Actualités :: Menace de fermeture de la "jet8" : "La mairie est prise en otage"

Le bar-restaurant "Jet 8", situé au quartier 1200 Logements de Ouagadougou, est l’objet de polémiques. Certains habitants disent être victimes de nuisance sonore. Ils estiment aussi que la "Jet8" est préjudiciable à l’éducation de leurs enfants.

Un groupe de 20 mécontents a demandé à un huissier de faire un constat à ce sujet. Ce dernier estime qu’il y a nuisance sonore et que ce bar, à l’entrée duquel il est écrit "Interdit aux moins de 18 ans", accueille des personnes de moralité douteuse et de mœurs légères. Vrai ou faux ?

L’affaire suscite actuellement des commentaires controversés. La "Jet 8" est même menacée de fermeture. Nous avons donc décidé de faire une lecture croisée sur ce problème en donnant la parole au porte-parole des plaignants, Raymond Simporé, et à la gérante de la « Jet 8 », Zaïnatou Kontogomdé. Nous avons contacté M. Simporé mais notre requête est, jusque-là, restée sans suite. Mme Kontogomdé, elle, a accepté de parler.

"Le Pays" : Le bar-restaurant "Jet 8" est menacé de fermeture. Quelles en sont les raisons ?

Zaïnatou Kontogomdé : Certains habitants de la cité estiment que nous les dérangeons. Selon eux, l’existence de ce bar est préjudiciable à l’éducation de leurs enfants. Ils estiment aussi qu’ils sont victimes de nuisance sonore.

Ils ont raison ou pas ?

Le débat est beaucoup plus complexe. Car, avant que ce bar n’existe, quelques membres de la cité avaient fait des dépositions pour qu’il n’existe pas. Avant donc de constater ce qu’ils nous reprochent aujourd’hui, la manœuvre visant à empêcher l’existence du bar était déjà effective.

A la demande de vingt résidents de la cité, un huissier a constaté qu’il y avait effectivement nuisance sonore. Vous êtes d’accord avec son constat ?

Il y a beaucoup d’exagération dans le procès-verbal de ce huissier. Si le public burkinabè veut savoir la vérité, qu’il vienne lui-même à la "Jet 8" afin de vérifier si ce que le huissier a dit est vrai ou faux. Mais en attendant, je considère que les éléments contenus dans le rapport du huissier sont archi-faux.

Je ne crois pas qu’en regardant simplement ceux qui viennent dans ce bar, on peut tirer la conclusion qu’ils sont de moralité douteuse et de mœurs légères. J’aurais aussi aimé que ce huissier me donne l’identité d’une seule personne qui est rentrée dans ce bar et qui a moins de 18 ans. De plus, il fait une grave erreur en traitant les clients de la "Jet 8" de personnes de moralité douteuse et aux mœurs légères.

A l’entrée du bar, il est écrit "Interdit au moins de 18 ans". Cela a paru suspect aux yeux de certaines personnes. Ça veut dire quoi au juste ?

La loi dispose que les jeunes de moins de 18 ans ne doivent pas accéder à un bar. Ils ne doivent pas non plus y travailler. C’est la seule raison qui m’a motivée à écrire cela à l’entrée du bar. Mais quelques habitants de la cité l’ont mal interprété. Ils ont cru que nous menions des activités malintentionnées à l’intérieur. Je suis désolée qu’un mot aussi simple, exclusivement affiché dans le but de protéger les mineurs, se transforme en un drame. Ainsi, les soixante personnes que j’emploie dans ce bar risquent de perdre leur emploi pour la simple raison que j’ai jugé utile d’interdire l’accès du bar aux mineurs.

Vous voulez dire qu’il n’y a pas de débauche au sein de ce bar ?

C’est impossible d’avoir de la débauche dans ce bar. N’importe quelle personne, en venant ici, pourra constater que la majorité de nos clients sont majeurs, adultes. Ils ne sont pas du tout de mœurs légères. Nous avons déjà organisé la réception de deux mariages ici. Et nous avons reçu d’autres demandes dans ce sens. Si ce bar n’avait pas une bonne réputation, personne ne viendrait ici pour la réception de son mariage.

C’est vraiment déplorable que le huissier mette en doute la moralité de toute la clientèle de ce bar. C’est injuste. De plus, le huissier ne nous a présenté aucun document l’autorisant à faire le travail qu’il a fait. Je considère que c’est de l’espionnage.

