ActualitésDOSSIERS :: Lutte contre le terrorisme : « Nous devons aider le Burkina à retrouver sa (...)

Connu pour sa lutte pour une renaissance de son Tchad natal, Abakar Assileck Halata, le président du parti Marche de patriote pour la renaissance du Tchad (MPRT), donne sa lecture de la transition dans son pays. L’accord des politico-militaires à Doha, la nomination de l’opposant Succès Masra à la tête du gouvernement, il passe à revue l’actualité au pays du Toumaï. En séjour au pays des hommes intègres, l’ex-coordonnateur de Patriote de la diaspora réagit favorablement à l’appel du Premier ministre burkinabè de voir le Tchad intégrer l’Alliance des Etats du Sahel (AES).

Lefaso.net : Le gouvernement de la transition tchadienne avait entamé des pourparlers dit « Accord de Doha » avec des opposants politiques et militaires. Avez-vous pris part à cela ?

Abakar Assileck Halata : Pour vous parler très sincèrement, il faut d’abord remonter à la genèse de l’Accord de Doha. Il se trouve que j’étais l’un des porte-paroles et rapporteurs de la plateforme de Doha parce qu’il y a trois groupes : Doha, Qatar et Rome. Au début, nous avons cru à cette bonne foi des Tchadiens parce que pour moi, ce n’est pas la junte qui a imposé le dialogue. C’était la réclamation au niveau national (partis politiques, société civile).

Donc nous avons laissé notre travail et nos familles, et on est parti pour la paix au Tchad. Une fois là-bas, nous avons constaté la bonne foi du Qatar, qui consiste à mettre les enfants du Tchad autour d’une table et à discuter réellement pour ressortir avec une négociation en bonne et due forme. La méthode qui avait été employée, je dirai que c’est une méthode par navette. Cette méthode nous a plu puisqu’on nous a mis sur le même diapason et nous avons fourni le travail. Du côté gouvernemental, ils nous ont fourni le document. Nous avons vu des parties convergentes et divergentes.

Nous avons retravaillé sur les parties divergentes. Pour vous dire que toutes les parties étaient sincères. Nous avons voulu que le problème du Tchad, surtout d’ordre militaire, soit définitivement enterré. Pour rappel, nous savons que la junte a été installée par la France. Au début, nous avons contesté et protesté pour dire que le Tchad n’est pas une monarchie. C’est ainsi que le président français Emmanuel Macron avait dit qu’ils ne vont pas appuyer la succession dynastique. Revenons sur Doha.

C’est une première fois qu’une opposition politique a réussi à convaincre une partie médiatrice qu’est le Qatar d’être médiateur et garant en même temps. Il y a eu d’autres observateurs de l’ONU, des Etats limitrophes du Tchad, qui ont aussi veillé à ce que les négociations aboutissent. Mais malheureusement, du côté du Tchad [gouvernement], il y a eu un manque de volonté politique. C’est pourquoi nous autres, nous n’avons pas signé puisque nous avons demandé que le problème de l’armée soit revu. On ne peut pas construire un pays sans une institution de l’armée, une armée nationale.

Nous avons l’inéligibilité du chef puisque c’est tout à fait logique qu’on ne peut pas être juge et partie. Nous avons aussi demandé au DNI, cette structure qui va organiser le dialogue au pays, soit quadripartite, c’est-à-dire nous politico-militaires, nous devons nous retrouver dedans ; l’opposition politique ; la société civile et le parti MPS [Mouvement patriotique du salut, parti fondé par feu président Idriss Déby Itno]. Pour nous, il n’y a pas de différence entre le CMT (Conseil militaire de la transition) et le MPS. C’est un pouvoir de père en fils. Ce sont ces réclamations que le gouvernement a refusées. Ils ont dit que tout va être négocié à N’Djamena.

Aujourd’hui, nous pouvons dire que le temps nous a donné raison puisque le Qatar s’est retiré en notifiant au Tchad qu’ils ne peuvent pas accompagner les Tchadiens. Nos camarades qui sont rentrés se sont malheureusement fait avoir puisque sur le parapheur qu’ils ont signé, il y a eu tout simplement les signatures de l’opposant et l’Etat du Tchad, sans celle du médiateur. Aujourd’hui, les Qataris ne sont liés aucunement à cet accord. Nos amis de N’Djamena se trouvent balancés entre le ministre de la réconciliation et l’ex-Premier ministre Saleh Kebzabo. Pour vous dire que l’accord de Doha est un échec. On ne peut pas s’enorgueillir ni se moquer de nos camarades qui sont rentrés. Peut-être que nous avons une vision.

Pour ce Dialogue national inclusif (DNIS), certains opposants, en l’occurrence les Transformateurs, n’ont pas pris part. Le leader Succès Masra est le Premier ministre. Comment analysez-vous cela ?

