Actualités :: Foncier au Burkina : « Nous avons pour ambition de mettre de l’ordre dans les (...)

L’Office national du contrôle des aménagements et des constructions (ONC-AC) a entamé depuis fin février des actions de déterrement de bornes dans certaines zones de la ville de Ouagadougou. Les propriétaires de ces bornes disent subir une injustice car ils n’ont pas été informés auparavant que la zone appartenait à la SONATUR. Dans une interview, le directeur de L’ONC-AC, Yacouba Siko donne plus de détails sur cette affaire qui suscite d’énormes débats.

Lefaso.net : Depuis le 28 février 2023, on a constaté que l’ONC-AC fait des sorties pour demander à des personnes de déguerpir de certaines zones. Pourquoi c’est maintenant que vous faites ces sorties ?

Yacouba Siko : Les actions qui ont eu lieu le 28 février sont des actions qui font suite à des actions qui avaient été mises en œuvre dès 2020. Depuis ce temps-là, la structure avait déjà fait des contrôles qui ont montré que les occupations en cours sur le terrain étaient des occupations anarchiques. Et il fallait que ceux qui en étaient responsables les démolissent et libèrent le terrain. Je vous rappelle que depuis le 4 juin 2022, nous avons interpellé le tout premier promoteur qui s’est installé pour lui intimer l’ordre de nous présenter les documents qui autorisaient l’aménagement qu’il a réalisé sur le terrain.

Faute de ces documents nous avons été obligés de l’inviter à enlever les bornes. Il a effectivement obtempéré, mais une semaine après il est reparti réimplanter les bornes prétextant que ce sont les prétendus propriétaires terriens qui l’ont invité à réimplanter les bornes. Vous voyez que ceux qui affirment n’avoir jamais été informés de quelque opération que ce soit sont bien au courant parce qu’avec l’interpellation du premier promoteur, ils savaient qu’ils étaient dans l’illégalité.

Déjà en ce moment, que ce soit les promoteurs ou les prétendus propriétaires terriens, tous étaient au courant que leurs actions étaient illégales et qu’il ne fallait pas continuer. L’action de février-mars est la continuité de la première interpellation qui était de déterrer les bornes. La réimplantation des bornes par le premier promoteur immobilier a fait tache d’huile. Parce que ces actions ont amené d’autres promoteurs à investir dans la zone et à implanter des bornes. Ces promoteurs ont eux aussi été interpellés et invités à déterrer les bornes. Au regard de l’entêtement de ces promoteurs, nous avons pensé qu’il était temps de siffler la fin du désordre.

Etiez-vous informés dès le début des travaux ?

Oui nous avons été informés. Quand ils implantaient les bornes, nous avons été informés de même que lorsque les premiers acquéreurs de ces pseudo parcelles ont entamé les fouilles pour implanter les bâtiments. Parce que nous faisons des contrôles routiniers. Quand nos équipes ont eu vent de cela, elles se sont déportées sur le terrain pour interpeller ceux qui ont commencé à construire et leur demander de présenter les documents dont ils disposent et qui leur permettait de construire sur ces terrains.

En rappel les dispositions de la loi portant code de l’urbanisme et de la construction précisent que lorsque vous voulez construire un bâtiment, il vous faut disposer d’un permis de construire. Le dossier de permis de construire qui est un document délivré par l’autorité compétente (le maire de la collectivité ou le ministre en charge de la construction) contient dans les pièces constitutives. Le titre d’occupation ou de jouissance de la parcelle sur laquelle vous voulez investir. Lorsque vous disposez du titre d’occupation ou de jouissance et des autres documents tels que le plan de bornage de la parcelle, vous pouvez effectivement déposer votre demande de permis de construire mais si vous n’en disposez pas vous ne pouvez ni déposer votre demande, encore moins obtenir le permis de construire.

Ainsi, lorsque nous avons interpellé les premiers acquéreurs et demandé à ces derniers de nous présenter leurs permis de construire, ils n’ont pas été à mesure de présenter ce document essentiel. Parce que l’aménagement est illégal et dans ce cas, le promoteur immobilier qui vous a vendu le terrain ne peut en aucun cas disposer du titre qu’il devrait vous transmettre par la suite. Nous leur avons demandé de suspendre les travaux et de remettre en l’état le terrain où, à défaut, de poursuivre le dossier de permis de construire afin de nous présenter des documents réguliers. Certains ont arrêté les travaux mais malheureusement d’autres ont outrepassé l’injonction pour continuer les travaux.

Lorsque vous avez constaté que les travaux se poursuivaient, pourquoi vous n’avez pas pris de mesures fortes pour obliger l’arrêt des travaux ?

