Le tribunal de grande instance de Manga a statué le mercredi 3 février sur un dossier relatif à la sorcellerie. La peine la plus lourde est revenue à un ancien militaire.
« Vous tous qui êtes dans la salle (NDLR le doigt pointé vers l’assistance), vous êtes des sorciers. Et vous, M. (NDLR le doigt pointé sur un prévenu à la barre) vous êtes le plus grand des sorciers parmi ceux que je vois. Qui peut venir infirmer ou confirmer ce que je viens de dire ? Quelle est ma preuve ? ».
Ces propos tenus par le procureur, Abdoul Jabbar Maïga, ont à eux seuls sous-tendu le verdict final et les peines infligées aux principaux protagonistes de cette affaire de sorcellerie. Son réquisitoire a consisté à mettre en évidence la difficulté de faire la preuve que « quelqu’un est sorcier ».
D’autant plus que, dira-t-il, la loi burkinabé ne reconnaît pas la sorcellerie. A cette audience particulière, comparaissaient cinq prévenus : DN, FB, GB, RN et MC, co-auteurs de violences exercées sur HTB, accusé de sorcellerie. Contre eux, plusieurs chefs d’inculpation allant de la diffamation à la violation de domicile en passant par les menaces sous conditions, et la dégradation des biens.
A l’origine de l’affaire, une succession de décès à Gago, village situé à 5 km de Manga. Déterminé, après un nième décès (celui de RB), à voir clair dans cette série noire, FB se met en tête d’une équipe d’investigation. Selon lui, de fortes charges pèsent sur HTB qui se voit vite désigné comme seul auteur de ces disparitions. En clair HTB est le « mangeur » des âmes des défunts. Les rencontres entre les anciens du village se succèdent, et la sentence tombe : « le sorcier » doit quitter le village.
Le principal accusé raconte : « Dès le lendemain du décès, je me suis engagé, sur autorisation du représentant du chef à trouver le responsable de la mort de RB, et c’est le 10ème jour que HTB a été identifié. Alors, nous avons décidé de le chasser du village. » Persuadé jusqu’alors de la justesse de ses actes, le prévenu se défend : « Si vraiment, HTB n’est pas sorcier, pourquoi tout le village s’est allié à moi dans cette affaire ? ».
Tour à tour, les 4 autres défileront à la barre pour donner leur version des faits. Ils se sont évertués à charger HTB et à soutenir sa culpabilité quant à la mort FB. Appelé également à la barre, la victime de l’accusation, HTB donnera au tribunal le détail des sévices dont il a été victime : « ma case a été détruite, mes animaux et autres biens saccagés ». Il expliquera au tribunal qu’après la vindicte populaire à laquelle son domicile été soumis, il a été emmené à Ouagadougou par son fils HB.
Avant de livrer son réquisitoire, le procureur a insisté sur l’absence de preuve juridique en matière de sorcellerie. Abdoul Jabbar Maïga a aussi et surtout insisté sur le fait que le défunt a souffert un mois durant de maladie avant d’être transporté dans un état comateux à l’hôpital où il décèdera quelques temps après.
Désignant FB comme le véritable responsable de la vindicte dont a été victime HTB le procureur Maïga, a requis contre lui une peine de 60 mois d’emprisonnement ferme. « Dans cette affaire, a-t-il argumenté, nous n’allons pas reculer.
Même s’il faut faire descendre l’armée pour régler cette situation, nous allons le faire. Nous sommes dans un Etat de droit. Et cette attitude est une violation grave de la loi fondamentale qui est la constitution ». En réponse aux réquisitions du procureur, le Président du tribunal, M. Hervé Attiron a prononcé le verdict de 60 mois d’emprisonnement contre le cerveau FB, et 36 mois contre ses co-accusés, GB et RN.
Dans le cas d’espèce, cette décision de justice marque une sorte de révolution. Il faut multiplier de telles décisions si l’on veut assurer durablement la sécurité, la tranquillité et la paix sociale. Cette affaire rappelle malheureusement que la plus part des cas d’accusation ont pour victimes des vieilles femmes, sans protectionet sans défense.
Sidgomdé
Sidwaya
