Actualités :: Maraîchage dans la cour de l’ENSP : La version du ministère de la (...)

Ce texte est un droit de réponse à deux articles parus dans nos colonnes, l’un sur une plainte de malades de la lèpre à propos de leur déguerpissement de la Trypano, l’autre sur une réunion convoquée après la divulgation du problème.

Les articles intitulés "Maraîchage dans la cour de l’ENSP. Les occupants refusent le déguerpissement et "Affaire maraîchage à l’ENSP, Vers un vrai faux terrain d’entente", parus dans votre journal Le Pays numéros 3925 et 3932 du jeudi 02 et mardi 14 août 2007, en pages 14 et 9, nous interpelle pour diverses raisons :
- d’abord, en notre qualité de premier responsable de l’Ecole nationale de santé publique (ENSP) ;
- ensuite, la question de "déguerpissement" d’une manière générale, est toujours mal perçue ou mal comprise par les populations à cause de la connotation répressive que ce mot recèle ; le caractère sensible de l’opération est davantage mis en exergue en l’espèce, s’agissant de "personnes malades" de la lèpre ; elles sont par conséquent handicapées et donc vulnérables ;
- enfin, les faits tels que relatés dans vos écrits sont loin de refléter les réalités sur le terrain.

C’est pourquoi, usant de notre droit de réponse, nous nous faisons le devoir, non pas d’instaurer une quelconque polémique autour de la question, mais plutôt de contribuer à informer le plus objectivement possible l’opinion nationale et aussi internationale sur cette affaire de "Maraîchage dans la cour de l’ENSP".

Pour une meilleure compréhension de la question, nous allons aborder la question selon les axes suivants : le regard rétrospectif du problème ; l’examen des mobiles du départ souhaité des occupants de l’espace en cause ; la présentation des modalités pratiques de cette opération dite de "déguerpissement", et enfin la conduite à tenir.

En regardant derrière nous, des hommes et des femmes se souviennent quand leurs proches allaient à la Trypano.

De l’origine du jardinage dans la cour de l’ENSP

Le terrain en question se trouve dans ce qu’on pourrait appeler l’ex-¬Trypano, qui est une formation sanitaire depuis le temps colonial où se traitaient des maladies comme la trypanosomiase humaine et la lèpre. De ce lieu, partaient les équipes mobiles des grandes endémies. La léproserie était basée à cet endroit et les malades atteints de la lèpre y étaient hospitalisés pendant de longues périodes parce que les seuls médicaments efficaces d’alors se prenaient pendant des années, voire toute la vie durant. Cela s’expliquait par le fait que les malades arrivaient avec de grands handicaps, exclus de leur communauté et même bannis, pour la plupart.

De ce fait, après leur guérison, beaucoup préféraient rester et aller mendier dans la journée pour revenir à la Trypano le soir venu.

Or Raoul Follereau, dans son combat contre la lèpre, a considéré la personnalité humaine en prenant en compte les paramètres tels que : soigner la maladie, aider ensuite l’intéressé à retrouver sa dignité d’Homme libre, persuader les bien portants que la lèpre est guérissable comme toute autre maladie ; il s’agit en réalité de démystifier la lèpre.

Aussi, ensemble avec les associations créées sous son impulsion, il a pris à bras-le-corps la question de la réinsertion socio-économique des anciens malades de la lèpre ; il a ainsi amené certains à faire du maraîchage et d’autres, de l’élevage ou encore du petit commerce, etc.

Les mêmes préoccupations avaient justifié son plaidoyer pour la construction par l’Etat voltaïque (nom du pays à l’époque des faits) de léproseries dans presque tous les cercles du pays ; les malades de la lèpre y étaient hospitalisés, nourris et soignés et même certains y séjournaient pendant le reste de leur vie.

A l’époque donc, le problème de l’espace ne se posait pas, l’hôpital Yalgado n’existait pas, a fortiori l’ENSP. C’est ce qui explique le maraîchage dans les limites des léproseries de l’époque en général, et à l’intérieur de celle de l’ex-Trypano située à Paspanga.

