Une fois n’est pas coutume, nos gouvernants tiendront parole ; du moins, pour ce qui est de la mise en œuvre de la réforme du système scolaire. Ladite réforme, annoncée par différents régimes, a été un véritable serpent de mer, donc insaisissable.
Même le tout-puissant Conseil national de la Révolution du capitaine Thomas Sankara, malgré son volontarisme avec l’Appel de Gaoua, s’est heurté à la ‘’réalité du terrain’’. C’est donc avec un intérêt certain que les Burkinabè ont écouté les promesses faites sur la gratuité de l’enseignement de base au Burkina dont la première phase concrète sera, cette année, la distribution gratuite des manuels scolaires sur toute l’étendue du territoire.
C’est une opération d’envergure qui concernera aussi bien les écoles primaires publiques que privées. Pour la prochaine rentrée scolaire, les parents d’élèves et tous les autres acteurs de l’éducation dans notre pays devraient passer une rentrée sans nuage ou, du moins, sans les angoisses de l’achat des livres. Pour autant, Odile Bonkoungou et ses collaborateurs ne doivent pas crier trop vite victoire. Si cette opération est pleine d’espoirs et porte en elle le destin de la réussite de la réforme, elle n’est pas moins faite de défis, voire d’incertitudes.
Si la première phase, celle de la commande et de la réception des manuels s’est déroulée sans trop d’accrocs, rien ne garantit le même succès pour la suite de la procédure. En effet, il y a beaucoup d’appréhensions quant à la distribution des manuels : il faut que les destinataires soient vraiment les élèves du Burkina ; que les livres ne prennent pas des destinations sombres, donc du marché noir. Légitimes appréhensions quand on sait que, par le passé, des circuits d’individus indélicats s’étaient organisés au détriment de l’État et des parents d’élèves. Ainsi, alors que les élèves attendaient naturellement les fournitures promises en classe, certaines personnes se sucraient sur leur dos. Des personnes ont été punies, mais les sanctions semblent n’avoir pas été à la mesure de la forfaiture.
Certaines (mauvaises ?) langues avaient même laissé entendre que la Direction de l’allocation des moyens spécifiques aux écoles (DAMSE) aurait été, à l’époque, l’épicentre des fraudeurs. Alors, pourquoi la situation de cette année serait-elle différente ? Les défis seront de gagner le pari de la transparence, d’une part, et, d’autre part, de distribuer le manuel scolaire partout au Faso, et cela jusque dans le hameau le plus reculé. La vigilance doit être de rigueur pour éviter que les fournitures ne parviennent dans certaines localités à la fin de l’année scolaire 2007/2008.
Le ministère de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation doit aussi gagner le pari de l’implication effective des enseignants dans la gestion de ces manuels scolaires. Ce sont en effet eux qui ont la charge des livres au quotidien. Tant qu’ils ne seront pas sensibilisés sur le rôle qu’ils auront à jouer dans le succès de l’opération, les effets de la distribution gratuite des manuels scolaires au Burkina sera compromise.
Par ailleurs, même si l’État s’est dit disposé à œuvrer avec le privé pour que des maisons d’édition puissent voir le jour au Burkina, des libraires burkinabè se sentent menacés dans l’exercice de leur profession. Il faut donc que la réflexion soit menée au plus vite.
Ce qui est sûr, pour le succès de l’opération, chacun doit jouer pleinement le rôle qui est le sien. Les rôles sont répartis. Ainsi, les associations de parents d’élèves doivent occuper la place qui leur revient dans la gestion de ces supports pédagogiques. Les parents d’élèves, à la maison, doivent veiller à l’entretien des livres. Pour tout dire, si un parent venait à constater que son mouflet n’a pas de manuel, au lieu de l’acquérir, il devrait s’en référer au maître de l’élève pour en savoir la raison. Ainsi, la route pourra être barrée aux acteurs véreux.
Adam Igor
Journal du jeudi
