Actualités :: Burkina/Établissement de testament : « Les gens commencent à comprendre (…)

Le testament est la matérialisation des dernières volontés du défunt. Il contient généralement les vœux émis par le défunt, notamment en ce qui concerne les dispositions à prendre pour son inhumation et sa succession et bien d’autres. En Afrique de façon générale et au Burkina Faso en particulier, le testament n’est pas perçu comme une démarche nécessaire par de nombreux citoyens. Certains craignant la mort, préfèrent ne même pas y penser. Pourtant, à en croire Me Yacouba Dembélé, le président de l’Ordre des notaires du Burkina Faso qui nous a accordé une interview, le testament permet d’éviter bien de problèmes et de situations déconcertantes après la mort du testateur.

Lefaso.net : Qui peut faire établir un testament ?

Me Yacouba Dembélé : Au Burkina, le testament peut être fait par toute personne majeure qui a au moins 20 ans révolus. Il est reçu par les notaires, ou une juridiction donnée. Pour ce qui concerne les différents types de testaments, il y en a trois. Il y a ce qu’on appelle le testament authentique rédigé par le notaire lui-même ou un juge. Dans ce cas, le testateur vient devant le notaire ou le juge et il dicte ses volontés et le notaire ou le juge transcrit. Il y a aussi le testament holographe qui est entièrement rédigé de la main du testateur et signé par lui, et enfin le testament mystique est rédigé et scellé par le testateur et dont le contenu n’est révélé qu’à son décès. Il faut noter que le testament n’a aucune valeur, du vivant de son auteur. Le testament n’acquiert valeur et force exécutoire qu’à compter du décès. Bien souvent, on a tendance à croire que ce sont des personnes lettrées ou aisées qui ont recours au testament. Mais dans bien de cas, il y a des personnes de classe moyenne, même illettrées, qui viennent vers les notaires, pour se faire établir des testaments. Il y a aussi ceux issus de familles polygames ou qui ont des enfants un peu difficiles qui le font. Au Burkina, les testaments concernent surtout le patrimoine immobilier alors que ça ne se limite pas à cela.

Combien de temps après le décès le testament est-il livré ?

En principe le testament doit être ouvert au jour du décès. Si le décès a lieu et que les circonstances sont connues, avant même l’enterrement il faut lire le testament. Il y a des fois des dispositions concernant les rituels de l’enterrement, la préparation du corps, le lieu de l’enterrement, sont dans le testament. Donc si on enterre avant de lire le testament, naturellement cela ne sert pas. C’est pourquoi quand le testament est fait devant notaire, ce qui est d’ailleurs recommandé, celui-ci délivre un certificat de dépôt de testament à l’intéressé qui peut soit le classer parmi ses documents soit le remettre à ses héritiers et leur dire auprès de quel notaire il l’a déposé. Donc le jour du décès, les enfants vont appeler le notaire, pour qu’il vienne lire le testament en présence de tous.

Est-ce que la rédaction du testament nécessite la présence d’un témoin ?

Pas obligatoirement, seulement dans certaines circonstances. Si par exemple l’intéressé ne sait pas lire et écrire, il faut la présence de témoins pour attester qu’il s’agit bien de lui et que les déclarations qui y sont consacrées sont bien de lui.

Est-ce qu’il arrive que la famille du défunt ne soit pas au courant du fait qu’il a laissé un testament ?

Cela arrive bien souvent parce que malheureusement en Afrique et plus particulièrement au Burkina, les gens ont peur de la mort. Ils évitent donc de poser des actes qui sont en rapport avec la mort, parce que parler de testament suppose déjà qu’on est en train de préparer la mort. Et les gens n’aiment même pas entendre parler de la mort. Il y en a aussi qui, en fonction des dispositions testamentaires, craignent que leurs ayants droit puissent porter atteinte à leur vie. Donc, il y en a qui font un testament et qui le cachent. Dans ce cas si la famille n’est pas au courant qu’il y a un testament, c’est souvent par coup de chance que le notaire est informé du décès et approche la famille pour lui porter l’information et procéder à la lecture du testament qui était déposé chez lui. Dans le cas contraire, les choses vont rester ainsi. Aussi, pour ce qui concerne les testaments déposés chez le notaire, pour une personne qui avait par exemple 80 ans, si 20 ans plus tard si la personne n’est plus revenue, on suppose que la personne aura 100 ans. Le notaire peut sur cette base, essayer de se rapprocher de sa famille pour voir si elle est encore vivante. Et si ce n’est pas le cas, procéder à la lecture du testament. Sinon bien souvent, les gens font des testaments mais ils cachent les certificats de dépôt et les choses restent telles après leur décès.