Il importe de souligner que tous les anciens malades de la lèpre ne sont plus des lépreux ; bien que susceptibles de porter des séquelles, ils sont guéris de la lèpre. En conséquence, ils ne sont plus locataires de l’ex-¬Trypano. Tous habitent dans les quartiers avoisinants et seuls quelques uns pratiquent encore le maraîchage à cet endroit.

En réalité, l’espace en cause appartient bel et bien à l’ENSP ; ce droit n’est d’ailleurs pas contesté par les ex-malades, ni remis en question par l’auteur de l’article quand il écrit que depuis les années 50, les maraîchers lépreux pratiquent le jardinage dans la cour de l’ENSP sise à Paspanga. Cette vision est conforme à la politique de réinsertion socio économique de l’Etat burkinabè, de l’Association et de la Fondation Raoul Follereau. En effet la convention du 27 octobre 1994 et celle du 11 février 2004 entre l’Etat burkinabè et la Fondation Raoul Follereau ne stipulent que le terrain appartient ni à la Fondation ni aux malades et anciens malades. Du reste, le ministère de la Santé a autorisé l’ENSP à dresser un mur pour délimiter son domaine.

Aujourd’hui, c’est la question, plus précisément, des conditions du départ de ces personnes dudit site pour autre destination, qui pose difficultés.

Mais que peut justifier une telle décision après plus de cinquante (50) ans d’exploitation des lieux par des malades (au début) et anciens malades de la lèpre ?

Abordons à présent les mobiles du départ souhaité des ex-malades de la lèpre.

II. Les raisons du départ souhaité des ex-malades de la lèpre

L’Ecole Nationale de Santé Publique (ENSP) est la principale institution de formation du personnel de santé non médecin du Burkina Faso. Elle compte environ 140 enseignants permanents, 400 enseignants vacataires et 4 500 élèves.

Elle gère actuellement vingt-deux (22) filières de formation et met à la disposition de la population chaque année environ 1200 agents. L’école occupe une place de choix dans la mise en oeuvre de la politique sanitaire de notre pays.

Ce faisant en 2006, le ministère de la Santé a instruit l’ENSP d’ouvrir de nouvelles filières pour s’adapter à l’évolution des sciences médicales et aux besoins en santé des populations avec une mention particulière à la lutte contre la mortalité maternelle et infantile.

Malgré ses succès et ses ambitions, l’ENSP connaît des difficultés de personnel et d’infrastructures, en particulier au niveau de la filière de formation des Sages-Femmes ; cette filière se trouve à l’étroit et dans des locaux n’appartenant pas à l’ENSP. L’insuffisance des locaux est criarde et joue sur la durée et la qualité de la formation dispensée. C’est pour apporter des débuts de solution à ces problèmes que l’ENSP envisage la construction d’un bâtiment dans son enceinte.

Consciente qu’une partie de l’espace pressenti pour accueillir l’infrastructure projetée est occupée par des "anciens malades de la lèpre", la Direction de l’ENSP a mis en place tout un processus qui, mis en application, devrait aboutir aux résultats attendus dans le strict respect des droits des parties en présence.

Pour le départ des ex-malades de la lèpre des modalités ont été trouvées.

Des modalités pratiques du départ des ex-malades de la lèpre.

D’abord la construction d’un bâtiment pédagogique à l’ENSP est avant tout un projet. Aussi en 2005, les occupants des lieux ont été tenus informés du souhait de l’école de pouvoir disposer de l’espace qu’ils occupent. L’information a été donnée par l’intermédiaire du comité local du Kadiogo de l’Association Burkinabè Raoul Follereau (ABRF). Et le 28 juillet 2005, lors d’une réunion, le bureau national de l’ABRF a été informé par son trésorier qu’"une délégation des anciens malades du Kadiogo a prospecté et identifié deux (2) sites où ils pourront installer leurs activités de maraîchage". L’un des sites se trouve du côté de Saaba pour lequel les propriétaires terriens demandent 1 250 000 francs et l’autre site est situé du côté de Sakoula dans l’arrondissement de Non¬Gremassom, terrain dont le prix n’a pas encore été fixé.

