Actualités :: Grogne au fonds Kuna Wili : Des travailleurs dénoncent les nouvelles (…)

Au sortir du conseil des ministres du mercredi 29 mai 2024, trois fonds que sont le Fonds d’appui aux initiatives des jeunes (FAIJ), le Fonds d’appui à la promotion de l’emploi (FAPE) et le Fonds d’appui au secteur informel (FASI) ont été dissous, pour désormais créer le fonds Faso Kuna Wili. Cette suppression des fonds a, de facto, entraîné la fin des contrats de l’ensemble du personnel concerné. Le lendemain de cette décision, soit le jeudi 30 mai 2024, le ministre des Sports, de la Jeunesse et de l’Emploi d’alors, Boubacar Savadogo, rencontrait les travailleurs desdites institutions, pour leur expliquer la décision prise en conseil des ministres. Mais trois mois plus tard, les conséquences de cette décision semblent visiblement faire des malheureux, car certains travailleurs estiment que les nouvelles mesures prises pour le fonctionnement de la maison les lèseront dans leurs droits.

Pour résumer les griefs, ces travailleurs, qui se sont confiés à notre média, se plaignent du fait de continuer à travailler pour le compte du Fonds Faso Kuna Wili, malgré la dissolution des fonds. Ils reprochent au directeur, Hamidou Sawadogo, de refuser de payer des indemnités de licenciement aux travailleurs, la non-régularisation de la rémunération des travailleurs du FAPE qui est passé de projet-programme à un fonds. Ils lui reprochent également une gestion opaque et non-inclusive et la pression mise sur les travailleurs pour le paiement des prêts empruntés aux fonds.

Pour en savoir davantage, Lefaso.net a tendu son dictaphone au directeur du fonds Faso Kuna Wili pour avoir sa version des faits par rapport à ce qui lui est reproché. Il nous recevra avec quatre de ses collaborateurs que sont Dénis Kaboré, ancien directeur de recouvrement et du contentieux du FASI ; Abo Adama 2e jumeau, ancien chef de service de recouvrement FAPE ; Kadiatou Ouédraogo, ancienne cheffe de service contentieux au FASI ; et Alimata Kabré, auditeur interne de l’ex-FAIJ, par ailleurs représentante des ressources humaines au niveau du FAIJ. Leur présence, dit-il, est motivée par un besoin de transparence. Et à la question de savoir pourquoi aucun délégué du personnel n’est présent, Hamidou Sawadogo nous répondra que les délégués sont en poste à Koudougou et à Manga.

À propos de la continuité du travail par les agents

Depuis la dissolution des différents fonds sus-cités, le personnel continue de travailler, comme s’il n’avait pas été mis fin à leurs contrats. Les travailleurs, acteurs de la grogne, disent ne pas comprendre cette manière d’agir car, en principe, aucune base légale ne justifie les tâches qu’ils exécutent. Mais le directeur général explique avoir reçu une autorisation de la fonction publique pour assurer la continuité du service, à travers les encaissements des recouvrements. En contrepartie, les salaires des travailleurs devraient leur être payés, cela en attendant que les réajustements soient faits pour les réformes voulues par l’État au sein de Faso Kuna Wili. « Les encaissements ne sont pas faits dans le vide. Les travailleurs les encaissent au nom des anciennes structures et non au nom de Faso Kuna Wili. Les anciens travailleurs du FAPE travaillent toujours pour le compte du FAPE. Les anciens travailleurs du FAIJ, pour le compte du FAIJ. Et les anciens travailleurs du FASI, pour le compte du FASI », explique-t-il.

À propos du paiement des indemnités de fin de contrat

A l’arrivée du directeur général au fonds Faso Kuna Wili, on dénombrait 171 travailleurs. Mais avec les départs à la retraite, les décès, etc., l’institution compte à ce jour 164 personnes. Le fonds devrait fonctionner avec 135 personnes. Un recrutement de 44 personnes a été lancé pour améliorer la qualité de travail du fonds et 91 personnes issues des fonds dissous seront recrutés pour le compte de Faso Kuna Wili. Tout le reste devra être redéployé dans les autres établissements publics de l’État, du ministère en charge de la Jeunesse et de l’Emploi.