Les actions que nous menons sont des actions concertées. Vous avez vu que nous sommes allés de façon concertée sur le terrain. Déjà il faut impliquer les responsables des collectivités dont relèvent ces zones. Il faut aussi impliquer la sécurité parce que ce sont les actions qui sont assez fortes et qui peuvent rencontrer une certaine résistance. Donc il faut un certain nombre de garanties.

Le processus de mobilisation de tous ces acteurs a pris du temps. D’autre part, la conduite des actions de contrôle a coïncidé avec la transformation de la direction générale de contrôle des opérations d’aménagement et de construction en Office national de contrôle des aménagements et des constructions. Cette phase de transformation a ralenti le processus. Néanmoins, c’était déjà dans les pipelines donc les actions auraient été menées tôt ou tard.

Comment se fait-il que les propriétaires terriens ont pu vendre les parcelles sans que la SONATUR ne s’en rende compte ?

Le terrain est une zone publique et il apparaît clairement sur les plans de lotissement. Et les procédures d’aménagement de cette zone sont bien connues de tous les acteurs. La SONATUR, bien que disposant d’un statut de promoteur immobilier public, ne peut pas engager des travaux sur le terrain sans autorisation de lotir. De la même manière, les promoteurs immobiliers privés ne peuvent pas engager de travaux de lotissement sans autorisation de lotir. Ces derniers acquièrent des terrains avec des propriétaires terriens mais ne peuvent pas se mettre à lotir un terrain sans disposer au préalable de l’autorisation de lotir.

La loi est claire là-dessus et précise en son article 98 que l’opération de lotir ou de restructurer est subordonnée à l’obtention préalable d’une autorisation de lotir conjointement signée par les ministres chargés de l’administration territoriale et de l’urbanisme et de la construction. C’est ce document qui vous permet d’investir sur le terrain. Le promoteur immobilier est un acteur qui dispose d’un agrément de promotion immobilière. Et son activité est régie par la loi 057 portant promotion immobilière au Burkina Faso.

Les règles en matière de promotion immobilière sont connues. Vous ne pouvez pas mettre un projet immobilier en place sans disposer d’autorisation de lotir et sans disposer de l’approbation dudit projet. Ces promoteurs qui sont impliqués dans le projet d’aménagement de la zone publique ne disposent d’aucun de ces documents. La SONATUR quant à elle a effectivement réuni toutes les conditions pour aller sur le terrain parce qu’elle dispose d’une autorisation de lotir signée par les deux ministres en charge de la question. L’obtention de cette autorisation de lotir a pris du temps, ce qui limitait ses actions sur le terrain. Quant à l’action de déterrement des bornes, je précise qu’elle n’est pas du fait de la SONATUR parce que ce n’est pas son rôle. Il s’agit d’une action menée par l’ONC-AC qui, au regard de l’entêtement des promoteurs immobiliers et du fait que la SONATUR dispose de l’autorisation de lotir, a effectivement exercé ses attributions sur le terrain.

Actuellement, est-ce qu’il y a des mesures qui sont prises pour empêcher l’évolution des travaux dans les zones concernées ?

Nous avons déjà arraché les bornes sur le terrain et procédé au marquage des bâtiments concernés. Nous avons demandé à ceux qui disposent de titres de propriété sur une partie de la zone de nous les apporter afin que la SONATUR puisse en tenir compte. Cette invite concerne aussi ceux qui se réclament propriétaires terriens. Cette phase va prendre un certain temps mais sera mise à profit pour engager des actions de concertation en vue de trouver les solutions les plus plausibles mais dans le strict respect de la loi. Et de ces dispositions en matière de remise en l’état des sites occupés anarchiquement.

En dehors de Garghin, est-ce qu’il y a des zones qui sont concernés par ce problème ?

Garghin n’est pas un cas isolé. En dehors de la bande de servitude, il y a des occupations anarchiques dans plusieurs autres localités que sont Saaba, Loumbila et Boussé. Ce sont des zones qui relèvent de collectivités que des gens se sont mis à occuper anarchiquement à travers des implantations de bornes. Nous avons pour ambition de mettre de l’ordre dans ces zones dans les prochains jours. Les actions sont en train de se mettre en place. Nous pensons que d’ici fin avril, nous allons entamer la démolition de ces bornes.

Est-ce qu’il est prévu un dédommagement pour ces personnes ?

Non pas à priori. Parce que le dédommagement suppose que vous disposez d’un titre qui prouve que le terrain vous appartient. Mais si vous n’avez pas ce titre, l’administration n’a pas pour obligation de vous dédommager. Néanmoins, si dédommagement il devrait y avoir, nous situerons les responsabilités.

