ActualitésDOSSIERS :: Burkina / Insécurité : Au moins 46 localités assiégées par des groupes armés, (...)

Selon Amnesty International, au moins 46 localités sont assiégées par les groupes armés terrorsites dont fait partie Ansaroul Islam, un groupe armé local affilié à Al Qaïda et à l’État islamique au Sahel (ISS). Il ressort de son rapport rendu public ce jeudi 2 novembre 2023, à Dakar et en visioconférence, que ces localités concernent principalement les régions du Sahel, du Nord, de l’Est et de la Boucle du Mouhoun. Amnesty International dit avoir enregistré entre 2020 et juillet 2023, des crimes de guerre et des atteintes aux droits humains (homicides de civils, enlèvements de femmes et de filles, attaques contre des infrastructures civiles et des convois de ravitaillement), occasionnant de graves conséquences humanitaires.

Des crimes de guerre et d’autres atteintes aux droits humains ont été perpétrés par les parties belligérantes en conflit au Burkina Faso, contre des civils dans au moins 46 localités. C’est ce que révèle le nouveau rapport de Amnesty International publié depuis le Sénégal, à Dakar.

Pour Amnesty International, ces localités assiégées se situent particulièrement dans les régions du Sahel, du Nord, de l’Est et de la Boucle du Mouhoun, où Ansaroul Islam et l’État islamique au Sahel (EIS) ont directement attaqué des civils et leurs moyens de subsistance. Ces groupes armés leur ont interdit l’accès aux pâturages et terres agricoles, et ont enlevé des femmes et des filles.

« Tellement de choses ont changé ici en 2022. Djibo, Sebba et beaucoup de villes secondaires sont assiégées. À Sebba, tout est bloqué à partir de Sampelga (en venant de Dori, dans le nord). Il y a également un blocus sur Bourzanga (province du Bam, entre Djibo et Kongoussi). Beaucoup de petits villages sont bloqués ». C’est le témoignage d’une personne travaillant pour une organisation humanitaire, que Amnesty International a partagé avec l’assistance.

Exactions des groupes armés dans les localités assiégées

Il ressort du rapport présenté par Amnesty International, qu’Ansaroul Islam et d’autres groupes armés ont imposé une stratégie brutale d’encerclement sur plusieurs villes et villages situés sur les fronts au Burkina Faso, occasionnant de graves répercussions humanitaires.

Selon les estimations d’Amnesty International, fondées sur des données collectées auprès de plusieurs organisations humanitaires, au moins 46 localités étaient sous une forme particulière de siège imposée par des groupes armés au Burkina Faso, à compter de juillet 2023.

Provinces sous état d’urgence au Burkina Faso

Ces villes et villages sont répartis, explique l’organisation, sur tout le territoire national, de Tin-Akoff dans l’extrême Nord à Pama (Est), en passant par Mangodara (Sud-ouest), jusqu’à Nouna à l’Ouest et Diapaga à l’Est. Amnesty International définit une ville ou un village assiégé par des groupes armés comme étant une localité où l’armée et/ou les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) sont présents, et où des groupes armés, postés principalement autour de la localité, interdisent ou limitent l’accès des personnes, des biens et services. Cela, au moyen de postes de contrôle au niveau de l’accès principal, mais aussi d’engins explosifs improvisés sur la route principale pour limiter le trafic ; d’attaques occasionnelles contre les personnes, les militaires et les convois de ravitaillement qui tentent de rallier ces localités.

Comme illustration, Amnesty International revient sur le témoignage d’une personne dirigeant une organisation de la société civile : « En ce moment, tous les jours une nouvelle ville ou un nouveau village se retrouve assiégé. Arbinda est en état de siège depuis 2019. La situation est comparable à Gorgadji, Sollé, Mansila et Titao, et les dangers sont réels pour la population. C’est dur d’y échapper car il y a de vrais risques pour les habitants. L’accès au niveau provincial devient de plus en plus difficile. C’est le cas de Gourcy et de Tougan où l’accès a été restreint en 2023 ».

Malgré la présence de l’armée et de VDP dans ces localités assiégées, Amnesty International relève que des groupes armés ont lancé des attaques illégales et tué des civils, leur ont interdit l’accès aux champs, les ont pillés, leur ont imposé des impôts, et s’en sont pris à des infrastructures essentielles à leur subsistance, comme les réseaux hydrauliques.

« Il y a des contrôles irréguliers de part et d’autres des parties en conflit au Burkina Faso », a indiqué Ousmane Aly Diallo, chercheur à Amnesty International qui a présenté le rapport

À Solhan (commune de Sebba, province de Yagha), dans la nuit du 4 au 5 juin 2021, des combattants armés qui seraient des membres d’Ansaroul Islam ont attaqué un lieu où étaient postés des VDP, puis sont allés de maison en maison et ont tué au moins 130 personnes dont 20 enfants.

Amnesty International mentionne également que des membres de l’État islamique au Sahel ont attaqué le 11 juin 2022, la ville de Seytenga (à 10 kilomètres de la frontière avec le Niger), où la présence de l’État islamique aux alentours devenait de plus en plus forte. Ce, après avoir encerclé le village et empêché la population prise au piège de fuir pour se mettre en sécurité. Avant d’aller de maison en maison pour ôter la vie des hommes avec leurs armes à feu.

L’organisation rappelle que suite à cette attaque, plus de 86 personnes, en majorité des civils, ont été tuées par les assaillants selon un rapport du Haut-commissariat des nations unies pour les réfugiés.