A la date d’aujourd’hui, le choix a été porté sur le terrain de Sakoula. Monsieur le maire de Nongremassom a bien voulu marquer son accord. Le terrain a été borné et un dossier monté et soumis à l’Administration compétente pour l’octroi dudit terrain. Avant de démarrer les travaux de mise en valeur proprement dite, il reste à payer les frais que le service des Domaines viendra à fixer. Il est entendu que les démarches utiles ont été menées à cet effet.

Il y a lieu de relever que toutes ces informations sont bien connues de l’association des anciens malades de la lèpre.

Puis par lettre en date du 18 Mai 2007, le directeur général de l’ENSP tenait au courant "tout jardinier de la cour de l’Ecole Nationale de Santé Publique" de la construction d’un bâtiment sur une partie de l’espace occupé actuellement. Cette lettre invitait les intéressés à prendre toutes les dispositions nécessaires pour libérer l’aire en question fin juin 2007 au plus tard.

Le 25 juin 2007, une "coordination des lépreux de l’ENSP" (d’ailleurs inconnue de la direction de l’ENSP) répondait à la correspondance sus citée par une requête de report de la date prévue pour quitter les lieux.

Par la même occasion, cette structure a souhaité pouvoir disposer d’un "terrain de grande surface bien aménagée, clôturée avec des logements, un forage, des puits et un dispensaire pour les personnes malades de la lèpre". Les concernés ont d’ailleurs souhaité "avoir une réponse de consensus", attitude à saluer à sa juste valeur.

En date du 6 juillet 2007, le directeur général de l’ENSP faisait suite à cet écrit par lettre adressée au responsable national de l’Association Raoul Follereau. En substance, il soulignait le caractère hautement social de la situation des jardiniers et aussi les impératifs de l’Etat de construire un bâtiment de formation ; il concédait par ailleurs un nouveau délai d’un mois qui viendra à terme fin juillet 2007. Compte tenu de ce nouvel élément, il a demandé que des efforts soient faits afin de respecter ce délai, faute de quoi le projet d’importance capital pourrait être compromis.

A la même date du 6 juillet 2007, le directeur général de l’ENSP par une deuxième lettre, informait le président de la coordination des lépreux de l’ENSP des résultats des concertations avec le comité de l’Association Raoul Follereau à Ouagadougou ; les différentes rencontres ont pour finalité de parvenir à une solution consensuelle. Il a été clairement exprimé d’aboutir à une solution amiable de la question qui, du reste, préoccupe tout le monde.

Toujours dans la quête de solutions aux sollicitations de l’association burkinabè Raoul Follereau, le directeur général de l’ENSP transmettait le 25 juillet 2007, la lettre de ladite association à monsieur le ministre d’Etat, ministre de la Santé ; il s’agit de la lettre du 25 juin 2007 contenant les diverses doléances. Il a fortement plaidé pour la satisfaction des attentes des concernés, seule voie pour pouvoir réaliser l’infrastructure attendue pour la rentrée prochaine.

Au regard de toutes ces rencontres non citées exhaustivement, de tous ces échanges de correspondances, de la volonté affichée des uns et des autres de trouver une, sinon des solutions de consensus aux difficultés rencontrées, il est surprenant et incompréhensible de lire dans votre article, relativement à la suggestion des occupants du site de pouvoir bénéficier de "mesures d’accompagnement", les affirmations gratuites ci-après : "les responsables de l’ENSP ne l’entendent pas de cette oreille" ; "la partie ENSP a balayé du revers de la main toutes leurs propositions". Et l’écrit insiste sur l’inquiétude des "victimes" par rapport à leur sort après le déguerpissement.

Mieux, l’auteur affirme sans sourciller que "le pire, c’est que nous ne sommes pas consultés, directement. Il n’existe pas un cadre de négociation entre nous. Tout se limite à l’information". Par "nous", entendez les ex-malades de la lèpre.

Enfin, la rencontre du samedi 11 août à 17h à côté du centre Raoul Follereau visait à s’accorder de nouveau afin d’identifier les vrais problèmes et les solutions appropriées. C’est d’ailleurs les conclusions de la dite rencontre.

Ce faisant, les questions que l’on est en droit de se poser sont, entre autres :

- l’auteur de l’écrit a-t-il eu la présence d’esprit de prendre attache avec toutes les parties prenantes avant de porter à la connaissance de l’opinion publique des informations qui ne traduisent pas un tant soit peu la réalité des choses ?