Toutefois, dans le communiqué de recrutement du ministère des Sports, de la Jeunesse et de l’Emploi en date du 2 août 2024, il est mentionné, dans les conditions particulières, que les candidats déclarés définitivement admis devront signer un protocole d’accord-partie de renonciation aux indemnités de licenciement suite à la dissolution de leur fonds de provenance.

Ce qui, selon les travailleurs, est illégal.
Évoquant cette question avec le directeur général, ce dernier nous précisera que nos informations ne sont pas actualisées, car ce communiqué avait juste été émis à titre d’orientation. « Quand ce communiqué a été lancé, le personnel lui-même a dit qu’il voulait avoir des indemnités de fin de contrat. Il y en a qui nous ont rappelé qu’ils avaient travaillé au FONAPE, lequel fonds avait été supprimé pour créer le FAPE et le FASI. Mais quand ce fonds avait été supprimé, ils ont bénéficié d’indemnités de fin de contrat. Donc le personnel a dit qu’il souhaiterait avoir des indemnités de fin de contrat. J’ai transmis l’information au gouvernement, qui a pris la décision de mettre en place un comité interministériel. Ont participé aux travaux, le ministère de l’Économie et des Finances, à travers deux services de la direction du portefeuille de l’État ; deux membres de la direction générale de la fonction publique ; deux membres du ministère de la Jeunesse et de l’Emploi, dont moi. Nous étions dix. Et quand j’ai reversé l’information, toute la commission a estimé que l’on devait formuler une requête auprès du gouvernement pour qu’il voie, dans la mesure de ses possibilités, comment vider cette question. Seulement, il y a une implication. Les indemnités de fin de contrat prennent cours à partir du premier jour où vous avez pris service, jusqu’à la date d’arrêt du contrat. Et quand on paie ces indemnités-là, cela veut dire que vous avez épongé tout ce qui vous liait à l’administration. Vous passerez surement à un second emploi. Mais le jour où vous partez à la retraite, pour calculer vos indemnités, on ne prendra point à partir de votre second engagement ou de votre énième engagement. Mais je dois préciser que c’est le personnel qui l’a demandé et non l’administration qui a proposé cela », a-t-il clarifié.

Toujours au niveau des conditions particulières, le point 3 précise que les candidats admis devraient accepter la grille salariale et indemnitaire de leur EPE d’accueil. Les travailleurs estiment que cette mention est illégale car elle ne tient pas compte de l’ancienneté.

Pour eux, ce serait comme faire un retour à la case départ, alors que certains comptabilisent plus d’une vingtaine d’années de travail dans les fonds. « On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Le gouvernement leur a fait la proposition de laisser tomber les indemnités de fin de contrat et de faire une continuité de carrière. C’est le personnel qui a dit non ; qu’il souhaite avoir des indemnités de fin de contrat. J’ai expliqué cela à maintes reprises au personnel. Je lui ai dit qu’en bénéficiant des indemnités de fin de contrat, on leur paie tout. Ils ont dit que c’est ce qu’ils veulent. Alors j’ai transmis l’information aux autorités parce que je ne suis pas là de mon propre chef. L’administration est hiérarchisée. Et si on te pose un problème auquel tu n’as pas la solution ou que tu n’es pas habilité à prendre la décision pour le résoudre, tu remontes l’information à la personne de droit, quitte à ce que cette personne décide. J’ai transmis l’information. Et je pense que pour toute préoccupation que le personnel viendrait à poser, je transmettrai l’information. Et si l’administration centrale prend une décision, mon rôle sera encore de transmettre l’information », a-t-il développé.

« Aucun des DRH ne m’a révélé que les gens étaient payés en deçà de ce qu’ils devaient avoir »

Des anciens travailleurs du FAPE estiment que leur rémunération est en deçà de ce qu’ils devraient percevoir car les travailleurs du FAPE, avant qu’il ne soit érigé en fonds, étaient logés à la même enseigne que les travailleurs des projets-programmes. Selon leurs dires, leur situation devait connaître une amélioration depuis 2007, mais jusque-là, elle est restée telle.

