« Le Burkina est considéré comme un eldorado pour l’industrie du tabac » (OSC africaines de lutte contre le tabagisme)Chaque 31 mai, la communauté internationale commémore la Journée mondiale sans tabac. Cette année, c’est sous le thème « Tabac et cardiopathies » ou « Tabac et maladies cardiaques » que les acteurs se sont mobilisés et ce, dans un contexte où l’Afrique est vue comme un « continent menacé ». Pour l’occasion, nous vous proposons les regards de leaders d’Organisations de la société civile (OSC) africaine ayant pris part à la XVIIe Conférence mondiale sur le « Tabac ou la santé » tenue du 7 au 9 mars 2018 à Cape-Town, en Afrique du Sud (http://lefaso.net/spip.php?article82318). Selon le secrétaire exécutif de l’Alliance pour le contrôle du tabac en Afrique (ACTA, http://atca-africa.org/fr/), Deowan Mohee, il y a un grand effort déployé par l’industrie du tabac pour faire augmenter la consommation du tabac dans les pays africains. « L’industrie du tabac a développé une stratégie pour atteindre ses objectifs, étant donné que dans les pays développés, la consommation du tabac à tendance à baisser. L’industrie, qui est consciente que la baisse au niveau des pays développés va jouer sur ses chiffres d’affaires, se tourne vers de nouveaux pays, les pays africains (on parle toujours de l’industrie, parce qu’elle est le vecteur de l’épidémie). C’est pour cela vous constaterez que tout l’effort actuellement de l’industrie du tabac, c’est de faire augmenter la consommation sur le continent africain et la jeunesse est la cible principale », explique en substance, Deowan Mohee. Cette « conquête » se fait par des moyens subtils tels la vente en détails de la cigarette, l’envahissement des alentours des écoles, les publicités masquées (enquête menée en février 2017 dans plusieurs capitales africaines dont Ouagadougou). « C’est intentionnellement fait par l’industrie du tabac pour cibler les jeunes. Il y a un gros risque que si nous ne prenons pas de mesures dès maintenant, il y aura une augmentation de la prévalence et des maladies liées au tabagisme. Dr Francis Boli de la société civile ivoirienne de lutte antitabac, qui a fait une « cartographie de l’industrie du tabac en Côte d’Ivoire », déplore que la firme veuille surfer sur l’employabilité pour justifier ses activités sur le continent. « Toutes les industries de tabac en Côte d’Ivoire réunies emploient à peine 575 personnes. La chaîne du tabac ne procure pas d’emplois comme on tente de nous le faire croire. Ce sont des arguments fallacieux. (...). Même son de cloche chez Yaya Sidjim, coordonnateur du programme de lutte contre le tabac de l’Association de défense des droits des consommateurs (ADC) du Tchad. Pour qui, lutter contre le tabagisme, c’est faire de la prévention sanitaire. Qualifiant le tabagisme de « sérieux danger pour la population », il requiert une maximisation sur les actions de sensibilisation, de conscientisation et de plaidoyer. « Le Tchad a connu de nombreuses avancées, dont la ratification de conventions internationales et l’adoption de lois anti-tabac. Pour sa part, Salif Nikiéma, coordonnateur de l’association Afrique contre le tabac (ACONTA, créée en 2001) estime que « le combat contre le tabagisme est une lutte rude ». Au Burkina, ce sont 4 800 décès qui sont enregistrés par an du fait du tabac (chiffres de l’OMS). « Face à ce chiffre, il n’y a autre chose à faire que de lutter et de persévérer dans la lutte », interpelle une fois de plus M. Nikiéma. Au Burkina, un état des lieux des OSC de lutte contre le tabagisme fait ressortir qu’à ce jour, plus de douze agréments ont été accordés par le ministère du Commerce pour faire entrer le tabac. « Pendant ce temps, sur le plan de la protection des populations, rien n’est fait. Alors qu’au Sénégal par exemple, les choses sont claires : si vous êtes une industrie de tabac, soit vous appliquez la loi soit vous partez. Alors que le Burkina est considéré comme un eldorado, un cendrier pour l’industrie du tabac », révèle Salif Nikiéma. De l’avis du coordonnateur d’ACONTA, dans un contexte où les conditions de vie des populations sont précaires et de plateau technique sanitaire pauvre, il faut mettre l’accent sur la prévention. C’est pourquoi, si M. Nikiéma dit saluer l’adoption de certains textes, il s’interroge également pourquoi les dirigeants n’instruisent-ils pas l’industrie du tabac à l’application de ceux-ci. « Le Tchad par exemple, où il y a une usine de production du tabac, on a mis des images sur les paquets de cigarettes, mais l’industrie continue de fonctionner. Pareil en Europe. Ce n’est pas seulement au Burkina Faso que l’usine de fabrique de tabac va se fermer, si on met des images sur les paquets de cigarettes. La MABUCIG (Manufacture burkinabè de cigarettes) appartient à Imperial Tobacco, qui est aussi présente au Tchad et met les images sur les paquets de cigarettes au Tchad. Il appelle donc à des actions vigoureuses contre le tabagisme qui, non seulement, viole le cadre scolaire (exposant les tout-petits), mais constitue également une porte d’entrée pour la drogue dans le milieu jeunes. Le tabac est aussi source de maladies non-transmissibles (hypertensions artérielles, cancers, maladies respiratoires, diabète, etc.) qui sont en train de gagner du terrain au Burkina. Lefaso.net |
Vos commentaires
1. Le 1er juin 2018 à 15:35, par Alouna K En réponse à : « Le Burkina est considéré comme un eldorado pour l’industrie du tabac » (OSC africaines de lutte contre le tabagisme)
Bonjour
Est-ce que Imperial Tobacco / MABUCIG est seule à commercialiser du tabac au Burkina Faso ?
Toutes les cigarettes que nous trouvons sur nos marchés sont-elles de la MABUCIG ?
En ne se focalisant que sur les activités de MABUCIG, ne risque-t-on pas de paraitre partial ? L’article dit bien que 12 ou plus agrément ont été octroyés. Par qui ? A qui ?
Aucune des marques qui pilulent sur nos marchés et dans nos boutiques ne comporte d’avertissement sanitaire et ne sont pas toutes commercialisées par MABUCIG.
Donc si l’Etat est défié, il ne l’est pas que par MABUCIG.
Des marques internationales sont distribuées par de puissants hommes d’affaires et commercants locaux.
Defient-ils l’Etat en n’apposant pas de marquages sanitaires sur les paquets ?
Il y a une pléthore de marques sur le marché, aux origines inconnues, impossibles à tracer.
Il faut energiquement combattre le tabagisme, mais il ne faut pas être partial dans ce domaine.