Actualités :: SYNTER et fondateurs privés : La réplique de André-Eugène Ilboudo

Suite à la lettre ouverte aux fondateurs d’établissements d’enseignement privés par le secrétaire général du SYNTER, et parue dans notre édition du vendredi 4 mai dernier, nous avons reçu le droit de réponse suivant de André-Eugène Ilboudo, directeur du groupe scolaire l’Académie de Ouagadougou.

"Monsieur le secrétaire général du SYNTER,

J’ai lu avec un vif intérêt votre lettre ouverte aux fondateurs d’établissements privés parue dans "Le Pays" N°3862 du vendredi 4 mai 2007. Tout d’abord, une mise au point. Je suis trop petit pour polémiquer avec un SG de syndicat, qui plus est devra être le mien puisque je suis du corps enseignant. Vous me permettrez simplement de vous présenter les faits qui nous ont conduits à prendre la décision de nous séparer de 4 membres de notre personnel.

Vous tirerez alors la conclusion en ayant entendu, au moins, les deux parties et pas simplement en prenant faits et causes pour une partie et ce, selon sa simple et unique version. Les latins diront : "Testus unus, testus nullus". En d’autres termes : "Unique témoin, témoin nul !" Mis à part ce parti pris, je vous prie, Monsieur le SG, de considérer que je suis aussi enseignant et que donc, en principe, j’ai droit à votre écoute.

Monsieur le SG, je voudrais oublier la manière avec laquelle des professeurs ont libéré les élèves des classes le 10 avril 2007 sans que je ne sois informé de quoi que ce soit auparavant. Ce sont les éIeves qui sont venus m’informer de la grève des professeurs et de la date de leur retour en classe choisie pour eux par les professeurs.

Monsieur le SG, je voudrais oublier que du 10 au 12 avril la quasi-totalité des professeurs ont arrêté le travail même si certains l’ont fait à contre cœur puisque des professeurs ont libéré les élèves, intimidation à l’appui. La justice, à laquelle vous semblez tenir, nous enseigne qu’autant il n’y a jamais eu, dans les annales de la lutte syndicale, une grève qui a échoué à 100%, autant une grève n’a jamais réussi à 100%. Si au groupe scolaire l’Académie de Ouagadougou tous les 22 professeurs n’ont pas assuré leurs cours, nous savions pourquoi. Mais c’est loin d’être le fait de leur militantisme !

Monsieur le SG, à la reprise le vendredi 13, j’ai reçu trois membres du personnel dans mon bureau. Ils portaient trois revendications :

a) reverser les coupures opérées ;

b) arrêter les coupures ;

c) payer toutes les heures perdues pour fait de grève.

Pour les deux premiers points, j’ai dit que j’étais trop petit pour me placer au- dessus d’une loi de la République en la violant. Cela s’appelle aussi impunité, si je ne m’abuse. J’ai ajouté que j’étais un légaliste et que même si la loi était inique, je la respecterais tout en la combattant. Toutefois, j’ai rassuré les membres de la délégation que je m’engageais, tout en respectant la loi, à faire en sorte que chaque professeur retrouve le manque à gagner dû à la coupure des 10%, "même si je dois aller demander la somme complémentaire à El Hadj Kanazoé ou à Blaise Compaoré, l’essentiel étant que chaque professeur ne perde pas d’argent".

Voilà les faits. Têtus

Pour le troisième point, j’ai dit aux trois représentants, en leur montrant sur l’écran de mon ordinateur, un texte que j’avais écrit stipulant que j’avais décidé de payer les heures perdues pour fait de grève en fin de mois.

Visiblement, les trois délégués étaient satisfaits (peut-être ne s’attendaient-ils pas à la satisfaction des revendications) et m’ont remercié. C’est suite à leur compte rendu à certains professeurs qui attendaient dans la salle des professeurs qu’ils sont revenus m’informer que les professeurs ont dit : "Tant que vous ne déclarerez pas que vous ne respecterez pas la loi, ils iront en grève."

J’ai simplement rétorqué que ma responsabilité me commandais, dès lors, de faire le point de ceux qui iraient en grève et de ceux qui ne voulaient pas y aller afin d’organiser les cours. Sur ce, le samedi 14 avril j’ai joint la plupart des professeurs pour leur demander ce qu’ils feraient le lundi. La suite ne doit pas vous intéresser puisque la plupart sont venus assurer leurs cours. Quelques-uns ne sont pas venus parce qu’ils ont été rejoints par certains pour être intimidés. Bref, le groupe scolaire l’Académie de Ouagadougou a assuré les cours à partir du lundi 16 avril et ce, sans perturbations. Puis-je vous demander de rendre grâce à Dieu avec moi ?

