Actualités :: Femme et émancipation : De l’inculture à l’aliénation

Aujourd’hui beaucoup de jeunes filles en âge de se marier, ne savent pas préparer. Cette situation embarrassante pousse certains maris à renvoyer leurs épouses chez les parents pour suivre un stage forcé et rapide.

Les femmes dans notre culture se distinguent de leurs coépouses ou d’éventuelles rivales par leurs talents de cordon bleu. Elles gardent jalousement leurs petits « secrets » et « astuces » pour réussir les mets les plus savoureux. Elles attirent ainsi la sympathie de la belle famille et l’estime de leurs maris.

Cette manière de séduire menée à bien constitue un atout considérable dans la main de la femme, voire une force de négociation. Elle a toute son importance dans la prise des décisions importantes par le chef de famille. L’éducation de l’adolescente est bâtie autour de la pratique de l’adage suivant : « Une femme habile dans l’art culinaire, dispose de la réalité du pouvoir au foyer ».

Dans cette capitale africaine, Ouagadougou, j’ai assisté lors d’une cérémonie funéraire à une situation que les mères des premières générations ont qualifié de scandale social. Les hauts cris de beaucoup d’entre-elles étaient impressionnantes. Une trentaine, de jeunes filles pour la plupart étudiantes, avaient pour mission de préparer du to avec de la sauce feuille.

Tous les ingrédients et les ustensiles adéquats avaient été fournis au groupe de filles. Au bout du compte, seules deux étudiantes, savaient comment faire la sauce feuille. Cet échec collectif a alarmé les autres femmes âgées de l’assistance. Toutes y sont allés de leurs commentaires sur l’éducation culinaire des filles d’aujourd’hui.

L’école de la cuisine s’ouvre à l’enfance

De façon générale, traditionnellement, la transmission du savoir-faire culinaire de la jeune fille revient aux épouses. La mère de l’adolescente, les aînées, les coépouses, les tantes, les cousines constituent les actrices principales de l’éducation culinaire. Toutes les femmes du cercle familial élargi aux foyers d’ailleurs jouent leur rôle dans des circonstances données.

La petite fille depuis l’enfance apprend à cuisiner sur le modèle de sa mère et de ses aînées. Elle observe et restitue leurs gestes. Il n’y a aucun recours aux livres de recettes culinaires. La bonne cuisine fait partie des méthodes traditionnelles de séduction. Cette idée est ancrée dans les cultures et les mœurs. Elle fait partie intégrante de l’éducation de la petite fille. Les mères après une brève période de stage confient quotidiennement les préparations à leurs filles. Elle préparera dorénavant le repas familial.

Les aînées succèdent à la mère, puis les cadettes aux aînées. L’objectif de cet apprentissage consiste à préparer les filles à leur futur rôle d’épouse et de mère.

La ménagère Mme Sanfo Djénéba Rabo explique le programme quotidien de ses filles. « Mes filles et moi-même sommes déjà débout à 6 heures du matin. Nous chauffons de l’eau pour mes beaux parents et mon mari.

L’aînée prépare la bouillie servie au petit-déjeuner de toute la famille. La plupart du temps mes filles quand elles ne sont pas à l’école, elles s’imprègnent de la vie de femme. Elles exécutent tous les travaux domestiques utiles dans notre cour. Pendant les congés, elles font toutes, le marché, dès huit heures, pour acheter les condiments et reviennent faire la cuisine. Je les prépare à la vie au foyer », commente le sourire aux lèvres, cette bonne maman.

Mme Sanfo est fière de ses filles et est convaincue que ses cordons bleus ne lui seront pas retournés pour avoir raté un repas à la grande honte de leur mère.

Tout le monde ne peut en dire autant. Les jours sombres jalonnent souvent la vie familiale. Brigitte relate ici la mésaventure de sa nièce la belle Rachel. « Il y a deux ans, la belle Rachel nous a été réexpédiée par son époux, une semaine après les festivités grandioses de son mariage.