- existe-t-il des formes consacrées de concertation ou de recherche de solutions aux problèmes, qui n’auraient pas été observées dans le cas d’espèce ?

- de tout ce qui a été dit précédemment, y a-t-il eu menaces à un moment ou à un autre justifiant une prise de position aussi radicale des anciens lépreux qui déclarent être "prêts à laisser leur peau dans ce litige" et que "sans un autre site d’accueil, ils sont déterminés à la résistance quelle que soit la forme de coercition" ?

La conduite à tenir

Pour notre part, il sied de savoir raison proportion garder face à cette situation préoccupante pour chacun de nous. De grâce, nous ne sommes, ni en période de guerre, ni en instance de l’être, ni dans un système de répression aveugle, mais dans un système démocratique en marche dont les exigences nous commandent de trouver des solutions consensuelles.

En d’autres termes, les anciens malades de la lèpre doivent reconnaître en toute responsabilité que le parcellement d’une portion du terrain de l’ENSP à leur profit, doit être compris comme un type d’organisation ayant pour objectif de permettre une utilisation rationnelle de cet espace et non de leur en transférer la propriété. De leur côté comme déjà dit, l’Administration et l’Association burkinabè Raoul Follereau sont en train de faire tout ce qui est en leur pouvoir afin que ces personnes puissent poursuivre leurs activités dans de meilleures conditions possibles.

Au demeurant, il ne s’agit, ni d’envoyer des citoyens dans la rue pour mendier, ni d’avoir la peau de qui que ce soit. Il est plutôt question de justice et de devoir pour la jeunesse dont certains, j’en suis sûr, sont vos enfants (anciens malades) ; il s’agit de former, de bien former pour que la femme, l’enfant, l’homme, le vieillard, la vielle, meurent moins et ne soufrent plus de séquelles handicapantes des maladies. Il s’agit aussi de droit et du respect des lois par tous les fils de notre pays quelle que soit leur situation. Il s’agit également d’accompagner des anciens malades dans le cadre d’une intégration socio économique. Nous souhaitons que ces anciens malades imaginent un tant soit peu quel aurait été leur sort et que sera le sort de milliers de Burkinabè sans les soignants, mieux sans des soignants bien formés. Et que sera le sort des 14 millions de Burkinabé en un mot de notre pays face à toutes les maladies sans des soignants, mieux sans des soignants bien formés.

Aussi, nous invitons les anciens malades qui, nous pensons, ont toujours besoin de soins, de jouer balle à terre, de jouer une balle de dialogue et constructive, de poser les vrais problèmes et de ne pas se tromper de combat. Le combat qui mérite d’être mené est celui du bien-être de tous les Burkinabè ; ce combat passe, entre autres, par un personnel bien formé capable de prévenir, de soigner nos affections et de nous éviter toutes séquelles handicapantes. Il s’agit en un mot du combat de l’éducation et de la formation pour lequel nous devons faire des sacrifices pour les générations futures.

En tout état de cause, nous ne ménagerons aucun effort pour la résolution rapide et satisfaisante de ce qui se révèle être une incompréhension et non une confrontation. Aussi, nous marquons notre disponibilité constante pour toutes autres informations utiles sur la question.

Pour conclure, nous tirons notre chapeau à votre journal qui est toujours alerte à appuyer les actions allant dans le sens de la promotion de la santé des populations. Et c’est peut-être bon quelque part que vous ayez abordé cette affaire de cette cinquantaine de malades guéris de la lèpre sur les milliers d’autres aujourd’hui très reconnaissants.

La direction de la Communication et de la Presse ministérielle de la Santé

NDLR : On se perd à la lecture de ce texte qui semble avoir plusieurs signataires, à savoir le directeur de l’ENSP et le directeur de la Communication du ministère de la Santé. Mais passons. "Le Pays", dans cette affaire, n’a fait que donner la parole à des malades de la lèpre qui se sont présentées à la Rédaction. C’est une tradition pour nous que de donner la parole aux sans-voix, quitte à déranger certaines habitudes confortables.

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