Quand je parle de cela, j’ai la chair de poule. D’abord, il faut se dire qu’il ne faut pas être naïf. Nous étions à Doha presque 250 à 300 personnes. Nous avons fait six mois. Jour pour jour, nous avons passé des nuits blanches à travailler. Comment voulez-vous qu’il y ait eu autant d’arsenal pour barricader et veiller à ce que ces négociations aboutissent, que le gouvernement du Tchad ait balayé du revers de la main et que mon frère Masra ose aller à Kinshasa en une nuit pour signer un accord, dont j’ignore le contenu. Alors que nous, le Cadre permanent pour la concertation et la réflexion, avons plaidé en mars 2023 pour la société civile et les Transformateurs. Sans cela, nous n’allons pas discuter.

Ça veut dire que nous avons demandé l’inclusion de tout le monde (…) Aujourd’hui, je dirai que les Transformateurs ont trahi leurs frères de la société civile, leurs frères politico-militaires. Je ne vois pas en quoi l’accord de Kinshasa a plus de service que celui de Doha. Je dirai qu’il y a eu une naïveté de ce côté. Entre autres, il y a aussi eu la main invisible, dira-t-on, de la France derrière cet accord de Kinshasa. Quand on voit la formation de ce gouvernement, les marges de manœuvre de mon frère Succès Masra sont très limitées. Quelles qu’en soient sa volonté et sa compétence, il aura un mur devant lui.

Si le Premier ministre Succès Masra appelle les politico-militaires qui n’ont pas signé l’accord militaire de Doha à rentrer pour construire le Tchad, allez-vous répondre à l’appel ?

Pour la paix, nous sommes prêts à aller n’importe où. Mais nous avons des conditions. Si ces conditions sont remplies, en tant que groupe, nous allons nous concerter. C’est le groupe qui va répondre à la demande. Ce que vous dites, ça peut être une demande et le souhait des Transformateurs, mais rendez-vous compte que le ministère de la Réconciliation a été supprimé. Donc c’est un clin d’œil. Ils ont compris que Succès Masra a demandé et souhaité rappeler tout le monde, faire la négociation. Ce sont des prémices.

Etes-vous optimistes que d’ici octobre 2024 qu’il ait des élections libres et transparentes et un probable retour à l’ordre constitutionnel ?

Très sincèrement. Optimiste, je ne dirai pas, connaissant le Tchad. Nous avons vu comment la CONAREC [Commission nationale chargée à l’organisation du référendum constitutionnel] a été contestée par le Premier ministre même. Monsieur Saleh Kebzabo a protesté contre la CONAREC mais en fin de compte, il est revenu dire qu’ils vont faire une coalition et voter OUI. Nous avons tous constaté, vu et suivi que le Tchad, dans son ensemble, a boycotté mais ils ont fabriqué deux chiffres (86%) des gens qui ont dit OUI.

C’est pour vous dire que dans ce pays, nous avons des exemples de gens qui ont quatre ou cinq cartes. Nous avons vu des enfants dans des villages qui ont voté. Rien ne garantit qu’il y aura des élections libres et transparentes. C’est une machine qui est en route, un boulevard qui est tracé. Comme ils ont boycotté la population, demain, ils feront autant. Je pense que le pouvoir a ses arcanes pour fabriquer des résultats et la voie est tracée pour Mahamat Idriss Déby Itno de devenir président du Tchad demain.

Vous êtes actuellement au Burkina Faso. Le Premier ministre du Burkina a déclaré que l’Alliance des Etats du Sahel (AES) n’attend que le Tchad. En tant que Tchadien, comment trouvez-vous cet appel ?

Je suis au Burkina Faso depuis quelques semaines. J’ai été touché par cet appel parce qu’on est au pays de Thomas Sankara donc ce n’est pas un hasard qu’il y ait cette prise de conscience. Ce qui a poussé les Etats de l’AES, avec la charte du Liptako Gourma, ne doit pas rester seulement dans cet espace normalement. Nos problèmes sont semblables. Si aujourd’hui les pays de l’OTAN se retrouvent pour se protéger et lorsqu’un des leur est attaqué, ils vont se mettre ensemble pour lutter, c’est un instinct de survie. Je trouve que c’est tout à fait naturel que l’AES existe, avec la menace terroriste qui est réelle.

Le Burkina est un pays enclavé. Qu’est-ce qui fait ou qu’est-ce qui a fait que ces terroristes ont des dotations, des armes, des munitions, de quoi se déplacer ? Donc ça veut dire qu’il y a des mains invisibles qui aident. Cette stratégie collective de défense, nous y adhérons. Au-delà de la politique, nous sommes des Africains donc nous devons aider le Burkina à retrouver sa sécurité et l’intégrité de son territoire. Si hier, nous avons réussi à faire le G5 Sahel, maintenant nous les authentiques nous pouvons faire le G5 ou l’AES 5 l’original, pas la copie. Je pense que le Tchad a bien sa place.

Je dirai le Tchad dans sa souveraineté, pas ce Tchad qui est dicté par l’hexagone mais des Tchadiens jaloux de leur liberté, leur démocratie, leur souveraineté. Même en France, il y a des gens qui soutiennent la souveraineté des Etats. A cela, je dirai que nous appuyons les Etats du Sahel et ils sont sur la bonne pente. Nous les encourageons et nous saisissons cet appel lancé par le Premier ministre.

Propos recueillis par Cryspin Laoundiki
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