Actualités :: Groupes ethniques et préjugés au Faso : Voyage au Centre, au Nord et à (...)

"Le Moaga (du Centre notamment) est un intrigant né, le Peul est fourbe (comme en témoignerait le nom Silmiiga - ruse rouge - que les Moosé lui ont donné) jusqu’aux ongles, le Bobo est paresseux comme un loir, etc.". C’est ce qu’on entend dire çà et là des groupes ethniques concernés. Mais ce n’est pas tout : chacun des soixante (60) groupes ethniques du Burkina en prend pour son grade dans ces caractéristiques et étiquetages.

Au lieu de se contenter de répéter à tue-tête ces attributs, il faut se demander s’il ne sied pas de s’interroger sur la véracité de telles caractérisations ; et dans l’hypothèse où cela est avéré, quels types d’explication peut-on en donner ?

Il convient toutefois de préciser que si la volonté d’aller au-delà de ces qualificatifs est un fait, il n’est pas certain que l’outillage intellectuel dont nous disposons le soit. Il se pourrait donc que certaines infirmités soient constatées dans la réflexion qui va suivre et qui se veut un simple regard de journaliste sur les péripéties d’un Etat-nation en construction.

D’emblée, on constate que le contexte historique d’expression de ce phénomène est le Burkina Faso, héritière de la Haute-Volta, que le colonisateur français a créée dans la première moitié du XXe siècle.

Auparavant, les groupes ethniques vivant sur ce territoire se connaissaient peu, ou pas du tout, ou encore s’ignoraient royalement. Sur le plan culturel et politique, peu de choses les liaient pendant la période précoloniale. Pire, l’hostilité que certains d’entre eux manifestaient à l’égard d’autres installés sur le territoire dégénérait parfois en conflit armé.

Une telle ambiance d’ignorance de l’autre, de non-connaissance de son prochain ou d’hostilité vis-à-vis du voisin pouvait conduire à tout moment au big-bang général.

L’exemple des gouvernants

Heureusement, les leaders de ce pays qui l’ont conduit à l’indépendance et ceux qui ont présidé à ses destinées depuis son accession à la souveraineté internationale jusqu’à ce jour ont certes partout été accusés ou sont accusés de privilégier telle ethnie ou telle région par rapport à telle autre, mais le phénomène, bien que source de souci pour les Burkinabè, est resté marginal (à ne pas confondre avec négligeable), peut-être parce que les accusations proférées à l’endroit de ces dirigeants relevaient ou relèvent plus des craintes que des réalités.

C’est dire qu’en chacun d’eux et en chacun de nous existe un certain sens de la mesure, de l’équité, du relativisme et de l’objectivité et que par-delà les appartenances ethniques des uns et des autres, l’approche de la question politique reste essentiellement politique même si par-ci, par-là il peut y avoir des dérapages.

Pour preuve, Daniel Ouezzin Coulibaly, le Bwaba, aurait dû être à coup sûr le premier président de la Haute-Volta si la mort n’avait pas décidé autrement alors que le poids démographique des Bwaba est inférieur à celui des Peuls, leurs maîtres.

Sur son lit de mort, il a passé la main à Maurice Yaméogo, le Moaga, qui a supplié son esclave san le lieutenant-colonel Sangoulé Lamizana de lui succéder un certain 3 janvier 1966 sous la pression des syndicats. Et le 25 novembre 1980, c’est le propre "frère" du général S. Lamizana qui le destitue. Il s’agit du san le colonel Saye Zerbo. Comme quoi, c’est d’abord politique et non ethnique...

Depuis la Révolution du 4-Août jusqu’à nos jours, c’est l’appartenance politique des citoyens qui peut leur attirer des ennuis, par leur origine ethnique ou régionale.

Prisonniers de l’obstacle épistémologique

Nous sommes donc tenté de dire que malgré ce que les uns disent à propos des autres et vice-versa, il y a une volonté palpable et concrète de vivre ensemble. Or, si cela est, de deux choses l’une : ou ce qu’on dit de l’autre est faux, ou ce qu’on lui reproche n’a pas atteint un niveau critique.

