille qui ne sont même pas au courant (qui s’étonnera de le prédominance d’un patronyme quand l’objectif est le développement d’un microcosme géographique) ;

- Démarchez une association de vieux Européens en mal d’exotisme et de bons sentiments ;

- Captez une partie de leur pension de retraite ;

- Investissez-en la moitié dans votre localité de naissance, qui vous traitera en héros ;

- Cravatez-vous et circulez dans un véhicule tout-terrain rutilant dans les rues de la capitale burkinabè.

Le tout est d’avoir l’air pauvre devant les donateurs, et riche devant les bénéficiaires. La vache à lait fera de vous un patron d’ONG —à vie. Avec un peu de chance, le Lions Club vous accueillera en son sein et vous goûterez à ses soirées de gala élitistes. La probité et la cupidité ne seraient-elles que les deux faces d’une même médaille ? Comme l’abnégation et l’arrogance ?

Le malheur des uns fait le bonheur des autres

Les actions des ONG nationales constituent souvent de bonnes affaires pour la nation. Elles sont aussi, parfois, des « deals » juteux pour ceux qui les initient. Certains fonctionnaires seraient tapis dans l’ombre de ministères, à l’affût de perspectives de financements. En situation de quasi délit d’initié, ils dégaineraient le moment venu —directement ou via un homme de paille— une structure humanitaire associative au domaine d’intervention à géométrie variable.

Le secteur de la santé, par exemple, tirera autant de larmes des paupières que de billets des portefeuilles. L’assertion est aujourd’hui bien connue : si l’on meurt du sida, certains en vivent grassement. L’argent prévu pour les antirétroviraux ne parvient pas toujours aux malades, et ce n’est pas spécifique au Burkina Faso.

Les ONG sont parfois invisibles sur le terrain. Sur 150 associations officiellement dédiées à la promotion des droits humains au Burkina Faso, seule une dizaine mènerait des activités, même épisodiques. Ici, des puits financés ne sont pas creusés. Là, des écoles sont construites, mais mal. Au mieux, les bénéficiaires théoriques des dons seront grugés. Au pire, des ONG pratiqueront le blanchiment d’argent.
Séparer le bon grain de l’ivraie

Depuis que les autorités ont l’expression « bonne gouvernance » au bord des lèvres, il a été décidé de traquer les brebis galeuses qui ne doivent pas faire oublier que la majorité des ONG fait un travail honnête. Haro sur les coquilles vides ! Il est désormais exigé un récépissé, l’indication d’un siège avec adresse permanente, la liste des membres et, surtout, des rapports d’activités.

En octobre 2005, le responsable d’une organisation non gouvernementale est emprisonné pour détournement de fonds. Déclic. Le gouvernement d’Ernest Yonli prend des mesures de « filtrage ». Il exige des ONG qu’elles remplissent désormais et annuellement des fiches d’évaluation. En juin 2007, c’est le Premier ministre Tertius Zongo qui s’approprie ce discours, dans le cadre de sa campagne de lutte contre la corruption.

Les bonnes paroles des autorités nationales suffiront-elles, quand on sait que les gouvernements servent de fusibles à chaque tension sociale ? Dans le foisonnement des associations, séparer le bon grain de l’ivraie est une tâche titanesque. Réduire chirurgicalement le nombre des ONG est-il forcément la solution, dans un pays où elles servent à pallier les faiblesses de l’Etat ? Les organisations ne devraient-elles pas s’autocontrôler ?

Depuis quelques années, le Spong (Secrétariat Permanent des ONG) tente de coordonner les acteurs du secteur. Il manque de moyens et de reconnaissance. Et certains se mettent à rêver d’un Ordre des ONG, sur le modèle de l’Ordre des médecins.

Damien Glez

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