Elle retournait à la maison pour apprendre à préparer correctement un repas savoureux. Cette fille unique, de parents aisés de Ouagadougou, n’a jamais assisté sa mère dans la cuisine. Elle n’avait pas le temps pour cela. La pauvre mère a épuisé sa salive en vain à mettre en garde l’écervelée adolescente. Tout le monde, lui prodiguait des conseils. Mais elle faisait la sourde oreille et parfois elle répondait sèchement que la bonne va faire. Le comble est que la belle Rachel ne sait même pas préparer la bouillie de riz. Le scandale que tous craignaient arriva sans surprendre, au foyer de la nouvelle mariée ».

Une semaine après les noces, le mari de Rachel lui donna de l’argent pour organiser un grand festin pour ses amis qu’il invite à l’occasion. Au grand désespoir de ce dernier, la fille de Papa lui avoua sans honte qu’elle ne savait pas cuisiner et qu’elle désire faire appel à un service traiteur. L’époux encaissa mal cette affirmation. Il reconduisit le même jour « la chérie » chez ses parents pour un stage pratique puis il « oublia » définitivement de repasser la prendre !

La culture en perdition

Au village par exemple, la plupart des hommes sont polygames. Quand la jeune fille atteint la puberté, on en déduit qu’elle peut préparer pour les cultivateurs au champ. Naturellement, elle doit rejoindre le foyer conjugal. La petite fille est soutenue par la belle-mère pour assimiler les secrets du feu et de la marmite.

Une fille qui ne maîtrise pas la cuisine peut donc être chassée de sa famille. Elle sera alors rejetée par la société. C’est la honte pour sa mère qui ne peut plus tenir la dragée haute auxautres femmes. Même l’orpheline est prise en charge. La grande mère constitue pour elle un répertoire varié. Cette dernière aide sa petite fille à maîtriser les mets et à concocter les petits plats appréciés par les hommes.

La septuagénaire Mme Soumaré Kadia est nostalgique du bon vieux temps. « A notre époque, au lieu de passer la journée à regarder la télévision, nous jouions plutôt à la petite ménagère. Les restes de condiments de nos mamans servaient à cuisiner des petits plats dans de minuscules marmites.

Chacune d’entre nous, imitait sa mère en geste et en expression orale. Elle empruntait son nom le temps que durait le jeu culinaire. La conscience s’imprégnait très tôt à nous, d’où toute l’importance de ces jeux. La mère vaquait à d’autres occupations. C’est regrettable que la majorité des foyers d’aujourd’hui soit tenu par les aides ménagères, bonnes à tous faire, qui sont aussi des femmes d’autres hommes ».

Autre temps, autre réalité. L’étudiante Mamie estime que savoir cuisiner ou non, ne devrait pas poser de problèmes à une intellectuelle émancipée. Aujourd’hui les livres de recettes culinaires sont foison, les journaux proposent des menus quotidiens et Internet est au service des épouses plus curieuses. Aussi les plats seront toujours divers et variés. « Je dis et maintiens que quand ton mari t’aime, il aime tous ce que tu fais », se rassure cette étudiante qui ignore sûrement que le mariage sous nos tropiques est fondé sur des valeurs plus solides que la passion ou l’amour.

Malheureusement elles sont légion aujourd’hui, ces jeunes filles qui pensent qu’une femme « émancipée » ne doit pas se salir à faire la cuisine pour son mari et ses enfants. Ces filles sous-estiment le pouvoir de nos mamans ménagères qui pourtant sont respectées par leurs hommes et leurs talents de bonnes femmes sont reconnus de tous.
Si le 8 mars, la journée internationale des femmes est une journée d’hommage aux battantes pour le développement et l’émancipation de leurs sœurs, elle doit aussi être une occasion de remise en cause pour beaucoup de femmes qui ont trop compris le concept d’émancipation et d’égalité.

En attendant qu’une réflexion sérieuse ne soit menée sur ce sujet, nous assistons aveuglément à la déperdition de nos talents culinaires. Naturellement à la disparition de nos recettes ancestrales et sans doute à la perte de notre identité culturelle.

Par Dossou Djiré

Bendré

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