Actualités :: Célébration de la Saint-Louis : Une fête religieuse dénaturée
Abbé Frédéric Compaoré

La paroisse Saint-Louis de Temnaoré, située à 12 km au Sud-Ouest de Boussé, tient les 25 et 26 août de chaque année, la fête de son saint patron. Cette fête de grande envergure célébrée depuis 60 ans draine des milliers de personnes dont les comportements suscitent de grandes inquiétudes. Les faits.

La fête de Saint-Louis a été instaurée il y a 69 ans, plus exactement en 1938 correspondant à l’évangélisation du village de Temnaoré. Cette fête a pris la forme de rassemblement populaire que nous vivons depuis 1951.
A la date de création de la paroisse, on l’appelait en langue nationale mooré, "Mon père daaga" (Le marché du père).
"Cette fête a été acceptée par toute la population quelle que soit leur religion ou leur rang social", a reconnu l’abbé Frédéric Compaoré, curé de la paroisse depuis 3 ans.

Pour lui, "la fête de saint Louis est une occasion de célébrer la fraternité, l’amitié et l’unité par rapport à ce personnage qui est saint Louis". Pour le père religieux, cette fête revêt un caractère religieux.
La vision des pères religieux, des fidèles chrétiens et des milliers de personnes venant de toutes les contrées est-elle la même ?
En tous les cas, la fête de saint Louis naguère attendue avec impatience et nostalgie est en train de devenir le centre de tous les dangers et de la déchéance morale. La fête a perdu son objectif premier qui est la communion dans la fraternité et l’unité.
De nos jours, viols, rixes mortelles et drogue sont les maux qui minent cette fête religieuse.

Saint-Louis, nid des grands fléaux

"J’ai 49 ans. Depuis ma naissance, je suis toujours venue à la fête de saint Louis. Mais depuis quelques années, les agissements des jeunes ne font pas honneur à la fête ni à Dieu", a laissé entendre Madeleine Zongo, presqu’en larmes en indexant un jeune s’imbibant d’un cocktail frelaté (qui-ma-pousse, Nescafé, comprimé, éperon).

Mais de quels agissements s’agit-il ? De sources concordantes, il est fait cas depuis quelques années, de la montée vertigineuse des cas de viol, bagarres mortelles et le lieu est devenu une plaque tournante de la vente et de la consommation exagérée de la drogue. Sur ce point, le curé est peu plus clair : "Les dangers imminents et même ce que j’ai vécu, c’est la prise exagérée de la drogue. Tout ce qu’il y a de bagarres, les gens se poignardent. Vu leurs états, ils s’adonnent à la prostitution, aux viols. Mais pas beaucoup de vols".

Etendu sur près d’un kilomètre, dans ce marché, les fûts de dolo (bière de mil) et autres boissons frelatées se côtoient. La clientèle de ces boissons est à majorité jeune. Un habitué de la fête qui a voulu garder l’anonymat raconte une scène de viol :"Ils étaient environ 4 personnes à trimbaler la fille dans les champs. Elle criait dans la nuit. Mes jambes tremblaient. J’étais là impuissant. Ils sont tous passés sur la fille. Elle saignait abondamment. C’est la première fois que je verse des larmes parce que quelqu’un pleure".

L’année dernière, il y a eu entre 4 à 6 viols et la plupart des cas, c’est à plusieurs personnes. Pour beaucoup, ce sont les vices des villes qui se sont transportés sur le marché. Au moment où nous discutions avec un ressortissant, la foule s’ébranle, les gens courent de partout. Après constat, ce sont des policiers venus assurer la sécurité des lieux qui viennent d’empoigner un délinquant surnommé "Le gros". La tâche des policiers s’annonçait difficile pour une foire drainant plus de 40 000 personnes.

Toutes les routes sont considérées à risque dès la tombée de la nuit, surtout pour les filles, les femmes et ceux qui sont motorisés. Des filles sont venues spécialement de Ouagadougou pour vendre leur charme. Le marché se déroule toute la nuit, ce qui favorise toutes les actions de violence. Très interloqué, le curé de la paroisse de Temnaoré explique : "J’ai interpellé les fils et les filles de la paroisse de Temnaoré. je leur ai dit que nous ne sommes pas sourds de ce qu’on dit de cette fête qui devrait être religieuse. Mais nous sommes en mesure d’accepter qu’il y ait des débordements".

Pour certains, les comportements graves constatés sont l’oeuvre d’individus dangereux et mal intentionnés venus d’autres contrées pour ternir l’image de la fête. Sur ce point, l’abbé Frédéric Compaoré précise : "Nous avons sensibilisé nos paroissiens pour qu’à partir de 18h, il n’y ait plus personne sur la place. Nous avons une autorisation de la mairie de Siglé ; laquelle autorisation court jusqu’à 18h. Après cette heure, nous n’avons plus de responsabilité quelconque sur quoi que ce soit sur la fête de saint Louis". Pourtant la fête se déroule toute la nuit. Il est fastidieux de faire le tour du marché. La majorité des jeunes circulent avec des poignards aux flancs. Les uns tirent des poignards tandis que d’autres se jouent des machettes. Un ressortissant et policier de son état nous soufflat que le marché pilule de délinquants venus spécialement de Ouagadougou à bord d’un car.

Poursuivant notre randonnée, nous sommes tombés sur une conversation entre deux jeunes autour d’un débit de boisson. "Nous avions violé des filles (...) et dépouillé des gens l’année passée mais rien ne s’est passé", se disent-ils. Pour l’avouer, c’est la première fois qu’une aussi grande trouille nous envahit sur simple déclaration. Aux dernières nouvelles, ces deux malfrats sont hors d’état de nuire. Les années précédentes, toutes les issues étaient quadrillées par des bandes organisées qui poignardaient, dépouillaient et violaient comme ils l’entendaient et disparaissaient dans la nature.

La police en état d’alerte maximum

La caractéristique de saint-Louis est la foule qu’elle draine à chaque édition. A en croire les habitués, rare de fêtes religieuses ou coutumières drainent autant de monde à Temnaoré. La montée vertigineuse de la criminalité a amené les autorités religieuses à prendre des mesures idoines depuis quelques années.
"Depuis 3 ans, nous faisons chaque année un pas. La première année, nous avons sensibilisé les paroissiens. La deuxième année, nous avons purement et simplement supprimé les parkings qui favorisaient les dancings le soir sur le terrain de la paroisse. Cette année, en collaboration avec le maire, nous avons la présence de la police sur les lieux". A la vérité, seule la dernière mesure a porté des fruits. Les deux autres ayant très vite montré leurs limites.

En tous les cas, les agents de police commis à cette tâche n’oublieront pas de si tôt cette mission. Car ils n’ont pas du tout chômé. Par moment, des délinquants ont tenu tête aux forces de sécurité. Au cours des opérations d’interpellation, des agents ont agressés voire défiés. Les salles de classe transformées pour l’occasion en violon ont reçu un beau monde. Cette opération musclée de la police n’est pas passée inaperçue. Si par moment le marché était en ébullition, il faut reconnaître que la sécurité a été à la hauteur des défis à relever.

Moussa CONGO
AIB/Boussé

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