Actualités :: Enquête parlementaire : une occasion ratée

"La démocratie, relevait un chef d’Etat africain, ce n’est pas un dîner de gala". Une boutade bien africaine pour dire que de nouveaux comportements s’imposent pour gagner le pari de la démocratisation.

Malheureusement, après plus d’une décennie
de pratique sur le terrain, on n’est pas encore sorti de l’auberge.
Lorsque l’espoir suscité par la "nouvelle marche" ne s’est pas
transformé en cauchemar, elle a toujours du mal à accoucher
des fruits de ses promesses.

L’entrée remarquée de l’opposition dite radicale au Parlement
burkinabè, à l’issue des élections législatives de mai 2002, a
été saluée comme une occasion de remettre le train d’une vraie
démocratie sur les rails. Du moins, les observateurs de l’arène
politique ont vu dans la mise en place d’une assemblée
nationale plus représentative des forces politiques, une
alternative crédible pour vaincre le signe indien de
l’immobilisme politique et socio-économique.

Mais, entre
l’existence sur l’échiquier institutionnel de pouvoirs exécutif,
législatif et judiciaire et la traduction de leurs prérogatives dans
le champ du concret, le fossé est encore grand. Comme dirait
l’autre, le processus démocratique a désespérément encore du
plomb dans l’aile au pays des hommes intègres. Et les députés
du groupe parlementaire "Justice et Démocratie" viennent de
l’apprendre à leurs dépens.

A en croire une déclaration publiée dans les colonnes du
quotidien "Le Pays" du mardi 18 novembre, Me Bénéwendé
Sankara et ses camarades se sont vu opposer "une fin de
non-recevoir" à "une enquête parlementaire" sur l’incendie du
grand marché de Ouagadougou, intervenu le 27 mai dernier.
Selon les termes du communiqué du groupe parlementaire, leur
requête devrait permettre d’établir "aussi bien les circonstances
dans lesquelles l’incendie est intervenu, que les défaillances et
les fautes de gestion de l’administration responsable du
marché… ".

A sa grande surprise, le gouvernement aurait rejeté
cette demande, cinq mois après sa formulation , " au motif que
des procédures judiciaires sont en cours". Comme on devait s’y
attendre, ces députés, ainsi frustrés, jugent cavalière la réponse
de l’exécutif et crient au "bâillonnement" de l’opposition
parlementaire. C’est certainement de bonne guerre. Mais, en
s’opposant à la demande d’une enquête parlementaire sous le
prétexte d’une "enquête judiciaire en cours", le gouvernement ne
prête-t-il pas le flanc à ceux qui l’accusent de ce "bâillonnement"
et contre lequel s’insurge le groupe parlementaire "Justice et
Démocratie" ?
Quoiqu’il en soit, "la fin de non recevoir" opposée par le
gouvernement semble heurter, de plein fouet, le principe de la
séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

Par
ailleurs, n’est-il pas plus utile d’explorer toutes les voies
républicaines de recours pour trouver la vérité sur une affaire
aussi délicate et dramatique que l’incendie du grand marché de
Ouagadougou ? A moins que ce tragique incendie qui a
paralysé cet instrument aussi important de l’économie
burkinabè ne soit vécu au sein du gouvernement comme un cas
de conscience, il ne paraît pas judicieux de négliger, sous
quelque motif que ce soit, une initiative qui se propose de
contribuer à faire la lumière sur un tel drame. Car, s’il est vrai
que la démarche de l’opposition n’est pas neutre a priori, et
perturbe certains sanctuaires du pouvoir, le fait de vouloir
l’écarter sans autre forme de procès ne risque-t-il pas d’être
interprété comme une prime à l’impunité ou comme une volonté
de cacher quelque chose ?

Dans un contexte national dominé par une suspicion
généralisée, le bon sens recommande que l’on laisse libre
cours à toute démarche qui s’inscrive un tant soit peu dans le
cadre républicain. Car, ce serait vouloir une chose et son
contraire que de se féliciter d’avoir une Assemblée nationale
"multicolore" et de poser des entraves à l’expression de cette
pluralité sur des sujets d’intérêt national. Autrement, lorsque
l’opposition politique n’a plus d’autre recours que la rue pour
faire entendre sa voix, c’est la République elle-même qui devrait
se sentir gênée aux entournures.
Or, à l’heure actuelle, ce n’est
plus le potentiel, ou les conditions, ou encore moins le cadre
d’expression plurielle qui manque au Burkina.

Pour une fois, on ne dira pas que l’opposition est moribonde ou
n’ose pas prendre ses responsabilités. On se rappelle que
c’est à un député de ce même groupe parlementaire "Justice et
Démocratie" que l’honneur est revenu en juin dernier
d’interpeller le gouvernement sur les circonstances de
l’incendie de Rood Woko. C’est sans doute, en toute logique,
qu’il demande aujourd’hui une enquête parlementaire pour
situer les responsabilités dans cette affaire qui comporte un
enjeu vital pour la nation entière. Que le régime en place ne
saisisse pas cette occasion pour permettre à la démocratie
parlementaire de faire un saut qualitatif, cela est dommage.

Mais, l’opposition parlementaire gagnerait à ne pas s’arrêter en
si bon chemin. Pour peu qu’ils soient convaincus que la vérité
est sacrée, Me Sankara et ses camarades marqueraient un
grand coup en se donnant, en dehors du circuit du Parlement,
les moyens de déméler les ficelles qui empêcheraient la
lumière de jaillir du dossier de Rood Woko. Notre démocratie y
sortirait certainement grandie à l’intérieur comme à l’extérieur.

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