Est-ce que de plus en plus les Burkinabè adhèrent à l’idée de faire un testament pour y inscrire leurs dernières volontés ?

De plus en plus, les gens commencent à comprendre qu’il est important de gérer les questions relatives à leur succession, leur patrimoine de leur vivant, plutôt que d’attendre que les choses se règlent d’elles-mêmes. Il faut préciser que même en l’absence de testament, la loi a prévu des mécanismes de gestion des questions successorales ainsi que les degrés des personnes qui peuvent succéder et celles qui ne le peuvent pas. Donc qu’il y ait testament ou pas, cela n’empêche pas que la succession soit dévolue. Mais de plus en plus, les gens font recours aux notaires pour rédiger des testaments, qui pour sauvegarder des biens, qui pour donner la manière dont les biens doivent être partagés.

On peut donc dire que le testament permet d’éviter les problèmes liés à la succession ?

En principe, c’est ce que le testament est censé faire. Mais dans certains cas, il y a des testaments qui créent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent. Il y a des personnes qui, par un coup de tête ou du fait d’un ressentiment qu’elles ont eu de leur vivant, vont prendre des dispositions dans leur testament pour par exemple déshériter certains enfants au profit d’autres ou carrément faire des répartitions disproportionnées de leurs biens. Il va sans dire que ces testaments-là seront remis en cause.

Il est donc possible de remettre en cause un testament ?

Oui ! Si certains enfants qui s’estiment lésés, ne sont pas d’accord pour ce que leur défunt parent a dit, ils vont saisir le juge qui va aussi regarder à la lumière de la loi si le testament doit être appliqué ou annulé. Un héritier peut remettre en cause un testament. Et certains héritiers peuvent remettre en cause des dispositions du testament. S’il se trouve par exemple que le testament donne tous les biens à une personne donnée au détriment des autres, en excédant ce que l’on appelle la réserve héréditaire, les héritiers peuvent demander au juge d’annuler le testament. Et dans ce cas, le testament ne sera pas appliqué. La latitude est laissée au testateur de disposer dans son testament comme il l’entend, mais sans pour autant dépasser certaines limites imposées par la loi. Egalement, si le testateur lègue tous ses biens par exemple à une œuvre de bienfaisance sans rien laisser à ses héritiers, ceux-ci peuvent remettre en cause le testament car il touche à la réserve héréditaire. Il y a une quotité que l’on ne peut pas dépasser dans la cession de ses biens.

Existe-t-il des cas où des héritiers peuvent être exclus du testament ?

La loi dispose que si une personne a essayé d’altérer le testament, elle peut être déchue du droit de succéder. Aussi, si une personne a porté un coup mortel au testateur pour précipiter son décès et avoir rapidement sa part d’héritage, elle peut être déchue du droit de succéder.

Un dernier mot ?

Il serait intéressant que les gens aient de plus en plus recours aux notaires, qui sont des conseils avertis en matière de rédaction de testaments. Parce que dans les cas où c’est le testateur lui-même qui écrit le testament, il peut insérer des dispositions qui ne sont pas applicables du point de vue de la loi. Il faut donc approcher les notaires pour avoir des conseils avisés et être sûr que son testament est préservé et qu’il ne sera pas contesté. Un testament fait devant un notaire, a valeur authentique. C’est dire que le testament va jouir de la double présomption de légalité et d’exactitude de son contenu. Mais quand le testament est rédigé de la main du testateur, vous allez trouver qu’à son décès s’il y a des dispositions qui ne plaisent pas à certains, les contestations ne vont pas manquer. Nous sommes en train de travailler au niveau de l’Ordre des notaires, pour avoir un registre centralisé des testaments et des dernières volontés. En cas de décès, toute personne pourra s’adresser à l’ordre pour chercher à savoir si le défunt avait laissé un testament ou pas.

Interview réalisée par Armelle Ouédraogo
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