Actualités :: Education des filles au Burkina : Travailler à l’accès, au maintien et à la (...)
Alice Tiendrébéogo (FAWE-Burkina)

L’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme reconnaît le droit à l’éducation comme un droit fondamental. Depuis le forum mondial sur l’Education pour tous (EPT) tenu à Jomtien en Thaïlande, des actions sont menées dans le but de promouvoir l’éducation des filles. Plus de 15 ans après Jomtien, le sujet est toujours d’actualité au Burkina Faso.

Le Burkina Faso, à l’instar de la plupart des pays d’Afrique au Sud du Sahara, s’est engagé à faire de l’éducation des filles, une priorité. Le forum de Jomtien en Thaïlande, tenu en 1990 sur l’éducation pour tous, a mis un accent particulier sur l’éducation des filles. A cette rencontre, la communauté internationale a été interpellée sur la nécessité de ramener au secteur de l’éducation ceux qui y avaient été exclus. Il s’agit notamment des filles et des femmes.

Dès lors, le Burkina s’est attelé à élaborer une politique "claire" en la matière. A travers des structures publiques et des organisations de la société civile, plusieurs actions sont menées tant au niveau du primaire, du secondaire que du supérieur dans le but d’améliorer l’accès, le maintien et le succès des filles à l’école.

Des stratégies multiples...

La stratégie nationale inspirée du plan d’action de 1997 en faveur de l’éducation des filles a consisté à faire de la mobilisation sociale autour de la question, à travers des actions de plaidoyer et de sensibilisation.
Une Direction de la promotion pour l’éducation des filles (DPEF) a même été créée.

Pour la directrice, Mme Kadiatou Korsaga, on ne saurait développer un pays en laissant une frange de la population dans l’obscurantisme. Convaincue que la bataille contre la pauvreté ne peut être gagnée sans l’apport des femmes, la DPEF les a organisées en Association des mères éducatrices (AME). Ce sont des femmes ayant ou non des enfants à l’école et qui ont compris l’intérêt d’accompagner les filles. Analphabètes pour la plupart, il a fallu d’abord les alphabétiser. "C’était le préalable pour qu’elles défendent l’éducation", a déclaré Mme Korsaga, car, en général, ce sont elles qui retiennent les filles à la maison.

Ces mères éducatrices sont présentes à toutes les activités de l’école, mieux, elles suivent les filles dans leur cursus. Elles constatent les absences, écoutent les difficultés et leur donnent le temps de travailler après les cours.

Au niveau local, les autorités religieuses, coutumières et administratives ont été mises à contribution.
L’enseignant, malgré son statut d’éducateur, peut être un danger pour les filles. Son comportement peut influencer négativement les communautés sur l’acceptation de l’école. Un accent particulier est donc mis sur la formation morale et pédagogique des enseignants. Il s’agit de les amener à assumer leur rôle d’éducateur et à lutter contre les stéréotypes sexistes. La politique actuelle consiste également à affecter plus d’enseignantes dans les localités où le taux de scolarisation des filles reste faible , pour servir de modèles aux communautés.

L’Etat a également pris des mesures incitatives pour encourager les filles et diminuer les charges des parents. Dans certaines localités, c’est plutôt par manque de moyens que les parents opèrent des choix et les filles sont d’office écartées.
Depuis quelques années, le ministère de l’Enseignement de base et de l’Alphabétisation (MEBA) prend en charge les manuels scolaires des élèves des établissements primaires publics.

Pour les fournitures scolaires, l’Etat soutient les filles en situation difficile. Il en est de même des cotisations des associations des parents d’élèves.
Ces mesures d’accompagnement, associées aux campagnes de sensibilisation, ont produit des résultats fort encourageants. Entre 2002 et 2006, le nombre de filles scolarisées au Burkina Faso est passé de 84 mille à plus de 137 mille.

Aujourd’hui, nous sommes à un taux brut de scolarisation des filles de 55%. Depuis la mise en marche du plan stratégique en faveur de l’éducation des filles en 1997, certaines régions évoluent lentement et ont un taux inférieur à la moyenne nationale : Il s’agit de la Komondjari, de la Gnagna, du Sanmatenga, du Namentenga, du Ioba, et de la Bouguiriba. Dans la région du Sud-Ouest, non seulement les filles migrent beaucoup, mais également les parents préfèrent les utiliser pour en tirer l’usufruit, au lieu de les envoyer à l’école. Elles sont alors utilisées pour le petit commerce.

