Actualités :: L’Etat burkinabè serait-il anti-peulh ?

Je dois avouer que je suis probablement le plus mal placé pour en parler. Parce que pour ce sujet là, je peux difficilement prendre le recul qu’impose l’analyse journalistique. Mais comment ne pas en parler tant le drame est immense et apparemment insolvable ? Et puis, la rubrique elle-même ne s’intitule-t-elle pas "Façon de voir " ?

C’est donc ma façon de voir, même s’il serait hasardeux de voir en ces précautions préalables le signe d’une " relativité ".

Alors interrogeons-nous tout de go ! L’Etat burkinabè serait-il anti-peulh ? Je dis bien l’Etat burkinabè, parce que je ne peux pas m’imaginer que les autres communautés nationales soient contre la communauté peulh. Je suis d’autant convaincu qu’aucune communauté nationale ne peut dire aujourd’hui que par le biais des intermariages, un des siens n’a pas épousé une femme de la communauté peulh et qu’une de leurs filles n’a pas pour époux un homme peulh.

Alors comment se fait-il que devant les drames des Peulhs, l’Etat burkinabè est totalement indifférent ? La preuve ? Avec les événements dramatiques de Manga-Est, la communauté peulh de la région toute entière est prise pour cible par une bande " d’incontrôlés " qui imposent sa loi, et sont apparemment en passe de gagner, qu’ils ne veulent plus de Peulhs dans leur contrée. Ils ne disent pas : telle ou telle personne de la communauté. Mais ce sont les Peulhs qu’ils ne veulent plus voir.

La délégation du gouverneur qui est allée rencontrer les populations s’est entendue dire que " l’Etat vienne chercher ses Peuhls pour les réinstaller où il veut, mais plus à Manga-Est ". Et la délégation s’en est retournée la queue entre les pattes.

Voilà la situation dramatique d’une communauté dont des centaines de membres, femmes et enfants, sont actuellement parqués dans des camps de fortune dans quelques lieux de la région de Manga. La bagarre qui a dégénéré entre Boureima Diandé et Issiaka Congo et s’est soldée par la mort du dernier peut-elle justifier une punition collective d’une communauté ?

Plus d’une dizaine de personnes sont ainsi mortes, par le seul fait d’appartenir à une communauté. Pour ces victimes innocentes et pour des centaines d’enfants et de femmes qui croupissent actuellement dans des lieux insalubres en plusieurs endroits dans Manga et ses environs, j’avais espéré que notre Etat lèverait le petit doigt pour dire que cela est inadmissible. Que cela n’est pas tolérable. Qu’aucun Burkinabè ne saurait souffrir de stigmatisation pour son appartenance ethnique. L’Etat n’a rien fait. Et pourtant, à Manga, l’administration elle-même est convaincue que dans cette affaire, la communauté peulh n’y est pour rien. Les rapports circonstanciés adressés à qui de droit ne peuvent pas avoir dit le contraire.

Il y a quand même des faits récurrents qui commandent que l’on interroge notre gouvernement sur la conduite de la concorde nationale et de la destinée des communautés nationales qui ont toutes, le droit à la dignité et à la vie sur le territoire national. Depuis le début de la décennie 1990, nous avons eu Mangodara, Kankounandeni...avec des morts, dont le seul tort est d’appartenir à la communauté peulh. Nous avons encore présent à l’esprit le cas de Baléré, dans le Gourma.

Il ne semble pas que le gouvernement ait fait quelque chose dans le sens de l’apaisement et du rétablissement des droits inviolables de chaque communauté à vivre sur le territoire national.
Les Peulhs qui sont actuellement parqués en divers endroits de Manga n’ont plus d’autre choix que de migrer soit au Ghana, soit en Côte d’Ivoire ou au Togo. Les rescapés de Baleré ont fui dans ces différents pays. Ainsi progressivement, le Burkina Faso qui ne sait quoi faire de ses Peulhs les contraint à l’exil. Depuis quelques années, ils sont des milliers avec des millions de têtes de bétail à fuir vers les pays voisins.

La répression aveugle de Bassolet, pour raison de banditisme, s’est particulièrement abattue sur la communauté peulh, contraignant des milliers d’entre eux, notamment dans la région du Gourma, à fuir soit au Bénin, soit au Togo. Depuis quelques années, le prix du bétail ne cesse de dégringoler dans notre pays. Si la conjoncture défavorable au Nigeria et plus récemment en Côte d’Ivoire en est une explication, on oublie souvent le fait que dans ces pays traditionnellement débouchés pour notre bétail, il y a déjà suffisamment de bêtes pour alimenter le marché local, par le fait justement de ces migrants peulhs burkinabè. De la sorte, c’est une part importante de notre richesse nationale qui est à jamais perdue. Personne n’y pense évidemment.

Une chose est certaine, si à Manga-Est, les gens ne devraient plus retourner chez eux, parce qu’ils sont Peulhs, alors les Burkinabè devraient se gêner de parler aux Ivoiriens de la situation de leurs ressortissants dans ce pays. Mais n’allons pas plus loin. Si cette situation est possible, alors les Mossis dans la région du Sud-Ouest du Burkina sont aussi en danger. Ou alors ce sera, en raison de leur nombre, la guerre civile. Il ne s’agit nullement d’agiter des peurs. Mais de regarder la réalité en face. Personne de nous n’a choisi la communauté ethnique dans laquelle il est né.
(lire aussi Situation des peulhs éleveurs, responsabilités croisées de Hamidou Tiémogo)

Par Newton Ahmed Barry

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