Amnesty International ajoute que des femmes vivant dans des localités assiégées sont particulièrement exposées à des violences commises par des groupes armés. Pour étayer ses propos, l’organisation internationale militant pour les droits humains revient sur l’enlèvement le 12 janvier 2023, de 66 femmes, filles et nouveau-nés par des membres présumés d’Ansaroul Islam près du village de Liki (commune d’Arbinda, province du Soum).

Nombre de victimes civiles par an au Burkina Faso entre janvier 2016 et juin 2023

Le présent rapport aborde aussi l’action des autorités burkinabè, notamment l’annonce en novembre 2022, d’une campagne nationale de mobilisation pour renforcer le nombre de VDP aux niveaux communautaire et national. Cela, en vue de relever les défis sécuritaires. Lors de cette campagne de recrutement, au moins 50 000 VDP ont été recrutés.

Cependant, Amnesty International signale qu’en réaction à cette mobilisation, Ansaroul Islam a annoncé des mesures de représailles contre les communautés au sein desquelles étaient issus les VDP ou encore au sein des communautés où ces derniers seraient postés.

Concrètement, souligne-t-elle, les groupes armés ont renforcé leur tactique consistant à assiéger les villes et villages, déjà en vigueur dans la ville d’Arbinda en 2019, et qui touche les populations civiles de façon disproportionnée.

Afin de collecter, dans le contexte des localités assiégées, des éléments de preuve sur les atteintes et violations des droits humains, ainsi que sur les infractions au droit international humanitaire, Amnesty International confie avoir effectué deux missions de recherches au Burkina Faso : du 27 novembre au 8 décembre 2022, et du 28 mai au 4 juin 2023.

L’organisation dit avoir rencontré à Ouagadougou et à Ouahigouya, des personnes déplacées internes (PDI) qui ont fui 16 des 46 villages et villes assiégés, ainsi que du personnel humanitaire, des journalistes, des membres de la société civile et des membres du corps diplomatique.

Amnesty International précise que plusieurs ministères ont été contactés le 27 septembre et le 11 octobre 2023, face à l’expansion du conflit armé au Burkina Faso caractérisé par des crimes de guerre et bien d’autres atteintes aux droits humains. Mais leurs sollicitations sont restées sans réponse. Le rapport affirme qu’un consultant recruté par Amnesty International a mené des entretiens supplémentaires avec des personnes déplacées à Dori et Arbinda en mai et juin 2023. Il ajoute qu’Amnesty International s’est entretenu avec 97 personnes dont 30 femmes, 60 hommes et 7 mineurs touchés par le conflit dans le Nord et l’Est du Burkina Faso. Sans oublier qu’une discussion de groupe a notamment eu lieu avec sept femmes qui avaient fui le village de Dambini (commune de Solhan) ainsi qu’avec cinq rescapés de l’attaque contre le village de Holdé (commune de Djibo), qui se sont tous déplacés à Ouahigouya.

Selon ledit rapport, l’état de siège imposé par des groupes armés dans au moins 46 villes, bourgs et villages au Burkina Faso a nui aux moyens de subsistance des habitants et généré une insécurité alimentaire qui a aggravé une situation humanitaire déjà critique de manière générale.

Du fait des attaques menées par des groupes armés contre les convois de ravitaillement et de l’interdiction des activités agricoles et du pâturage pour le bétail dans des endroits comme Djibo et Sebba, les habitants sont encore plus à la merci de l’insécurité alimentaire et des conséquences que cela a sur leurs moyens de subsistance.

« La documentation de ces différents faits enregistrés va servir d’éléments pour que les responsables soient jugés de leurs actes », Samira Daoud, directrice Afrique de l’Ouest et du Centre, Amnesty International

En réponse aux sièges sur les localités par les groupes armés, les forces de défense et de sécurité du Burkina Faso ont commis des dérapages graves lors de l’attaque de Holdé (novembre 2022), à en croire Amnesty International. De plus, poursuit-elle, des mesures prises dans le contexte d’un état d’urgence, comme l’interdiction d’utiliser des motos, l’escorte militaire obligatoire pour les convois de ravitaillement et l’interdiction des transferts de fonds, ont restreint les déplacements des civils. Elle révèle que cela a aussi entravé l’assistance humanitaire aux populations civiles dans le besoin, et exacerbé les malentendus, la méfiance entre le gouvernement et les acteurs humanitaires.

Les recommandations de Amnesty International

Pour Amnesty International, toutes les parties au conflit doivent sans délai inverser la trajectoire actuelle et prendre toutes les mesures nécessaires pour respecter et protéger les civils et leurs droits à l’alimentation, à l’eau, à un abri, à la santé et à l’éducation, notamment en facilitant l’accès à l’assistance humanitaire.

Pour ce faire Amnesty International recommande à toutes les parties au conflit notamment de mettre fin immédiatement à toutes les attaques contre les civils ou les moyens de survie de la population civile, en particulier les infrastructures liées à l’eau. Elle recommande également de prendre toutes les précautions possibles pour protéger les civils et les biens à caractère civil contre les conséquences des attaques.

Les recommandations concernent aussi l’autorisation d’un accès rapide et sans entrave du personnel et du matériel d’aide humanitaire aux civils dans le besoin. Amnesty International recommande en outre, à ce que les parties au conflit veillent à respecter pleinement toutes les dispositions du droit international humanitaire.

Hamed Nanéma
Lefaso.net

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