Actualités :: France - Côte d’Ivoire : La politique de l’autruche

Dans le couscous politique presque indigeste de la Côte d’Ivoire, la France vient de mettre un gros grain de sable. A savoir, l’alignement de Paris sur les récentes décisions contestées par une partie des protagonistes de la crise qui n’ont jamais été consultés, de l’Union africaine et tendant à prolonger le mandat de Laurent Gbagbo pour un an jusqu’à la fin de la transition.

La France a même redigé et introduit un projet de résolution allant dans ce sens.

Membre permanent du Conseil de sécurité avec droit de veto, le comportement de Paris peut évidemment peser sur la direction que prendraient les débats autour du dossier ivoirien. La position de la France est-elle destinée à intimider et à dissuader à l’avance toute velléité de contestation de sa proposition ? On peut le penser.

Toujours est-il que l’attitude de la France dénote d’un parti pris inopportun et contreproductif en termes d’apaisement du climat plus que jamais explosif à l’approche de la date du 30 octobre. La France aurait dû se taire au regard de son parcours calamiteux dans la crise ivoirienne. Elle apparaît aujourd’hui disqualifiée pour jouer les pompiers.

En montrant sa partialité, elle perd en conséquence toute crédibilité face aux autres acteurs de la scène politique ivoirienne. Evidemment, Paris est forcée de faire la part belle à Gbagbo pour plusieurs raisons. D’abord, parce que les intérêts économiques de la France demeurent encore immenses en Côte d’Ivoire.

En plus, beaucoup de ressortissants français, après la vague des départs, résident encore dans le pays. D’où le souci de Paris de protéger non seulement ses derniers "Mohicans" restés sur place, mais également de briser les facteurs psychologiques qui enveniment ses rapports avec Abidjan.

En effet, Laurent Gbagbo, astucieusement, a compris l’âme française et a su innoculer dans l’inconscient collectif de certains de ses compatriotes, un sentiment antifrançais. Revers de l’histoire. Venue à la rescousse d’un régime impopulaire et vomi par une partie des citoyens ivoiriens, la France se trouve ainsi récompensée en monnaie de singe.

A tort ou à raison, la France pense que la meilleure façon de ne pas perdre une pièce essentielle de son précarré africain, c’est de composer avec le régime en place, même décrié par la majorité des citoyens ivoiriens. D’autant que la pierre angulaire de la diplomatie française en Afrique a toujours été de travailler étroitement avec les pouvoirs en place, quelle que soit leur couleur du moment : dictatoriale, totalitaire, fascisante ou génocidaire.
Aussi Paris ne craint-elle pas de pratiquer la politique de l’autruche.

La France refuse donc de voir la réalité en face. La réalité, c’est d’abord l’incapacité congénitale de Gbagbo, fût-il président d’une transition, de se dépouiller de ses attributs de chef d’Etat pour inaugurer des chrysanthèmes. C’est une constante en Afrique. Même en temps normal, rarement un chef d’Etat en fonction accepte de perdre des élections qu’il a organisées lui-même.

En conséquence, Gbagbo qui porte le dossard de président par qui le scandale de l’exclusion et de la xénophobie est arrivé, et qui a accumulé beaucoup de rancoeurs contre lui, peut-il faire violence sur lui-même et nommer un Premier ministre qui aura le profil d’un homme consensuel ? Peut-il surtout accepter que ce dernier ait réellement les prérogatives d’un chef de l’Exécutif, quitte à s’abstenir de se présenter à l’élection présidentielle ?

Il ne sert à rien, au stade actuel de l’évolution de la situation explosive en Côte d’Ivoire, de s’arc-bouter sur la légalité et la légitimité du reste contestées du pouvoir de Gbagbo. Peut-être que la situation de ni guerre ni paix en Côte d’Ivoire, cette sorte de statu quo, arrange tout le monde. Les chefs d’Etat africains qui craignent de se retrouver dans la même situation que Gbagbo et de se voir contraints à la démission.

L’ONU ensuite qui n’a jamais su réagir préventivement, se contentant de petits remèdes par doses calculées, en fonction des états d’âme des intérêts divergents des Etats membres. Dans tous les cas, la communauté internationale porte une grande responsabilité et ne pourrait indéfiniment se complaire dans son laxisme actuel dans la mesure où ailleurs, de par le monde, des transitions ont réussi en sacrifiant le président. Le cas le plus récent est celui du Liberia. La Côte d’Ivoire mérite elle aussi, ce remède de cheval.

En définitive, le dernier mot revient au Conseil de Sécurité. Il lui incombe de ne pas se laisser piéger par des querelles subalternes eu égard à la gravité de la situation. Malheureusement, en se rangeant derrière la position de la France qui prépare un projet de résolution en faveur du maintient de Gbagbo au pouvoir, le Conseil de Sécurité ne peut que mettre davantage de l’huile sur le feu en côte d’Ivoire.

Le Pays

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