Actualités :: Burkina/ Chefferie moagha : Rélwendé Bougma, ancienne cheffe du village de (...)

Rélwendé Bougma, native de la province du Passoré, plus précisément du village du Pougyango, a été désignée cheffe de son village par intérim, suite au décès de son père. Durant trois ans, Rélwendé, avec l’aide des conseillers, a dirigé son village. Entre études, religion et interdits, Rélwendé a su faire la part des choses en relevant avec brio tous les défis auxquels elle était confrontée. Dans cette interview accordée à Lefaso.net, l’ancienne Naabpoaka de Pougyango revient sur les défis et expériences uniques auxquels elle a été confrontée en tant que cheffe intérimaire.

Lefaso.net : Pourquoi avez-vous été désignée cheffe de votre village ?

Rélwendé Bougma : Chez nous, c’est la tradition. Quand le papa décède, c’est sa première fille qui occupe le pouvoir jusqu’à ce qu’on ait un nouveau chef parce que le trône ne peut pas rester vacant. Nous sommes cinq enfants, dont quatre garçons et une fille. J’ai donc succédé à mon papa après son enterrement en novembre 2013 et ma mission a pris fin en 2016.

Après le décès de mon père le 19 novembre 2013, j’ai été désignée comme son successeur car étant sa seule et unique fille. Il faut noter que les filles n’accèdent pas au trône mais succèdent à leurs défunts pères par intérim. J’ai assuré l’intérim pendant trois ans et à chaque fois qu’on avait besoin de moi, je demandais la permission à l’école pour me rendre au village pour les rites. Au début, j’avais peur mais au fil du temps, je me suis habituée à la situation car je n’avais pas le choix.

Comment s’est passée la cérémonie d’intronisation et de passation de charges ?

Il n’y a pas eu de cérémonie en tant que telle. Après avoir eu les cheveux rasés, j’ai commencé mon règne. Ce rituel a marqué la prise de pouvoir. C’est quand c’est le chef lui-même (homme), que l’on fait une cérémonie pour l’introniser, mais dans mon cas, c’est une période de deuil, donc pas de cérémonie. La fin de ma mission a été marquée par un rituel où je me suis faite raser la tête pour marquer la fin.

Ce jour-là, je ne devais pas dormir dans le village parce que dormir là-bas était considéré comme un affront au nouveau successeur. J’ai donc quitté mon village à 21h et je suis arrivée à Ouagadougou à 23 heures avec la tête complètement rasée. J’avais même fait de petites tresses. On n’a même pas eu le temps de défaire les tresses avant de me raser ; on a rasé mes cheveux malgré les tresses. Ça n’a pas été simple car j’étais vraiment choquée, mais je n’avais pas le choix. Comme on le dit, c’est la tradition africaine et on ne peut pas aller à l’encontre de la tradition.

Quelles étaient vos responsabilités en tant que cheffe ?

En tant que naabpoaka, j’étais chargée de donner des consignes pour la bonne marche du village. J’étais assistée par des conseillers. Ils me dirigeaient sur ce que je devais faire et ne pas dire. A la fin des récoltes, je me rendais au village pour donner mon accord afin que les villageois puissent consommer les récoltes. Sans mon accord, ils ne devaient rien consommer. Il y avait des sacrifices à faire, ensuite ils préparaient, que ce soit le mil ou le haricot, pour que je goutte d’abord avant que les villageois n’aient le droit d’en consommer. Tant que je ne me rendais pas au village pour ce rite, personne n’avait le droit de consommer quoi que ce soit.

Et à la fin de chaque année, il y avait le Naabbasga qui est la fête du chef où celui-ci était là et les gens venaient le saluer avec des présents. Au moment de la fête, je m’habillais avec les vêtements de feu mon père et je portais son bonnet de chef, m’asseyais sur le trône et les gens passaient me saluer.

Quels défis avez-vous rencontrés dans votre rôle de cheffe ?

Les défis auxquels j’étais confrontée pendant mon règne étaient de ne pas avoir des relations intimes avec les hommes. Mais vu mon âge, cela a été une chose très simple pour moi. Une fille de 15 ans, qu’est-ce qu’elle a à aller chez les garçons ? J’ai relevé ces défis avec brio jusqu’à la fin de ma mission. Donc pour cela, moi-même j’évitais de sortir.

