Actualités :: Destruction des Kundé : Quand la rumeur réveille la bête immonde

Les chaudes journées des 16 et 17 mars 2007 derniers, qui ont vu une foule se déchaîner sur les maquis du groupe Kundé, ont été abondamment rapportées et commentées par les médias. Mieux, les responsabilités de l’Etat, dont les structures ont à peine bougé, ont été relevées avec au passage la dénonciation de "l’impunité qui fait le lit des émeutes" selon l’Observateur paalga n° 6848 du 19/03/07.

En plus de ces explications, somme toutes fondées et bien à propos, il est un phénomène dont la non-détection et la non-éradication par les services compétents de l’Etat ont contribué à rendre les dégâts encore plus importants ; surtout qu’il a été relayé, sans le professionnalisme requis, par certaines stations de radio FM privées : il s’agit, comme vous l’aurez imaginé, de la rumeur.

Aujourd’hui que le pire est, nous l’espérons, derrière nous, il importe de soumettre le phénomène de la rumeur à la réflexion, car le comprenant, il devient moins difficile de prendre du recul quand il survient dans notre environnement social.

Cela dit, "la rumeur, selon Jean-Noèl Kapferer dans Rumeurs (Seuil, Paris 1987), est partout, quelles que soient les sphères de notre vie sociale". Pour lui, "elle est aussi le plus ancien des mass médias. Avant que n’existe l’écriture, le bouche-à-oreille était le seul canal de communication dans les sociétés. La rumeur véhiculait les nouvelles, faisait et défaisait les réputations, précipitait les émeutes et les guerres".

Cependant, si l’on peut parler du pouvoir de la rumeur au passé en Occident comme le fait J.-N. Kapferer, en Afrique, ce pouvoir est plus que jamais d’actualité dans la mesure où la rumeur est souvent la seule source d’information pour nombre de médias nés grâce à l’Etat de droit, mais ne comptant pas en leur sein des professionnels au fait des questions d’éthique et de déontologie.

Ainsi, le 16 mars, plus d’un auditeur a entendu sur les ondes de certaines stations de radio FM les parents des victimes accusant ouvertement les responsables des Kundé sur la base des ouï-dire. Et comme l’interviewer qu’ils avaient en face d’eux tenait déjà les Kundé pour responsables des crimes, qui pouvait recentrer l’entretien afin d’éviter que des personnes innocentes soient accusées ? Personne !

Phénomène de transmission large, par tout moyen de communication formel ou informel, d’une histoire prétendue vraie ou révélée, le terme recouvre donc des réalités très diverses. C’est ainsi que les fausses informations, les erreurs journalistiques, les préjugés, les canulars sont, à bien des égards, sources ou conséquences des rumeurs. Leur point de départ est inconnu de même que l’ampleur de leurs conséquences.

Dans notre cas de figure, il est vrai que de source proche des parents des victimes, l’un des suspects aurait dit que le Kundé de la cité an II lui appartient et qu’en cas de besoin, on pourrait l’y retrouver. Mais tout ça, c’est au conditionnel comme vous l’aurez constaté. Or, nous savons ce qui peut advenir de Paris avec des si.

Cette triste histoire nous rappelle une autre, moins triste, sous la Révolution démocratique et populaire (RDP) : en 1984, la rumeur avait couru, qui disait que John Jerry Rawlings était mort. Le Tout-Burkina Faso en était convaincu malgré les démentis officiels du Conseil national de la révolution (CNR).

Qui connaissait le degré de fraternité révolutionnaire entre Thomas Sankara et JJ Rawlings et, à travers eux, le Burkina et le Ghana, pouvait imaginer l’émoi dans lequel se trouvait la majorité des Burkinabè. Il a fallu que le dirigeant ghanéen de l’époque vienne à Ouagadougou et tienne des meetings avant que la rumeur ne se dissipe.

Plus récemment, quand son Excellence Tertius Zongo, alors ministre en charge du Budget, a quitté le gouvernement à la fin des années 1990 et au début des années 2000, que n’a-t-on pas dit ? Qu’il s’apprêtait à prendre la poudre d’escampette avec au moins cent (100) millions de francs CFA dans une mallette. C’est in extremis à l’aéroport qu’il aurait été arrêté. A l’époque, des journaux s’en étaient fait l’écho dans un style qui laissait croire que c’est vrai. Or, tout ça n’était que du vent.

Certes, il est illusoire de penser que le plus vieux média du monde qu’est la rumeur peut disparaître. Il est donc consubstantiel à l’être humain en tant qu’homoloquase. Cependant, faire de son environnement une ruche dans laquelle il ne bourdonne que des rumeurs constitue une sérieuse menace pour la République surtout si, comme c’est le cas au Burkina, le destinataire est d’une crédulité déconcertante.

Deux circonstances atténuantes cependant :

- Les survivances de la tradition orale ; cela fait seulement un peu plus de cent (100) ans que nous sommes entrés, de façon brutale, en contact avec le monde occidental, essentiellement caractérisé par l’écriture ; par ailleurs, malgré ce contact, moins de 30% de Burkinabè savent lire et écrire ;

- le monde de la pénurie ; dans un environnement marqué par la rareté des ressources, le souci premier de l’être humain est la satisfaction de ses besoins biologiques primaires.

Il y a peu ou pas de place du tout pour la culture et les loisirs. Quand on ne mange pas bien et à sa faim, quand on ne boit pas à sa soif (de l’eau potable), etc., il est difficile voire impossible de réussir à l’école, lorsqu’on y est inscrit. Or, l’analphabétisme limite l’esprit critique et empêche de ce fait de parvenir à surmonter les obstacles épistémologiques.

Ce contexte devient un terreau fertile pour ensemencer les idées les plus saugrenues sans que le sujet puisse prendre le recul nécessaire comme le conseille tout justement l’adage : "Consulte le charlatan, mais conseille-toi". Hélas, cette vérité élémentaire n’a pas été la chose la mieux partagée le 16 mars dernier, et la bête immonde qui sommeille ou qui somnole en tout humain s’est réveillée. La suite, on la connaît.

Z.K.

L’Observateur

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