Actualités :: Pr Jean-Baptiste Nikièma : « Il faut compter avec la médecine traditionnelle (...)
Pr Jean Baptiste Nikièma

La lutte contre le VIH/Sida a amorcé une nouvelle dynamique au Burkina Faso depuis 2001 avec l’adoption du premier cadre stratégique. Une impulsion qui fait appel à toutes les forces vives dont la phytothérapie. Le Professeur Jean-Baptiste Nikièma, directeur de la médecine et de la pharmacopée traditionnelles nous situe sur l’importance de la phytothérapie dans la lutte contre l’infection à VIH.

Sidwaya (S). : Qu’est-ce que la phytothérapie ?

Jean Baptiste Nikièma (J.B.N.) : La phytothérapie est l’art de guérir par les plantes. Cet art de guérir s’adresse à l’être humain, à l’animal ou encore à la plante elle-même.

S. : Cette phytothérapie est-elle sans danger comme le laisse croire l’opinion publique ?

J. B. N. : C’est une opinion qui est parfois erronée de la phytothérapie. Parce que la plupart des médicaments, une grande partie en tous cas des médicaments
aujourd’hui utilisés en thérapeutique moderne, s’inspirent de la phytothérapie. Ils sont issus de la phytothérapie qui est une science ancienne pratiquée par les civilisations africaines, européennes, asiatiques pour traiter les maladies.

Si les plantes peuvent servir à la fabrication de médicaments, c’est, qu’elles renferment des molécules pouvant avoir une action légère ou puissante. Nous savons qu’il existe des plantes très toxiques qui ne doivent en aucun cas être utilisées. Les plantes appartenant à la famille appelée « aristolochia » sont toxiques et ne doivent aucunement être utilisées dans la thérapeutique. C’est une idée fausse qui veut que la phytothérapie soit prise comme une médecine douce et sans danger. La phytothérapie peut être dangereuse et doit être manipulée avec prudence.

S. : Le Burkina Faso accorde-t-il une importance à la phytothérapie dans la lutte contre le VIH/Sida ?

J. B. N. : Notre pays accorde une importance à la phytothérapie dans la lutte contre le VIH/Sida. En effet, la médecine traditionnelle de chez nous est essentiellement fondée sur la phytothérapie. Il est vrai que d’autres produits d’origine animale ou minérale sont utilisés également. Mais elle est essentiellement à base de plantes.
Ainsi, la médecine traditionnelle ne peut pas être ignorée dans la prise en charge des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) et d’une manière générale, dans la lutte contre le VIH/Sida.

S. : Donnez-nous quelques principes d’intervention de la phytothérapie dans le traitement de l’infection à VIH ?

J. B. N. : La phytothérapie doit apporter un plus aux patients. Elle ne doit pas gêner le traitement conventionnel dans la prise en charge des PVVIH. Justement, pour la prise en charge médicale, il y a des critères d’éligibilité. L’orsqu’un patient est éligible pour les antirétroviraux (ARV), il doit les prendre.
Toutefois, on peut se poser la question de savoir où se trouve la place des plantes dans tout ça ?

Il faut savoir d’emblée que tous les patients ne sont pas éligibles aux ARV. Ainsi, le premier principe d’utilisation de la phytothérapie, est d’augmenter au maximum la phase dite asymptomatique pour reculer beaucoup plus tard le moment où le patient aura besoin d’ARV. Le deuxième principe concerne les patients sous ARV mais qui subissent ce qu’on appelle un échec immunologique. Il y a deux principaux critères permettant de juger du succès du traitement par les ARV.

Il y a le succès virologique c’est-à-dire que la charge virale devient indétectable et il y a le succès immunologique, c’est-à-dire que les cellules de défense de l’organisme humain (lymphocytes CD4) remontent à un niveau appréciable qui puissent lui permettre de se défendre contre les maladies opportunistes du Sida. Il arrive souvent que le patient ait un succès virologique mais soit en échec immunologique. C’est là, une possibilité d’utiliser la phytothérapie pour faire remonter le taux de CD4.