C’était maison école, école maison. Etre chef de village, bien que ce soit par intérim, n’a pas été chose facile. J’ai été contrainte par beaucoup de choses. Premièrement, on m’a d’abord rasé la tête, chose que j’ai eu du mal à accepter mais je n’avais pas le choix ; c’était mon destin. Ensuite, on m’interdisait de tendre la main aux garçons soit disant qu’en côtoyant les garçons, je pouvais être amenée à avoir des relations avec ces derniers, car je n’avais pas le droit d’avoir des relations intimes avec des garçons sans subir la colère des ancêtres.

Des anecdotes à nous raconter à ce sujet ?

Pendant mon règne, j’étais en classe de 4e et à chaque fois que j’étais dans la cour de l’école, les camarades garçons, quand ils saluaient les autres et arrivaient à mon niveau pour me saluer, je retirais la main et m’excusais en disant que je ne salue pas les garçons. Les gens trouvaient que c’était un manque de respect. D’autres regardaient leurs mains se disant peut-être qu’elles étaient sales, raison pour laquelle je ne voulais pas les saluer. Au début, je tentais d’expliquer. Certains comprenaient mais d’autres ne voulaient pas comprendre. Ils se disaient : « elle se fout des gens. Comment une fille peut être cheffe de village ? »

Donc à un moment, moi-même j’en avais marre d’expliquer aux gens que j’étais cheffe de village, ce qui m’empêchait de faire certaines choses donc je subissais le regard et les critiques des autres.

Une fois, j’ai accompagné ma mère chez un couturier. Arrivée, je n’ai pas salué le couturier. C’était ma mère seule qui l’a salué, mais il n’en a pas fait de problème. Il y a un monsieur qui est arrivé par la suite. Et comme en Afrique nous avons coutume de nous tendre la main pour nous saluer, il m’a tendu la sienne. Je me suis excusée et je lui ai dit que ne salue pas les hommes. Il m’a répondu en mooré que « eh yam ya kinkire bang la » qui veut dire vous êtes voyante ou quoi ? J’ai juste souri et dit non. Je n’ai pas voulu expliquer parce que quand tu expliques tout le temps, ceux qui ne connaissent pas vraiment la tradition mossi ne comprennent pas. Cette tradition n’est pas valable partout, ce n’est pas chez tous les Mossis que cette tradition existe, donc les gens ont du mal à comprendre.

Comment êtes-vous parvenue à allier la tradition et la religion ?

Je suis une chrétienne baptisée, confirmée. Mais pendant mon règne, je ne partais pas à l’église car je ne voulais pas mélanger les choses. Aller au village, faire des rites et ensuite aller à l’église ? Non ! je ne voulais pas de ce mélange. Donc j’ai préféré arrêter d’aller à l’église. Mais une fois que j’ai été déchargée, j’ai repris la route de l’église.

Pendant votre règne, vous étiez collégienne, cela n’a-t-il pas eu des impacts sur votre vie scolaire ?

On peut dire que le fait d’aller chaque fois au village a eu un peu d’impact sur ma vie scolaire parce qu’il arrivait dès fois qu’on programme un devoir et qu’en même temps on m’appelle pour me dire qu’on a besoin de moi au village. Ceux du village ne préviennent pas. Lorsqu’ils avaient besoin de moi, ils pouvaient m’appeler aujourd’hui et me dire de venir demain ou après-demain.

Et lorsqu’il y avait un devoir programmé, j’étais obligée de laisser tomber le devoir pour y aller. Il n’y avait pas de devoir de rattrapage au lycée mais certains professeurs qui me comprenaient me permettaient de prendre ma seule note et d’en faire la moyenne. D’autres professeurs, qui n’arrivaient pas à comprendre, prenaient ma seule note et la divisait en deux pour en faire ma moyenne et cela me pénalisait. Mais grâce à Dieu et à mes ancêtres, cela n’a pas eu trop d’impact sur mon année scolaire.

Regrettez-vous cette expérience ?

Bien que cette expérience n’ait pas été facile, je ne regrette pas d’avoir assuré l’intérim parce que j’ai honoré la mémoire de mon père et je sais que de là où il est, il est fier de moi et ses bénédictions m’accompagnent. [ Cliquez ici pour lire l’intégralité ]

Hanifa Koussoubé
Lefaso.net

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