Avez-vous effectué des démarches auprès des voisins dans le but de trouver un juste milieu ?

A mon arrivée ici, je n’étais pas au courant qu’il y avait un bureau des délégués du secteur. Etant Burkinabè, je n’ai pas jugé utile de me comporter comme une étrangère en faisant du porte- à-porte pour informer tous les habitants du quartier que je venais faire du commerce. Mais par la suite, lorsque certains habitants ont commencé à se plaindre pour que le bar n’existe pas, j’ai fait des démarches auprès de certaines personnes dont le porte-parole des plaignants, Raymond Simporé, pour m’excuser. Je leur ai signifié que je n’étais pas venue avant, certainement par maladresse, par ignorance.

Par rapport à la plainte qu’ils ont déposée auprès de la mairie disant qu’ils sont inquiets, j’aurais voulu qu’ils soient indulgents, qu’ils nous permettent de leur prouver qu’on peut être de bons voisins. Et que dans ce maquis, nous employons 60 personnes dont des pères et des mères de famille. En réalité, par rapport à l’éducation des enfants, notre objectif est le même que celui des résidents qui se plaignent.

Nous voulons permettre à ceux qui y travaillent d’avoir un revenu afin de s’occuper, entre autres, de l’éducation de leurs enfants. A deux reprises, nous avons vu M. Simporé dans l’espoir qu’il transmette aux autres notre bonne foi. Mais je constate aujourd’hui que cela n’a servi à rien. Je suis attristée de voir que M. Simporé n’ait pas tenu compte qu’en dehors du fait que ce soit un bar, nous sommes dans un pays où il y a beaucoup de précarités, de manque de travail.

Et qu’il est temps de se rendre compte qu’un bar est aussi un lieu de travail et non un outil pour détruire. Fermer ce bar, c’est mettre 60 personnes dans la rue. Soixante personnes qui travaillent, ça permet de multiplier le nombre de personnes qui vivent de leurs revenus. J’aimerais qu’il révise sa position parce que ce serait injuste de pénaliser tous ces gens. Qu’il permette à ceux qui travaillent dans ce bar d’avoir les mêmes droits qu’eux, d’avoir un emploi.

Quand vous avez rencontré Raymond Simporé, le porte-parole des plaignants, que vous a-t-il dit ?

Il m’a dit qu’il avait été heurté par le fait qu’on ait écrit à l’entrée du bar « Interdit aux moins de 18 ans ». Il se demandait ce qu’on allait faire à l’intérieur. Je lui ai expliqué que nous avions voulu ainsi nous conformer à une loi qui existe dans notre pays et qui interdit aux mineurs d’accéder ou de travailler dans un bar.

D’ailleurs, l’année dernière, le ministre Djibrill Bassolé, suite à une descente dans les bars, avait, une fois de plus, demandé que cette loi soit respectée. M. Simporé m’a dit qu’il n’avait pas compris les choses ainsi et qu’il était désormais rassuré. Nous avons aussi rencontré le délégué de bloc, Sébastien Ouédraogo, qui a, lui aussi, dit, suite à nos explications, qu’il nous avait compris. Nous avons une fois de plus demandé leur indulgence.

Mais je me suis rendu compte que les gens croient qu’en fermant le bar, ils pénalisent la propriétaire. Mais derrière la propriétaire, nous avons des parqueurs, des cireurs, des bouchers et beaucoup d’autres personnes qui dépendent de ce bar.

Avez-vous été entendue par la mairie de Bogodogo ?

Je n’en veux pas à la mairie. Je pense qu’elle est prise en otage. Je demande simplement à madame le maire de Bogodogo d’être juste. Elle est maire pour nous tous. Pas seulement pour une certaine catégorie de personnes. Je la supplie d’envoyer des membres de la mairie constater la réalité. Parce que le huissier a fait des erreurs graves dans son rapport. Toute personne sensée qui lit ce document se rendra compte qu’il y a eu de la diffamation. On ne peut pas dire qu’une personne a moins de 18 ans, simplement en la regardant. On ne peut pas rentrer dans un bar où il y a 400 places et dire que toutes ces 400 personnes sont de moralité douteuse.