Voilà les faits. Têtus ! Objectifs ! Je vous l’écris en plein jour ! Donc cela m’est opposable en public !

L’analyse et le commentaire

Venons-en à l’analyse et au commentaire. Monsieur le SG, certainement, en tant que patron d’une structure, vous avez au moins un secrétaire, un garçon de course ou, à défaut, un veilleur de nuit.

Premier cas. Dites-nous, en tant que SG, vous appelez au téléphone votre gardien. Il reconnaît votre numéro mais refuse de décrocher. Vous changer alors de puce. Il décroche. Et dès que vous vous présentez, il coupe son téléphone.

Monsieur le SG, un deuxième cas. Vous appelez votre secrétaire au téléphone. Il promet de se présenter à vous dans les 5 mn qui suivent. C’est plus de 48 heures après, soit le lundi après-midi, qu’il vient vous dire : "Je viens pour répondre à votre appel du samedi matin".

Monsieur le SG, un troisième cas. Vous appelez votre garçon de course au téléphone. Non content de ne pas répondre à votre question, il adopte une attitude irrespectueuse à votre endroit (Je conviens ici que n’ayant pas reçu la même éducation, il est des personnes qui n’ont aucun minimum de respect pour autrui. Personnellement, je dis toujours à mes élèves : même le mendiant à qui vous donnez le reste de votre nourriture mérite respect. Il est impoli de remettre la nourriture à un mendiant avec la gauche ou de lui jeter une piécette par terre). Mais bref, j’accepte que certains pensent que l’on peut manifester de l’irrespect à autrui et ce, de manière gratuite.

Monsieur le SG, je vous présente des cas similaires qui ont conduit le groupe scolaire l’Académie de Ouagadougou à se séparer de 5 personnes, non pas pour fait de grève mais simplement pour manque de courtoisie élémentaire due à autrui. Heureusement, la cinquième personne est revenue, après avoir envoyé un émissaire, me traduire tous ses regrets pour son acte discourtois. Je lui ai dit que j’étais le premier à me tromper tous les jours, mais que je priais le Bon Dieu qu’il me donne la force de reconnaître mes fautes et de m’améliorer. Cette personne a repris les cours. Pour les autres, à l’heure où je trace ces lignes, aucun des quatre n’est revenu me dire quoi ce soit. J’estime qu’ils pensent que leurs agissements sont corrects et qu’ils s’assument en conséquence ! Dommage que moi, je ne sois pas digne d’être défendu par vous !

Bref, Monsieur le SG, c’est vrai que les 4 membres dont le groupe scolaire l’Académie de Ouagadougou s’est séparé ont observé la grève, encore que je ne suis pas sûr qu’ils soient syndiqués. Mais cela est une autre paire de manche. Rassurez-vous, mes premiers collaborateurs au groupe scolaire l’Académie de Ouagadougou m’ont déclaré dès le premier jour qu’ils étaient syndiqués. Pourtant, ils sont toujours là et assurent leurs cours.

Monsieur le SG, ceux dont nous nous sommes séparés l’ont été plus pour attitude irrespectueuse envers le directeur du groupe scolaire l’Académie de Ouagadougou que pour fait de grève. Toutefois, j’accepte, sans qu’il ne soit nécessaire que vous me le disiez, que vous défendez un travailleur même s’il n’a aucun respect pour son employeur et ce, sans qu’aucun problème ne les oppose. Mieux, de surcroît, j’accepte que vous leur donniez une prime pour cela.

"Donne raison à celui qui a raison..."

Monsieur le SG, certainement qu’il ne sera pas utile que je vous dise que le climat que tous les membres de notre établissement tentent de construire est fait de respect réciproque et de convivialité. Les membres du groupe scolaire l’Académie de Ouagadougou sont fiers de construire un esprit de famille au sein de notre établissement. Il vous suffit de venir y travailler pour constater cette ambiance. Et cela, est à l’honneur de tous les travailleurs, dont deux syndicalistes d’ailleurs.

Mais, bien sûr, je ne suis pas naïf au point de croire que tous les travailleurs veulent un endroit sécure, convivial pour exercer pleinement leur talent. J’accepte qu’il existe des personnes qui veulent que ne rien ne marche ici-bas. Et quand ça marche, leur volonté est de toujours perturber.

Aujourd’hui, je dirige le groupe scolaire l’Académie de Ouagadougou. Demain ce sera certainement quelqu’un d’autre. Peut-être vous ! Pour le moment, j’ai choisi, avec le personnel, de bâtir une équipe qui gagne. Etant donné que la disposition d’esprit n’est pas un fait objectif décelable lors du recrutement, des personnes dont la vocation est d’enseigner mais qui manquent de ce minimum humain qu’est le respect d’autrui peuvent infiltrer notre équipe. J’assume l’entière responsabilité de les en éjecter.