Aujourd’hui quelles sont les mesures qui sont en train d’être prises pour éviter que ce genre de situation arrive dans le futur ?

Il y a la relecture de la loi portant la promotion immobilière qui est cours. Et qui a revu un certain nombre de dispositions notamment l’aspect mobilisation du foncier aux promoteurs immobiliers. Cette disposition veut que ce soit l’Etat qui mobilise le foncier et fasse des macros lots qui seront mis à disposition des promoteurs immobiliers. La disposition précise que le projet immobilier se réalise désormais sur 25 ha. Une autre disposition qui a été revue à la hausse est celle relative aux sanctions. En effet les quantums de sanctions qui seront appliquées en cas d’infraction avérée ont été revues à la hausse. Si la loi est adoptée, vous verrez que les sanctions qui sont actuellement dérisoires et très peu dissuasives auront plus d’effet.

Quel sort est réservé aux installations anarchiques dans la ville de Ouagadougou ?

Il y a deux niveaux d’installations anarchiques. Le premier niveau concerne les installations qui se font aux abords des voies. Ce sont des occupations qui se font à côté des installations autorisées par les collectivités territoriales. Là, le travail de mise en état incombe à la mairie. Le deuxième niveau d’occupation concerne les occupations des espaces comme les espaces verts, les réserves administratives et autres équipements socio-collectifs comme les espaces dédiés à l’enseignement public et à la santé dont le contrôle de conformité nous incombe.

Dans notre programme d’activités, nous avons un certain nombre d’actions qui portent sur des campagnes de contrôles de l’occupation des espaces publics et des espaces contenus dans les plans de lotissement. Au cours de ces campagnes il s’agira de vérifier l’existence ou nom de documents autorisant les installations sur ces espaces. Si les occupants de ces espaces disposent des autorisations requises, ils pourront continuer à les occuper. Dans le cas contraire ils seront invités à libérer les lieux.

Combien de personnes sont concernées par ces déguerpissements ?

Pour l’instant nous ne disposons pas de statistiques. Mais au regard des constats qui peuvent être faits sur le terrain, on peut affirmer sans grand risque de se tromper que le phénomène est très préoccupant parce que nombre de nos espaces sont détournés par de tierces personnes au détriment de la collectivité. Cette situation, bien que concernant l’ensemble du territoire, est beaucoup plus perceptible dans les principales villes et dans plusieurs villes secondaires.

Dans la zone de Garghin, paraît-il que ce sont les installations de la Sonabel qui ont incité les populations à aller s’y installer. Est-ce vrai ?

La SONABEL n’est pas la structure habilitée à dire qu’une zone est habitable où non même si elle est une société d’État. Dans la bande de servitude, on a constaté que certaines constructions sont faites pratiquement sous la ligne de haute tension. Nous avons écrit à la SONABEL pour attirer son attention sur l’existence de cette occupation et les dangers qui guettent la population. Nous allons dans les jours à venir inviter la SONABEL à se rapprocher de nous pour que nous puissions avoir des actions concertées parce que le problème doit être traité globalement. En effet, Il ne nous semble pas commode de traiter une partie du problème et laisser l’autre partie du problème en l’état.

Est-ce qu’aujourd’hui on peut espérer que les lotissements reprennent au Burkina Faso ?

Les lotissements n’ont pas totalement cessé. Après la publication des résultats de l’enquête parlementaire sur le foncier, le gouvernement avait autorisé la reprise des lotissements pour toutes les collectivités, à l’exception de Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Quand vous regardez les communes environnantes comme Koubri, Komsilga et les autres communes du pays, vous vous rendrez compte que les opérations de lotissement ont repris. Pour ce qui concerne Ouagadougou et Bobo-Dioulasso, le processus n’a pas encore été totalement achevé mais on peut espérer qu’au rythme où vont les choses, la reprise des lotissements dans ces deux communes se fera incessamment.

Quel est votre message à l’endroit des populations ?

Nous voulons à travers votre tribune rassurer la population que l’action que nous menons maintenant n’est pas une action qui vise à créer du tort à qui que ce soit. Et il faut que la population comprenne que ce ne sont pas tous les espaces qui doivent être occupés à des fins d’habitation. D’autre part en matière d’acquisition de parcelles, elles sont invitées à bien se renseigner auprès des structures habilitées en s’informant par exemple auprès du guichet unique du foncier ou auprès de nos services qui restent disponibles pour tout renseignement. Ces mesures de précaution leur permettront sans nul doute d’éviter de réaliser des investissements immobiliers incertains.

Propos recueillis par Rama Diallo
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