Dans la dernière éventualité, cela signifie que ce que l’on considère comme les défauts de l’autre est alors amplifié ; une démarche dans laquelle les Burkinabè excellent. Revenons à ces trois ethnies que nous estimons suffisamment représentatives de la mosaïque de peuples qui habitent notre pays.

En fait, il est des ethnies comme il est des humains : autant les humains portent des œillères (généralement de façon inconsciente) pour regarder leur prochain, autant les ethnies le font.

Franchir l’obstacle épistémologique et se mettre à la place de l’autre pour comprendre sa logique avant de le juger n’est pas une opération que tout le monde peut faire. Si fait que nous apprécions le comportement de l’autre en fonction de notre propre héritage culturel et en fonction de ce que nous pouvons gagner ou perdre dans un monde où l’avoir est l’unique condition du valoir.

Préjugé quand tu nous tiens

Les étiquetages ont ceci d’avantageux qu’ils ne font dépenser aucune énergie intellectuelle. Mais leur inconvénient est que nous baignons dans l’ignorance totale de l’autre, c’est-à-dire celui avec qui nous vivons tous les jours.

Pour nous, dire par exemple que le Bobo est paresseux est faux et participe soit d’une inculture dangereuse, soit d’un ethnocentrisme de mauvais aloi, soit d’une paresse intellectuelle inqualifiable.

Et à supposer que le Bobo travaille moins que le Gourounsi, le Bissa ou le Moaga (ce qui reste à démontrer par le biais d’une étude sérieuse), ne serait-ce pas un comportement, une survivance de l’économie de subsistance dans laquelle on se contente de produire tout juste pour la consommation et dans laquelle le surplus est "détruit" à la veille des nouvelles récoltes ?

Dans cette hypothèse, trois remarques s’imposent :
ce n’est donc pas une affaire d’ethnie, mais une question de type d’économie ;
c’est un comportement qui est amené à changer au regard du niveau de consommation ;
la culture du coton, qui vient comme l’illustration du précédent point, atteste que le changement est un fait.

Quant au Moaga, on le dit intrigant. En réalité, il semble que la culture du secret et du mystère dont il semble faire preuve autour des affaires soit guidée par deux choses :

la prudence d’abord. Ne sachant pas qui est l’autre et ce qu’il est capable de lui causer comme tort, il vaut mieux ne pas extérioriser ses sentiments de quelle que façon que ce soit ;

étant un peuple de conquérants, savoir le maximum de renseignements sur l’autre sans qu’il ne sache rien de soi était une redoutable arme de guerre. Aujourd’hui, on peut discuter du bien-fondé de ce genre comportement sous l’Etat de droit, mais il y a qu’il est difficile, voire impossible de se débarrasser de ce que nos ancêtres, nos grands-parents et nos parents nous ont inculqué d’un coup de baguette magique.

Enfin, que le Peul use de ruse et en abuse parfois est en fait un moyen de survie d’abord pour lui en égard au fait qu’il parcourt de grandes distances, rencontre beaucoup de peuples aussi différents les uns que les autres.

Une telle réalité exige le développement d’instances de conservation d’ordre culturel que les autres peuvent considérer comme de la fourberie. Au stade actuel de nos connaissances à nous ce que l’on dit des uns et des autres appartient au domaine du préjugé.

Autrement dit, il s’agit de la dénonciation de l’erreur ou au moins de l’absence de réflexion qui conduit un individu à adhérer à une idée fausse dont il n’a pas pris la peine de contrôler le bien-fondé voire à condamner des individus au nom de cette idée.

Les opinions racistes d’autres sortes de préjugé. On demeurant, pour ce qui du Burkina nous avons besoin de la "paresse" du Bobo car nous travaillons pour vivre ; nous ne vivons pas pour seulement travailler. Le côté intriguant du Moaga est également d’une utilité certaine dans un monde où nous n’avons pas que des amis. Enfin, la ruse du Peul est aussi importante dans la recette de l’Etat-nation en ce qu’elle peut dissuader bien de personnes hostiles. Ne faut-il pas du tout pour faire un Etat-nation ?

Zoodnoma Kafando

L’Observateur Paalga

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