Terminons. Je souhaite me tromper en disant qu’être syndicaliste ne veut pas dire manquer de respect aux autres, notamment à son employeur.

Je souhaite ne pas me tromper en disant qu’être syndicaliste, c’est connaître au minimum le droit du travail et les règles qui le régissent, dont la courtoisie et la loyauté vis-à-vis de son employeur.

Puis-je enfin croire qu’être syndicaliste, c’est défendre des causes justes ? Et s’il advenait que l’employé n’ait pas raison, qu’on puisse, sans aucune animosité, le lui signifier Eduquer les travailleurs peut être, et peut-être est l’un des objectifs du syndicalisme.

Bien sûr, ma connaissance du syndicalisme est limitée parce que je ne suis inscrit à aucun syndicat. Seulement, en tant qu’enseignant ma profession m’a obligé à me cultiver. Mieux, en tant qu’employeur, je me suis fait le devoir de lire les lois qui régissent le travail. Mieux, je me suis adjoint des compétences pour souvent les interpréter. Assis comme debout, j’ai donc lu sur le syndicalisme. Surtout n’étant pas couché, je discute avec bien des syndicalistes qui comptent d’ailleurs parmi mes meilleurs amis. En clair, assis ou debout (surtout pas couché) je vois, et même loin

Monsieur le SG, vous avez décidé de défendre les travailleurs en écoutant uniquement leur version. C’est votre droit. Je n’irai pas jusqu’à prétendre que c’est votre devoir !

Monsieur le SG, nos causes sont semblables, non pas que je sois simplement enseignant, mais surtout en tant qu’employeur. Le temps est venu pour nous d’envisager des relations cordiales entre employeurs et employés, surtout que l’histoire nous a démontré clairement que "si la méchanceté gratuite donnait quelque chose, le chien enragé ne serait pas poursuivi par tous les jeunes du village". Nous gagnerions à entretenir des rapports respectueux. Il n’est souvent pas nécessaire de prendre pour ennemis des personnes acquises à votre cause. Je comprends qu’il peut être utile, pour certains, de se tromper de cible et de combat.

Monsieur le SG, j’ai introduit ma réponse en vous prévenant que j’étais trop petit pour polémiquer avec vous. J’ai simplement souhaité vous présenter la deuxième version, à l’instar de vos amis dont vous avez accepté la version comme vérité évangélique sans le moindre recoupement. Qu’après m’avoir entendu vous choisissiez, malgré tout, de donner raison à vos amis, je ne verrais aucune contradiction avec votre position idéologique. Seulement j’aurais appelé de tous mes voeux que vous épousiez cette sagesse séculaire : "Donne raison à celui qui a raison et continue à aimer ton bien-aimé".

Confraternellement."

André-Eugène Ilboudo,
Directeur du groupe scolaire l’Académie de Ouagadougou

Le Pays

1er Mai 2024 : Le président Ibrahim Traoré rend hommage (...)
Fête du travail 2024 : Les journalistes de Lefaso.net (...)
Burkina/Orpaillage à Kalsaka : « J’ai eu trois millions de (...)
Bobo-Dioulasso : Inauguration du nouveau siège de la (...)
Burkina/ Enseignement supérieur : L’université Joseph (...)
Burkina/ Promotion de l’agrobusiness : « Sans accompagnement,
Burkina / Soutenance de thèse : Daouda Sawadogo (...)
Burkina/Nappe de poussière : « Protégez-vous pour éviter (...)
Burkina/Santé : Pathfinder International fait don de (...)
Mise en œuvre du projet Weoog-Paani : Les résultats (...)
Burkina/Mémoire historique et sursaut patriotique : « On (...)
Construction de l’aéroport de Donsin : « Globalement, nous (...)
Burkina/Produits de grande consommation : Une hausse (...)
28 avril 2024, Journée Mondiale de la Santé et de la (...)
Burkina : Les syndicats des enseignants apportent leur (...)
Burkina / Canicule : Quelques conseils et astuces pour (...)
Burkina Faso : L’ONG Educo initie une journée des (...)
Résilience climatique au Burkina : Immersion dans les (...)
Burkina/ Sécurité alimentaire : Le programme PRSA veut (...)
Action de solidarité envers les personnes vulnérables : (...)
Burkina : « La principale cause de l’insécurité dérive de (...)

Pages : 0 | 21 | 42 | 63 | 84 | 105 | 126 | 147 | 168 | ... | 36561


LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés