:: Sorgho Larba Issa : L’homme qui expérimente le cacao à Bagré

Du cacao produit au Burkina Faso ? Vous en avez certainement entendu parler. Eh bien ! à Bagré, commune située à une quarantaine de kilomètres de Tenkodogo, vous pourrez en trouver dans la plantation expérimentale de Larba Issa Sorgho. La cinquantaine bien sonnée, il a passé une bonne partie de sa jeunesse dans les champs de riz, de cacao, de café et d’ananas de la Côte d’Ivoire avant de rentrer au bercail. Portrait.

Costume gris trois pièces, machette à la main gauche. 50 ans révolus, d’un pas vif, Larba Issa Sorgho, sous un manguier, s’empresse de nous serrer la main. Sa main rude et crevassée porte encore les stigmates du travail de la terre. Il semble solide pour un homme de son âge. D’ailleurs, c’est avec fierté qu’il raconte n’avoir jamais été admis dans un hôpital. « Personne ne peut dire qu’il m’a déjà vu malade, alité et sous perfusion à cause du paludisme. C’est un don de Dieu », confie le quinquagénaire.

« Cet homme a tout enduré. C’est un véritable baroudeur qui a passé plusieurs années dans les plantations de cacao et d’ananas. Le vieux Larba est un homme attachant. Et c’est un peu notre doyen ici », lance Souleymane Yougbaré, un producteur aquacole qui tenait le crachoir sous le manguier.

L’aquaculteur Souleymane Yougbaré a salué le courage et la persévérance de son voisin Larba Issa Sorgho
Des plantes cultivées « naturellement » …

Après l’eau de bienvenue et les salutations d’usage, Larba Issa propose de faire un tour dans sa bananeraie qui s’étend sur une superficie d’un demi-hectare, à la lisière d’un champ de riz. Aucun ouvrier en vue, ce dimanche 7 mars 2021, en début d’après-midi. Tout est calme, à l’image du propriétaire des lieux qui tente de se frayer un chemin. Dans cette plantation poussent du cola, de l’avocat, de la papaye et de la banane et d’autres plantes comme « l’indépendant » qui aurait des vertus thérapeutiques insoupçonnées contre toutes sortes de blessures.

... et appréciées des chercheurs

« Mes bananes sont naturelles. Je n’utilise pas d’engrais chimique. J’utilise que de la bouse de vache et de l’eau. Des chercheurs de l’Institut de formation en développement rural de Bagré (IFODER) ont déjà visité mon champ. Ils m’ont acheté le régime de banane à 50 000 F CFA. Ils ont également acheté ailleurs de la banane produite à l’engrais chimique. De retour dans leur institut, ils ont comparé les deux régimes et sont arrivés à la conclusion que même si la banane que je produis sans engrais chimique n’est pas grosse, elle est bien meilleure pour la santé de l’homme », se réjouit Larba Issa.

Selon Larba Issa Sorgho, la culture du cacao est la preuve que tout peut pousser au Burkina
Du cacao expérimental

S’il y a bien une plante qui fait la fierté du vieil homme, c’est bien le cacaoyer qui pousse généralement dans les pays ayant un climat chaud et humide comme la Côte d’Ivoire. C’est d’ailleurs de ce pays que Larba Issa a ramené quelques plants, le 20 juillet 2015. Son entourage avait prédit l’échec de cette culture, plus favorable dans la Léraba, province frontalière avec la Côte d’Ivoire. Mais, elle eut tort. Des cabosses, Larba Issa en a récolté au bout de trois ans. Certes en petite quantité, mais suffisamment pour prouver aux plus sceptiques, que « toute plante peut pousser au Burkina ».

Une culture désintéressée

« Je ne cultive pas le cacao en pensant que cela pourrait me rapporter de l’argent. Non ! Je veux montrer à mes enfants que tout peut pousser sur nos terres (…) Il y a de l’eau ici. Et de la bonne terre. Qu’est-ce qui reste à faire, si ce n’est de travailler ? ». Larba Issa Sorgho n’est pas un nabab, mais assure qu’il gagne bien sa vie dans une région où partir à l’aventure est la règle et rester, l’exception. A l’en croire, la culture du cacao lui rapporte un peu plus d’un million de francs CFA. Larba Issa Sorgho ne s’est pas construit en un jour. Sa plantation a une histoire et il est difficile d’en parler, sans évoquer la Côte d’Ivoire, où tout a commencé.

C’est avec fierté que le quinquagénaire dit être revenu sur la terre de ses ancêtres
L’odyssée en terre ivoirienne

Dans les années 80, alors âgé d’une vingtaine d’années, le jeune Larba Issa découvre la ville de Touba, située à l’ouest de la Côte d’Ivoire. « Je ne me rappelle pas exactement l’année. Je sais tout simplement que le président Thomas Sankara était encore en vie. À cette époque, tous les jeunes de mon âge rêvaient de travailler en terre ivoirienne et de se construire dans ce pays », lance-t-il, le regard lointain.