En réponse, le directeur général de Faso Kuna Wili avoue être étonné de cette préoccupation car, dit-il, « au niveau des fonds, les gens étaient mieux payés que dans les EPE classiques. C’était des pratiques qui existaient dans les fonds. Mais jusqu’à présent, dans les trois fonds, il n’y a qu’un seul travailleur qui est venu me dire qu’il est payé en deçà de ce qu’il devrait avoir. J’ai voulu en savoir davantage. J’ai même discuté avec les Directeurs des ressources humaines (DRH). Aucun des DRH ne m’a révélé que les gens étaient payés en deçà de ce qu’ils devaient avoir. La question ne s’est jamais posée au niveau des fonds. Mais je dis bien qu’il y a un travailleur qui m’a posé son cas. Je lui ai dit que s’il estime que le salaire qu’il perçoit est en deçà de ce qu’il reçoit, qu’il écrive. Jusque-là, je n’ai pas reçu de note. Pour moi, cette question n’a pas de fondement juridique et de base administrative. Mais si un jour, il advenait que la question se présente avec une base administrative, nous on transmettra à qui de droit », a-t-il promis.

« Si j’avais le pouvoir d’influencer le recrutement, j’allais créer ma propre banque »

Autre point de désaccord évoqué, la non-implication des délégués du personnel dans les reformes. Pour les travailleurs concernés par la grogne, leur premier responsable ne se soucie pas des préoccupations réelles des travailleurs et botte en touche, chaque fois qu’ils veulent créer un cadre de dialogue. Toute chose qui compromet la transparence dans le recrutement qui sera fait.

Pour le directeur général de Faso Kuna Wili, il ne peut ni n’a le droit d’intervenir dans le recrutement qui sera fait car, dit-il, « je ne suis pas dans le jury. Je peux donner des orientations. Je peux recevoir des instructions des plus hautes autorités et je transmets au jury… Je n’ai aucun pouvoir de recrutement ou de non recrutement. Et si j’avais le pouvoir d’influencer, j’allais créer ma propre banque, recruter qui je veux et faire mes affaires. »

« Le 20 novembre 2024, date butoir pour le remboursement des prêts par les travailleurs du fonds »

Des travailleurs au sein des différents fonds supprimés avaient contracté des prêts. Et selon ces derniers, le directeur général aurait affirmé que ceux ou ceux des travailleurs dont les parents ont contracté un prêt au niveau des fonds, ne seraient pas recrutés à Faso Kuna Wili. Pour ces travailleurs, aucun texte ne dispose de cela. Ils dénoncent par là une volonté du directeur général de gouverner le fonds selon ses propres règles et d’agir sur la base d’aucune règle.

Tout en rappelant qu’il n’a pas le pouvoir de recruter qui que ce soit, Hamidou Sawadogo soutient que la mission qui lui a été assignée est l’assainissement du fonds. « La personne qui vous a donné cette information a donné les tares du fonds au public burkinabè. Il y a des gens qui ont emprunté des fonds mais le prêt est à terme échu. Cela signifie qu’il devait être payé actuellement. Même cinq francs, ils n’ont pas remboursé. Et je pense que juridiquement, il n’avait même pas le droit de le faire », a-t-il clarifié.

Avant de poursuivre en ces termes : « Quand vous travaillez dans une structure financière, il y a deux possibilités pour emprunter. C’est soit par avance sur salaire, soit par prêt interne. Dans ces deux cas, tout le monde peut être bénéficiaire. Mais vous ne pouvez pas venir emprunter de l’argent au fonds comme si vous étiez un promoteur. Deuxièmement, il y a des travailleurs au niveau des fonds dont les ayants-droit ont pris un prêt par leur truchement. Ils n’ont pas remboursé… Si vous êtes agents de crédit par exemple et qu’un membre de votre famille vient emprunter, la loi bancaire vous oblige à transférer cette personne-là vers une autre qui traite son dossier. Si un membre de votre famille emprunte dans la même banque où vous travaillez, ça s’appelle effet de cavalerie. Et si c’est en banque et que le crédit rencontre un problème, vous êtes automatiquement licencié. L’État ne rime pas avec désordre. J’ai dit que le système était pourri et ceux qui étaient de moralité faible ont pactisé avec les mauvaises pratiques. Nous sommes sur la voie de l’assainissement. Je l’ai dit il y a des mois : tous ceux qui ont emprunté en leur propre nom, ou ceux dont les ayants-droit ont emprunté et dont le terme est échu, qu’ils viennent rembourser ! Il y en a qui se sont exécutés. Beaucoup sont venus rembourser. Mais certains n’ont pas remboursé… », a-t-il regretté.