A l’Est, les filles sont données en mariage dès la naissance, ce qui les oblige à interrompre leur cycle pour se marier. Selon Mme Korsaga, dans certaines localités, les parents continuent de cacher les enfants, en les envoyant hors du village pendant les recencements. De tels comportements limitent les actions de l’Etat et des partenaires qui consacrent des sommes colossales à l’éducation des filles. Si au primaire les résultats sont encourageants, au secondaire et au supérieur, les actions demeurent insuffisantes pour l’accès, le maintien et le succès des filles.

Pour plus de filles au secondaire et au supérieur

La passage du primaire au secondaire chez les filles est une étape cruciale, jonchée de difficultés de tous ordres.
L’hébergement et la restauration sont les soucis majeurs. Les multiples prises en charge dont les filles bénéficient au primaire ne se perpétuent pas au secondaire. Du coup, l’échec à l’entrée en sixième ou la difficulté à trouver un tuteur peut freiner la scolarité d’un enfant.

Selon la représentante de FAWE Burkina, Mme Alice Tiendrébéogo, la politique actuelle met l’accent sur l’enseignement de base. Chose normale selon elle, car il faut élargir la base, "mais, à un certain moment, il faut des dispositifs pour que les filles puissent poursuivre leurs études, a-t-elle rélevé, au risque de décourager les parents".

Conscient du problème, l’État a mis en place la Commission nationale pour l’éducation des filles au secondaire et au supérieur (CNEFSS) en plus du Centre international pour l’éducation des filles et des femmes en Afrique (CIEFFA). Ces structures bien que jeunes, s’attellent à mener les réflexions sur les voies et moyens pour la réussite scolaire des filles.

Aussi, le CIEFFA, en collaboration avec FAWE, a diligenté une étude sur la situation actuelle et les difficultés d’accès et le maintien des filles à l’éducation. Les résultats de l’étude, selon la coordonatrice du CIEFFA, Mme Elisabeth Ouédraogo, ont été mis à la disposition des décideurs, afin qu’ils adoptent des stratégies adéquates pour l’éducation des filles.
Les difficultés répertoriées sont d’ordre matériel, financier, psychologique, et socioculturel.

Des structures associatives et des ONG appuient les filles au secondaire. Ainsi FAWE, à travers des clubs de jeunes filles, offre un cadre d’échanges et de concertations sur leurs problèmes quotidiens : harcèlement, mariage forcé... Elle soutient également les filles avec des bourses offertes par Plan Burkina, le projet Bright et les bourses des ambassades américaines.

La non formation des enseignants à l’approche genre, le désintérêt des parents et le manque de motivation des filles sont les embûches que FAWE tente de surpasser.
Le secondaire marque également la période de la puberté chez la plupart des jeunes. De plus en plus, les filles prennent conscience très tôt de leur féminité et de ce qu’elles peuvent en tirer.

Bien que les actions soient axées sur elles, les filles n’ont pas toujours conscience qu’elles sont les artisanes de leur propre vie. Le sentiment général, selon les promotrices de l’éducation des filles, c’est que certaines d’entre elles sont convaincues que ce n’est pas l’effort qui paie. "Elles ont tendance à croire que tout va venir lorsqu’on a des relations, et beaucoup comptent sur le mariage pour réussir", a regretté Mme Tiendrébéogo.
La trouvaille de FAWE consiste à convaincre par l’exemple. Cela consiste à faire venir au sein des clubs, des femmes qui ont réussi, afin qu’elles relatent leur parcours. Le but étant de stimuler les filles à emboîter le pas à ces femmes modèles.

Aux côtés des associations, le CIEFFA œuvre au renforcement des capacités des filles afin qu’elles aient confiance en elles-mêmes.

Grâce au plaidoyer des différents acteurs de l’éducation, les partenaires techniques et financiers sont à pied d’œuvre pour mettre des foyers à la disposition des filles, les problèmes liés au tutorat seront ainsi aplanis.
Grâce à l’action conjuguée des autorités, des partenaires techniques et financiers, de la société civile et l’action de coordination et d’orientation du CIEFFA, le taux brut de scolarisation chez les filles est en hausse par rapport à l’année 2004-2005.