Le troisième principe s’intéresse au fait que les traitements proposés dans le cadre de la lutte contre le VIH/Sida peuvent entraîner des effets secondaires, notamment avec les ARV qui engendrent un effet caractéristique qu’on appelle la toxicité mitochondriale. Il existe des substances issues des plantes qui peuvent réduire cette toxicité mitochondriale en réduisant le stress oxydatif. Voilà des fenêtres d’utilisation possible de la phytothérapie.

Toutefois, il faut que les plantes utilisées n’entraînent pas d’interactions négatives avec les ARV. Enfin, certaines plantes peuvent être utilisées dans le traitement des maladies opportunistes. C’est le cas de Euphorbia hirta (wal bisim), et de Gardenia sokotensis (Tangrakouenga).

S. : Y a-t-il des interactions entre la phytothérapie et les ARV ?

J. B. N. : Beaucoup de patients commettent souvent l’erreur de penser qu’ils peuvent augmenter leur chance de guérison en multipliant les traitements. Ce qui les amène à prendre souvent les ARV, souvent les plantes. Même au niveau des plantes, ils prennent plusieurs traitements à la fois. Ce qui les conduit à courir de tradipraticien en tradipraticien. Cette pratique peut être très dangereuse parce qu’il y a des produits de certaines plantes qui peuvent neutraliser l’action des médicaments ARV.

A titre d’exemple, l’hypéricine isolée d’une plante comme le millepertuis peut reduire l’éfficacité de certains ARV. En plus, des produits de certaines plantes peuvent faire en sorte que les ARV deviennent plus toxiques.
Cela fait que cumuler les recettes, n’est toujours pas recommandable. S’il y a lieu de le faire, il doit être fait avec une grande prudence sous le contrôle de quelqu’un qui s’y connaît bien, car il y a des cas où l’interaction des médicaments peut être positive.

Dans cette logique, nous sommes en train de préparer une brochure afin d’informer, les médecins qui ne sont pas toujours au courant, des problèmes qui peuvent apparaître à cause des associations. Très fréquemment, les cliniciens se contentent de dire aux patients d’éviter les associations de médicaments avec les plantes. Tout en sachant qu’en Afrique, cela est difficilement acceptable. C’est pourquoi, il faut faire la part des choses. Séparer ce qui est possible de ce qui est à risque.

S. : Quels sont les principaux produits utilisés en ce moment au Burkina Faso contre le VIH/Sida dans le cadre de la phytothérapie ?

J. B. N. : Il y a des produits qui sont issus des plantes du Burkina Faso. Il y en a également qui sont importés. Il y a des plantes célèbres comme le Panax ginseng qui est importé. Nous avons également des plantes comme Glycyrrhiza glabra qui est aussi importé de même que l’Aloès. D’autres plantes de chez nous sont bien entendu utilisées par les tradipraticiens dont le « Moringa Oleifera » (Arzantiga).

S. : Est-il possible que le Burkina valorise ses propres ressources pour efficacement lutter contre le Sida ?

J. B. N. : Cela est tout à fait possible. Du reste, même les produits qui sont importés, s’inscrivent dans des méthodes de traitement tout à fait classique, de prise en charge des patients en utilisant des substances telles que les antioxydants et immunostimulants etc. Ces substances existent bel et bien dans certaines de nos plantes, parfois à une concentration supérieure à ce qui vient d’ailleurs. Il s’agit donc de donner suffisamment de moyens à la recherche pour valoriser nos substances et cela peut faire en sorte que nos chercheurs arrivent à mettre au point des médicaments à même d’apporter un soutien très important au PVVIH pour retarder autant que possible le développement de la maladie et pour réduire les effets secondaires liés à certaines médications.

Entretien réalisé par Charles OUEDRAOGO

Sidwaya

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