À Touba, le jeune Burkinabè dépose ses baluchons chez un ressortissant de Tenkodogo, nommé Eloi Moné. Au bout de quelques mois, alors que certains de ses compatriotes déchantent de la vie en terre ivoirienne et pensent déjà à un retour au bercail, Larba Issa, lui, sait ce qu’il veut. Pour avoir sa pitance, il sait qu’il doit courber l’échine dans des plaines rizicoles pouvant s’étendre sur 40 hectares. « C’était dur. Ceux qui ont véritablement travaillé dans les plaines, les vallées et dans les plantations ivoiriennes savent de quoi je parle. Le travail y est pénible. On reconnaissait les grands travailleurs par leur clavicule que l’on pouvait saisir avec le pouce et l’index », témoigne le vieil agriculteur.

« Creuser, fouiller, bêcher »

Touba était dur, mais c’était aussi gai. Ces soirées au clair de lune où Larba Issa mangeait de la viande de brousse avec les autres camarades qui ont choisi de ne pas rentrer au pays et d’épargner la honte à leurs familles. « Il y avait un hôtel en ville à ce moment-là où logeaient parfois des artistes en herbe comme Alpha Blondy ou Ismaël Isaac. C’était le bon vieux temps. », soupire-t-il. De Touba, Larba Issa va bourlinguer à travers d’autres villages de l’ouest de la Côte d’Ivoire. Il va « creuser, fouiller, bêcher », encore une dizaine d’années : Riz, cacao, café, bananes, ananas, etc. Que n’a-t-il pas produit ?

Le retour gagnant

Près de trente ans après avoir quitté Bagré, vint le temps de la nostalgie, ces bons moments d’hier que l’on a passés avec les siens. « Le mal du pays, c’est s’ennuyer de ces rares personnes qui nous comprennent à demi-mot », disait l’Anthropologue québécois, Bernard Arcand. « A un moment donné, je ne comprenais pas comment l’on pouvait travailler pour des gens à l’étranger et refuser de travailler dans son propre pays ? Si ce n’est de la bêtise, comment peut-on qualifier ce genre de choses ? J’ai donc décidé de rentrer chez moi à Bagré », raconte Larba Issa pour justifier sa décision de retrouver les siens.

« Il n’y a aucune honte à rester dans son pays »

Après la crise post-électorale de 2010, Larba Issa revient chez lui en 2011. C’est le début d’une histoire. Celle de sa plantation qu’il fera agrandir avec l’introduction de cacaoyers, à la suite d’un second voyage en Côte d’Ivoire, en 2015. Aucun des huit enfants de Larba Issa ne travaille avec lui. « Je les ai dissuadés de prendre le large et d’aller à l’aventure. C’est un choix. Je refuse qu’ils travaillent pour moi. Je suis toujours en pleine forme. Chacun de mes enfants exerce un métier. Pourquoi devraient-ils partir ailleurs ? Ils sont chez eux ici. Il n’y a aucune honte à rester dans son pays. », lance le quinquagénaire, avec un sourire candide au coin des lèvres.

Herman Frédéric Bassolé
Lefaso.net

Burkina : « On ne communique pas sur l’audit de l’armée (...)
8 mars 2024 : Le chef de l’Etat rend hommage aux (...)
Production agricole : Le chef de l’Etat félicite les (...)
Coopération : Le Gouvernement échange avec la Troïka des (...)
L’Homme de la Brousse - Hommage Aux Femmes (Nos mamans (...)
Condition d’exercice des activités du livre au Burkina (...)
Burkina : Création d’une société de raffinerie d’or
Burkina : Un nouveau foyer de grippe aviaire apparu le (...)
Burkina Faso : La CEDEAO est utilisée par des impérialistes
Burkina /Opération reconquête du territoire national : (...)
Conseil des ministres : Adoption d’un décret portant (...)
Conseil des ministres : Le gouvernement dissout l’Unité (...)
Burkina /Opération reconquête du territoire national : (...)
Burkina/Formation professionnelle : Trois jours pour (...)
Stanislas Spéro Adotévi : « Le jour où les Africains (...)
Burkina /Opération reconquête du territoire national : (...)
Burkina /Opération reconquête du territoire national : (...)
Entrez dans l’univers de BRAKINA, entreprise citoyenne (...)
Burkina /Opération reconquête du territoire national : (...)
Conseil des ministres/ministre de l’Economie, des (...)
Conseil des ministres/ministère de la Justice : Adoption (...)

Pages : 0 | 21 | 42 | 63 | 84 | 105 | 126 | 147 | 168 | ... | 735


LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés