Actualités :: Burkina / Education : Mama Joséphine Tao, l’institutrice qui "tuait" ses (...)

A travers ces lignes Dr. Heine, F. Christiane, enseignante, rend hommage à Joséphine Tao, son institutrice qui, dit-elle, est pour elle une mère, un guide, un modèle, à l’image de ses propres parents.

Toute petite, chaque fois qu’on me demandait ce que je voulais devenir dans la vie, ma réponse était toujours la même : « maîtresse ». Cela se comprend aisément : il est plus facile de s’inspirer de ce que l’on voit ou côtoie au quotidien.

Aujourd’hui, je suis enseignante. C’est un métier que j’ai embrassé par volition, par vocation, par passion. Mais cette passion n’est pas venue du néant. Elle a été suscitée en moi par les enseignants dévoués et assidus au travail qui m’ont encadrée à l’école primaire.

Parmi ces nombreux enseignants, figure Joséphine Tao. Je l’appelle affectueusement Mama. A l’image de mes propres parents, elle est pour moi une mère, un guide, un modèle.

Le plus grand fonctionnaire de l’Etat …

Le métier d’instituteur impose à ceux qui le pratiquent deux rôles fondamentaux : la transmission du savoir et la culture de valeurs cardinales comme le renforcement des liens sociaux, le respect de soi et des autres, l’acceptation de soi et des autres, etc. Voilà qui place l’instituteur au cœur de la formation et de la transformation de l’individu. Et cela se passe de commentaire puisque l’apprenant du cycle primaire passe plus de temps à l’école pendant l’année scolaire qu’avec ses parents.

Parlant du rôle de l’instituteur et du salut de l’Afrique, le professeur Laurent Bado disait en 2005, avec juste raison : « Je tiens à ce que l’on respecte l’instituteur, parce que chez moi il y a deux grands fonctionnaires de l’Etat pour sauver le continent africain : c’est l’instituteur et le cadre sociologue … Le maître ou l’instituteur a plus de responsabilités que moi Laurent Bado qui suis enseignant à l’Université. Pourquoi ? Eh bien, parce que moi j’enseigne des gaillards, mais le maître du primaire a à sa charge de tout petits enfants. Il faut non seulement les instruire mais aussi les éduquer, c’est-à-dire leur inculquer le savoir, le savoir-faire, le savoir être ».

Mama Joséphine était consciente de ce double rôle quand, après sa sortie de l’école de formation, elle déposait ses valises à Yaba pour être au pied du mur — à l’image d’un maçon prêt pour l’érection d’un gratte-ciel. Je suis de sa toute première promotion à l’École Primaire Publique de Yaba I, une promotion qu’elle a tenue du CP1 au CE1.

« Je suis là pour vous tuer ! »

Douce, Mama Joséphine l’était au superlatif ; mais elle savait aussi être ferme quand il le fallait. Enfants, nous préférions bien sûr la douceur à la rigueur. Un jour, alors que nous étions assis dans un coin de la classe en train de bavarder entre nous, une camarade de classe — faisant allusion à l’attachement de Madame Tao à la discipline — avait lancé à voix basse : “Cette maîtresse-là va nous tuer.”

Trop tard ! Mama Joséphine Tao avait tout entendu. Sourire aux lèvres, elle s’approcha de nous et tint à peu près ce langage : “Vous avez parfaitement raison. Je suis là pour vous tuer, car chacun de vous ici a besoin de renaître. Renaître pour être utile à vous-mêmes. Renaître pour être utile à votre communauté. Renaître pour être utile à votre pays et à l’humanité. Je suis donc là pour tuer en vous les germes de la paresse. Je suis là pour tuer en vous les germes de l’indiscipline. Je suis là pour tuer en vous les signes de l’égoïsme.”

La ‘maçonne’, originaire de Kiembara dans la province du Sourou, n’a pas failli à sa mission, puisque le gratte-ciel mis à pied à Yaba il y a 36 ans est toujours solide. Oui, le parcours scolaire est comparable à un édifice. Pour qu’il soit résistant au temps, il lui faut une fondation solide. L’école primaire est la base, la fondation de tout parcours scolaire. Et les pierres requises pour cette fondation sont les classes de CEP1, CEP2 et CE1.

Mama Joséphine, vous avez su bien poser ces premières pierres car c’est grâce à ce fondement que je suis ce que je suis devenue aujourd’hui. Oui, c’est ce fondement solide qui m’a ouvert les portes du CEG Bientama de Yaba (actuel lycée départemental de Yaba), du lycée provincial du Nayala, et du lycée provincial des Balés. C’est ce fondement solide qui m’a conduite au Département d’Etudes Germaniques à l’Université de Ouagadougou (actuelle Université Joseph Ki-Zerbo). C’est ce fondement solide qui m’a conduite à la Heidelberger Ruprecht-Karls-Universität en Allemagne. Et la particularité de ce parcours est que j’ai eu une mention très bien non seulement au début (CEP1) mais aussi à la fin de mon cycle doctoral où j’ai reçu la distinction académique magna cum laude.

Loin de me jeter des fleurs, je dois reconnaître avec sincérité et humilité que le mérite de ce parcours exaltant revient à tous ces enseignants passionnés et travailleurs qui ont contribué à ma formation. Le mérite de ce parcours revient particulièrement à vous, Mama Joséphine.

Le mérite vous revient parce que vous avez choisi d’aller au-delà de votre rôle d’institutrice pour devenir pour moi une mère, un guide, un modèle sur lequel je pouvais compter.

Le mérite vous revient parce que vous avez été l’institutrice qui, en plus des devoirs, me donnait toujours quelque chose à rapporter à la maison : le respect, la confiance en soi, l’amour de l’apprentissage et du travail bien fait, la joie d’être au service des autres.

Le mérite vous revient parce que vous m’avez convaincue par votre dévouement et votre passion que l’enseignement, loin d’être un choix circonstanciel, est un noble métier qui repose plus sur la vocation.

Le mérite vous revient parce que vous m’avez appris qu’embrasser l’enseignement, c’est choisir de devenir le père ou la mère d’une nation avec la ferme volonté de changer les choses.

« On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années… »

Mama Joséphine, aujourd’hui est un jour spécial pour vous : c’est le jour de votre anniversaire. Un anniversaire qui marque aussi votre départ à la retraite après plusieurs décennies consacrées à servir votre pays. Avec gratitude et amour, je vous souhaite en ce jour spécial, un exceptionnel et heureux anniversaire tout en vous rappelant cette belle citation de Douglas Macarthur : « On ne devient pas vieux pour avoir vécu un certain nombre d’années ; on devient vieux parce qu’on a déserté son idéal. Les années rident la peau : renoncer à son idéal ride l’âme ».

Oui ! Mama Joséphine, il est vrai que vous partez à la retraite. Il est vrai que vous célébrez une année de plus, mais votre amour du travail me fait dire avec certitude que vous avez encore des projets plein la tête. Des projets dont les fruits bénéficieront aux générations présentes et futures. Que la Providence dans sa bienveillance vous donne encore la santé et l’énergie nécessaire pour donner vie à tous ces projets qui vous tiennent à cœur.

Encore une fois…
Chère Mama Joséphine Tao :
Joyeux anniversaire à vous !
Bénie et paisible retraite à vous !
Respect et grand MERCI à vous !
Puisse Dieu vous accorder la santé et exaucer vos vœux !
Eine gesegnete und friedliche Ruhezeit, Mama Josephine !
Liebe (wetter-)kalte Grüße aus Deutschland !

Dr. Heine, F. Christiane (Enseignante)

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