Les statistiques 2005-2006 de la direction des Études et de la Planification du ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique, l’attestent.

Les filles représentent 40,63% des effectifs de l’enseignement secondaire général 49,49% de l’enseignement technique et professionnel. Le taux est plus élevé dans l’enseignement technique à cause des filières tertiaires qu’offrent les établissements privés. L’Est avec 34,63% et le Sahel 32,21% sont à la queue du peloton. Loin de se laisser décourager par les chiffres, les acteurs de l’éducation encouragent les filles à aller le plus loin possible dans les études.

La situation est peu reluisante au supérieur

En progressant, les difficultés croissent et les filles sont plus vulnérables. Pour Mme Tiendrébéogo, l’étroitesse du marché de l’emploi, et l’inadéquation entre les formations et les besoins du marché exposent les femmes au chômage et au sous-emploi. Cette amère expérience des aînées est un facteur décourageant pour les jeunes : conséquences, elles tentent très tôt des concours et quittent le circuit.

Mme Ouédraogo elle, insiste sur les facteurs psychologiques et socioculturels qui conditionnent les filles et créent des blocages. Elles manquent de confiance en elles et sont convaincues qu’elles sont destinées à certaines filières.

Beaucoup s’orientent vers les cycles courts pour sans doute s’en sortir et aider les parents, mais aussi pour obtenir rapidement un diplôme, car "elles ont peur de vieillir sur les bancs et de se retrouver sans mari ni boulot". Ce qui est encore plus préoccupant, selon Alice Tiendrébéogo, c’est que du fait de l’aisance matérielle des parents, des enfants ne trouvent plus d’intérêt à se bâtir une carrière .

Le taux brut de scolarisation des filles va decrescendo selon le cycle , 55% au primaire, 18,55% au premier cycle du secondaire, 5,96% au second cycle et 1,31% au supérieur. En 2005-2006, 20,32% des filles inscrites en première année du supérieur ont terminé le premier cycle et 5,34% ont atteint le 3e cycle. La situation actuelle de l’éducation des filles se présente comme une pyramide inversée, voire un entonnoir à fond épais.

L’ensemble des acteurs pense qu’il faut travailler à minimiser les barrières. Aux multiples stratégies en application actuellement, il est préconisé la réouverture des centres d’hébergement, l’attribution de bourses, l’implication des femmes enseignantes, la création d’emplois.
Le CIEFFA réfléchit à la mise en place d’une cellule genre à l’Université afin de faciliter l’évolution des filles.

Assétou BADOH

Sidwaya

Burkina : Le gouvernement rejette le rapport de Human (...)
Construction du pont à poutre à Banakélédaga : Le ministre (...)
SNC 2024 : L’UNFPA renforce les capacités de 50 femmes en (...)
Burkina : La pose de hénné, un business qui marche pour (...)
Lutte contre le terrorisme : « Il y a certaines (...)
Burkina / Concours de la magistrature : La maîtrise ou (...)
Bobo-Dioulasso : Un an de silence depuis la disparition (...)
Burkina/Coupures d’eau : Au quartier Sin-yiri de (...)
Burkina/Lutte contre l’insécurité : La direction générale (...)
Burkina/CHU Souro Sanou : La CNSS offre une automate de (...)
Burkina/Santé : Médecins Sans Frontières offre de nouveaux (...)
57e session de la Commission population et développement (...)
Burkina/Action sociale : L’association Go Paga devient « (...)
Bobo-Dioulasso : Les chefs coutumiers traditionnels (...)
Burkina Faso : Le secrétaire général de la CGT-B, Moussa (...)
Burkina : La Côte d’Ivoire va accompagner le retour (...)
Burkina/Enseignement supérieur : L’université Joseph (...)
Burkina : « Nous demandons à notre ministre de tutelle de (...)
La Poste Burkina Faso : « Malgré la crise sécuritaire, les (...)
Bobo-Dioulasso : Incinération de produits prohibés d’une (...)
Burkina/ Mesures de réponses aux pandémies et crises (...)

Pages : 0 | 21 | 42 | 63 | 84 | 105 | 126 | 147 | 168 | ... | 36519


LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés