"Pays-Bas", c’est le nom donné au marché de dolo de Mogtédo. Comme son nom l’indique, il est situé dans un bas-fond par rapport au reste du marché qui se trouve sur une élévation. Dans tout cabaret comme on le sait, soupe de boyaux, tabac, colas, et bien d’autres marchandises diverses se côtoient pour assurer un bon séjour aux clients.
Ce jour-là, le marché battait son plein. On buvait et on riait aux éclats sous les hangars. Sur les allées, hommes et femmes se bousculent et plaisantent. L’alcool aidant les voix s’élèvent souvent mêlées d’injures et de menaces.
Dans cette ambiance de marché de fou, les échanges entre deux femmes prirent une allure de plus en plus grossière. Chacune tentait de mettre la honte à l’autre en disant qu’elle entretien mal la chose sacrée qu’elle garde jalousement sous on pagne.
Le ton montant entre les femmes qui sont d’un certain âge, quelques curieux, calebasses dans la main, s’attroupèrent autour d’elles pour rire.
Soudain, les femmes se mirent debout et s’affrontèrent. La lutte fut âpre et farouche. Le groupuscule se dispersa, mais cela attira l’attention de tous. Les gens n’eurent pas le temps de demander ce qui se passait. Les deux femmes s’étaient précipitées de se déshabiller mutuellement. Aucune ne portait le moindre sous vêtement susceptible de cacher quelque chose. La dispute passa de la simple bagarre à un spectacle inédit. Tout le monde arrêta de boire pour voir le film en live.
L’une d’elles terrassa son adversaire. Elle se battait les jambes en l’air. Ceux qui ont horreur de la pudeur s’enfuiyaient pour ne pas assister à cette exposition de nudité. Mais les curieux, surtout les jeunes, s’y plaisaient et souhaitaient que le spectacle dure aussi longtemps que possible. Certains spectateurs plus responsables s’interposèrent entre les femmes pour arrêter le massacre.
La nouvelle se répandit dans tout le marché. Même ceux qui ne mettaient jamais pieds au « Pays-Bas » s’y rendirent ce jour-là, pour observer les deux voisines, qui après s’être rhabillées reprirent leur place pour continuer leurs activités, tout en se regardant en chiens de faïence.
Comme quoi au « Pays-Bas » on n’y va pas seulement pour boire mais pour voir.
Lavoisier
L’Opinion
