Actualités :: Burkina Faso : Kotim Ouédraogo, une héroïne de l’éducation en temps de crise

Depuis treize ans maintenant, Kotim Ouédraogo est enseignante dans la commune de Ouindigui, dans la province du Lorum. Pendant les cinq dernières années, l’enseignante a bravé les menaces des hommes armés non identifiés pour vivre sa passion. Cependant, le 22 janvier 2021, une attaque terroriste féroce a contraint la population, y compris dame Ouédraogo, à déguerpir, laissant derrière elle des corps sans vie. Malgré les nouvelles conditions d’enseignement difficiles, cette héroïne de l’enseignement a quand même réalisé un taux de succès de 100% avec ses différentes promotions au Certificat d’études primaires. Dame Ouédraogo, à travers cette interview, revient sur les raisons qui l’ont poussé à se lancer dans cette aventure avec des enfants déplacés internes et sur leurs conditions de travail.

Lefaso.net : Pourquoi vous êtes-vous lancée dans cette aventure avec les enfants ?

Kotim Ouédraogo : Je me suis lancée dans cette aventure par amour pour ces enfants. Je ne pouvais pas les laisser dans la nature. Je les voyais comme mes propres enfants. J’ai risqué ma vie pour eux et s’ils ne terminaient pas l’année, mes efforts seraient vains. C’est ce qui a fait que je ne pouvais pas rester les bras croisés. J’ai donc trouvé un local pour eux et ce local servait à la fois de classe, de réfectoire et de dortoir. Les abandonner dans la nature ne fera pas avancer notre très chère patrie le Burkina Faso. Que deviendra notre pays après cette guerre ?

Il faudrait mener cette guerre sur plusieurs plans pour que notre pays reste debout et ne soit pas en retard dans le développement. Ces enfants, dont certains ont perdu leurs parents et qui n’ont même pas pu faire le deuil, n’avaient plus espoir, certains se sont retrouvés sans un minimum pour vivre (maisons, vivres, bétail ...). Et c’était comme si la terre s’était écroulée sur nos têtes, mais je devais me réconforter, vaincre toutes les douleurs que je ressentais et trouver une solution pour ces innocents.

Comment les élèves et vous êtes parvenus à vous adapter à votre nouvelle vie ?

Nous sommes arrivés à nous adapter à cette nouvelle vie car ma famille, mes supérieurs, le directeur de l’Association d’aide aux enfants et aux familles démunies (ADEFAD), les ressortissants, les organisations non gouvernementales, les associations, les amis proches, étaient toujours à mes côtés, toujours prêts à me soutenir. Et à mon tour, je sensibilisais les enfants, les conseillais, leur donnais l’amour dont ils avaient besoin, je suis toujours prête à tout faire pour eux et tous les enfants. Je reste toujours à leurs côtés, ouverte à eux, très engagée et déterminée pour cette cause noble. Ce qui a amené les enfants à m’écouter, à travailler dur pour aboutir à d’excellents résultats en fin d’année.

Quelles méthodes pédagogiques avez-vous utilisées pour aider les enfants à réussir ?

Cette année, l’effectif de tout le site est à peu près 8 000 élèves déplacés internes répartis dans treize classes dont six CP1, trois CP2. Et du CE1 au CM2, c’était une classe chacune dont je suis la responsable. Pour ce qui est du CM2, il y a au total 74 candidats au CEP dont 50 filles et 24 garçons. Dès l’évaluation du premier trimestre, tous mes élèves avaient la moyenne ainsi qu’aux deux autres dernières évaluations.

Le respect de la méthodologie de chaque discipline, mettre l’enfant au centre des apprentissages, rester un guide, travailler avec tous les élèves sans distinction, former des travaux de groupes qui consistent à mettre ensemble les forts, les moyens et les faibles, le tutorat (laisser les faibles choisir avec qui ils pourront apprendre leurs leçons et traiter les exercices de maison), multiplier les exercices ont été mes méthodes pédagogiques. J’avais toujours des heures supplémentaires. Au plus tard à six heures du matin, je suis en classe pour mettre des exercices pendant que les enfants sont dans la cour en groupes en train d’apprendre leurs leçons et le soir nous reprenons les cours à 13h40-14h jusqu’à 17h20 environ. Du lundi au dimanche, nous travaillons, sauf le dimanche soir. Mon souci n’est pas seulement qu’ils réussissent à l’examen mais pour qu’ils aient un bon niveau au collège.

D’où est-ce que vous puisez votre force ?

Je pense que je n’ai pas de force mais plutôt un engagement. Depuis que je suis engagée dans l’enseignement, je me bats toujours pour mes élèves. Mais avec ces temps de guerre, j’ai compris que je devais faire plus de sacrifices, montrer plus de dévouement pour que le Burkina Faso reste toujours debout. Qui le fera si nous, enseignants et enseignantes, ne le faisons pas ?

Quels sont vos plus grands rêves ou projets ?

D’abord je souhaite que Dieu Tout-Puissant protège, fortifie et donne longue vie au capitaine Ibrahim Traoré, chef de l’État burkinabè et à tous les membres du gouvernement, ainsi qu’à nos Forces de défense et de sécurité (FDS, Volontaires pour la défense de la patrie) et à tous ceux qui œuvrent pour le retour de la paix. Aussi, j’aimerais que ces enfants puissent réussir et soient utiles à la nation et au monde entier. Je demande à nos autorités et à toutes les bonnes volontés de continuer à soutenir, à encourager les enseignants et élèves déplacés internes car nous travaillons dans des conditions très difficiles.

Je remercie beaucoup le chef de l’État burkinabè, le ministre de l’éducation nationale, tous les membres du gouvernement, le gouverneur de la région du Nord, le député de la région du Nord à l’ALT, le directeur régional du Nord, le directeur provincial du Lorum, le CCEB de Ouindigui, nos encadreurs, les chargés de mission au compte de notre région, les collègues enseignants et enseignantes, les parents d’élèves, tous les mouvements et associations qui soutiennent le gouvernement, les ONG et tous ceux dont je n’ai pu citer les noms ainsi que ceux qui n’ont ménagé aucun effort pour ces résultats engrangés.

Je reconnais que ce n’était pas facile mais c’est grâce à eux qu’on parle de succès de nos élèves déplacés internes. Je ne pourrai pas donner des conseils aux collègues enseignants qui travaillent dans des contextes similaires. Mais plutôt je les félicite, les encourage pour le travail abattu. Grâce à leur engagement, leur esprit d’entraide, leur dévouement, leur tolérance, leur amour pour les enfants, les enfants victimes de guerre ne ramassent pas de sachets dans les poubelles et ne sont pas exposés à des accidents et maladies.

Interview réalisée en ligne par Hanifa Koussoubé
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