J’aimerais que le huissier me dise avec quel appareil il a pu mesurer la sonorisation du bar. Je déplore aussi le fait que les 20 mécontents, bien qu’on leur ait demandé de venir voir ce qui se passe à l’intérieur du bar, ne soient jamais venus. Je me désole de voir qu’un huissier soit venu seulement trois fois depuis deux mois que le bar existe, et ait porté un jugement qui pénalise l’emploi des autres. Ce huissier a simplement l’intention de nuire. J’aimerais lui dire que personne, y compris lui, n’est au-dessus de la loi.

Avez-vous une autorisation légale pour exercer ?

J’ai une autorisation provisoire de six mois. Je demande à la mairie de respecter ce document parce qu’il a été signé par des autorités. Je souhaite que la mairie nous laisse terminer les six mois avant de juger. Elle saura alors, de façon objective, si nous avons respecté les clauses ou pas. Mais d’ores et déjà, que les gens de la cité sachent que nous ne resterons pas ici après les six mois. Je voudrais simplement qu’ils permettent à mes employés de trouver un autre travail avant de partir.

Y a-t-il autre chose que l’on n’a pas abordé et qui vous tient à cœur ?

Certains habitants de la cité affirment que les clients garent leurs véhicules sur la rue et qu’ils urinent derrière leur mur. Je pense que cette affirmation est grotesque.

Y a-t-il des toilettes au sein de la « Jet 8 » ?

Le bar a quatre toilettes : deux pour les hommes et deux pour les femmes. Je vois mal les clients aller uriner sur des murs, parce qu’ils sont des personnes majeures et dignes. En outre, la mairie aurait dû, elle-même, venir constater que les véhicules garés n’obstruent pas la rue. Ils ne sont pas non plus garés devant des entrées. D’ailleurs, certains plaignants habitent à 800 ou 900 m du bar. Comment notre parking peut-il, jusqu’à ce point, les déranger ?

Concernant les nuisances sonores, j’aurais voulu que la mairie fasse elle-même le constat. Il est vrai que certains samedis, nous avons quelquefois augmenté le volume jusqu’à un certain niveau comme le préconisent les textes en vigueur. Je peux comprendre que madame Honorine Méda qui habite juste à côté, et que nous considérons comme une sœur, une mère, une amie, se plaigne. A ce niveau, nous nous en excusons vraiment. Du reste, je l’ai rencontrée plusieurs fois pour lui dire que s’il y a un quelconque problème par rapport à la musique, qu’elle nous rappelle à l’ordre.

Aujourd’hui, personne ne peut prouver qu’il existe des bars au Burkina sans qu’il y ait des habitations autour. Il y a des bars, y compris aux 1200 logements, dont le niveau de musique est plus élevé que chez nous, mais, généralement, les gens s’entendent. Pourquoi quand c’est la « Jet 8 », il y a une levée de boucliers ? Nous sommes allés supplier les mécontents par pur humanisme ; ils auraient pu nous dire, "nous aurions voulu que vous diminuiez la musique, que vous managiez votre parking ». Mais rien de tout cela.

Vous voulez dire que les plaignants ne sont jamais venus vers vous pour discuter ?

Jamais. C’est regrettable que le bar soit ainsi diabolisé. La mairie aurait pu nous dire de recadrer certains aspects. Il faut que les gens se rendent compte que ceux qui n’ont pas eu la chance d’être juriste, diplomate, etc., ont aussi le droit de gagner leur vie. Les 60 personnes que j’emploie à la « Jet 8 » ont aussi ce droit. Si on doit fermer ce bar, il faut aussi fermer tous les autres bars du Burkina parce qu’il n’y a pas de bar sans qu’il n’y ait de familles autour. La cité 1200 logements n’est pas en dehors du Burkina.

En plus, je ne suis pas responsable de l’éducation des enfants. Que les gens se rendent à l’évidence que ceux dont on dit qu’ils sont mal habillés ont d’abord quitté leur domicile, ont traversé la ville avant d’arriver ici. L’éducation doit d’abord se faire à la maison. A la "Jet 8", nous avons pris le soin d’interdire aux mineurs d’entrer. Nous croyons ainsi faire œuvre utile. Si on doit fermer le bar à cause de l’éducation des enfants, qu’on ferme alors les autres bars parce que tous les enfants du Burkina ont les mêmes droits.

Propos recueillis par Hervé D’AFRICK

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