Pour lui, cette mesure devait pourtant être comprise de tous. Selon ces dires, si jusqu’à la date du 20 novembre 2024, les travailleurs de ces fonds qui doivent au fonds ne s’exécutent pas, le dernier recours sera la réalisation des garanties. « Cela signifie que si vous avez donné une parcelle en gage, on va la vendre à travers les procédures judiciaires qui existent, avec un huissier, récupérer l’argent du fonds et le remettre au fonds. C’est à ce prix que l’on va pouvoir financer la jeunesse qui manque d’emplois et qui croupit sous le poids du chômage », se convainc Hamidou Ouédraogo.

« Notre nombre doit être notre raison »

« Chaque mardi, à 7h30, j’anime une réunion de direction, élargie à tout le personnel qui est au siège. Et le premier point que l’on aborde, c’est la vie de l’institution. On donne toutes les informations. Et j’ai même dit au personnel que celui qui veut peut enregistrer parce que j’estime qu’on n’a pas besoin de cacher la vérité ». Cette réponse nous a été donnée par Hamidou Ouédraogo, à la question de savoir si tous les travailleurs étaient au même niveau d’information.
En s’épanchant sur notre média, le personnel concerné par la grogne a formulé les préoccupations suivantes : l’organisation d’une assemblée générale du personnel des fonds dissous avec le ministre des Sports, de la Jeunesse et de l’Emploi ; le redéploiement des agents en conservant leur ancienneté quelles que soit les structures qui les accueilleront, la correction des salaires des anciens travailleurs du FAPE.

À ce propos, Hamidou Ouédraogo souligne qu’il n’est fermé à aucune discussion et que le personnel n’a juste qu’à faire lui-même la demande pour qu’il la transmette à qui de droit. « J’ai moi-même dit au personnel de se réunir, en regroupant les trois DRH des trois structures dissoutes, plus les anciens représentants du personnel, plus une personne de chaque fonds, ce qui fera un total de neuf, ; j’ai dit à tout le personnel de reverser tout ce qu’il souhaite à ces neuf personnes qui feront un travail global qu’ils me remettront, et que je transmettrai à mon tour à l’administration. Je ne sais pas qui a rejeté la proposition, mais le travail n’a pas été fait. J’ai dit au personnel, que quelle que soit l’autorité qu’il souhaite voir, s’il éprouve des difficultés à la rencontrer, qu’il me fasse signe pour que je demande moi-même le rendez-vous. Jusqu’à présent, je n’ai pas vu quelqu’un venir me dire de demander un rendez-vous pour le personnel et je ne l’ai pas fait… Pour le recrutement que nous avons lancé, il y a des gens qui se sont abstenus de candidater. Ils estiment qu’ils ont eu mieux ailleurs. Il y en a qui se sont abstenus peut-être que ça ne répond plus à leurs aspirations ou leurs ambitions professionnelles. J’ai moi-même contacté certains agents pour leur dire de déposer plusieurs dossiers pour être sûr d’attraper un emploi… La pression de l’emploi est de telle sorte que quand vous en gagnez un, il faut tout faire pour le préserver. Et le devoir de l’administration est de veiller aux intérêts des travailleurs, mais dans la limite de ses possibilités. Et l’emploi ne se donne pas. Ça se demande. L’emploi s’acquiert à travers un concours, à travers un recrutement... Je ne menace personne, je ne menacerai personne, et je n’ai aucun pouvoir de menacer quelqu’un. Et si quelqu’un pense que j’ai ce pouvoir, la personne se trompe… Les règles qui régissent l’administration sont suffisamment claires. Si vous êtes en droit de quelque chose, écrivez. L’administration aussi écrira pour vous répondre. Si on vous a lésé dans votre droit, écrivez.
L’administration va réparer. Notre nombre doit être notre raison et c’est la fédération de toutes les intelligences qui fait l’administration », dira-t-il pour conclure.

Erwan Compaoré
Lefaso.net

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