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Le comité intersyndical des magistrats dénonce une grave atteinte à l’indépendance de la justice

mercredi 11 mai 2016.

 

Dans la déclaration ci-après, le comité intersyndical des magistrats s’insurge contre la double décision de la Cour de cassation, le même jour, sur la question de la régularité des mandats d’arrêts émis dans le cadre du coup d’Etat de septembre 2015. Par ailleurs, l’intersyndical exige l’annulation pure et simple de la décision mettant fin aux fonctions du juge civil délégué au Tribunal militaire et à celles du Commissaire du gouvernement près ledit Tribunal.

DECLARATION DU COMITE INTERSYNDICAL DES MAGISTRATS

Le 28 avril 2016, saisie d’un pourvoi relatif à la régularité querellée de mandats d’arrêts émis par la justice militaire dans le cadre de la procédure du putsch de septembre 2015, la Cour de cassation a rendu dans la matinée une décision de rejet qui a été lue publiquement. Curieusement, au cours de la même journée, elle est revenue dans des conditions non encore élucidées, sur sa décision pour dire que le pourvoi était fondé et les mandats querellés annulés.

Il ne serait jamais venu à l’esprit du comité intersyndical des magistrats d’oser exprimer des inquiétudes si la Cour de cassation s’en était tenue à une seule décision. Peu importe son contenu et sa propre appréciation, le comité intersyndical des magistrats aurait demandé aux uns et aux autres de s’y conformer.

Mais la situation telle qu’elle s’est passée est inconcevable et inadmissible pour tout juge, et venant de certains de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire du pays, elle l’est davantage.

Le comité intersyndical a alors, par correspondance déposée le 06 mai 2016, sollicité du Ministre de tutelle la saisine diligente de l’inspection des services judiciaires pour situer l’étendue des responsabilités et transmettre immédiatement le dossier au Conseil de discipline afin qu’il puisse envoyer un message fort à ceux qui seraient inaptes à assumer l’indépendance tant chèrement acquise. Le comité intersyndical reste convaincu que si les actes se conforment aux paroles à tous les niveaux, l’enquête sollicitée ne devrait pas prendre plus d’une semaine au regard de la très grande simplicité de la configuration de la situation.

Après le dépôt de la correspondance sus visée et comme si la première situation n’avait pas suffi, le comité intersyndical des magistrats a appris qu’il avait été mis fin aux fonctions du juge civil délégué au Tribunal militaire dans le cadre du dossier du putsch et à celles du Commissaire du gouvernement près ledit Tribunal. Immédiatement après, certains ont essayé de justifier cette décision par « l’incompétence des premiers juges » en se référant à la décision d’annulation des mandats.

Le comité intersyndical des magistrats tient à souligner que les circonstances dans lesquelles la décision d’annulation est intervenue n’admettent pas à s’y référer pour conclure à une quelconque incompétence des premiers juges. La situation d’annulation qui semble avoir été créée à tout prix à cette fin apparaît manifestement et malheureusement pour ses auteurs et pour les raisons plus haut spécifiées, inapte à la justification qu’on veut lui assigner.

Au regard du fait que la décision mettant fin aux fonctions de certains magistrats au Tribunal militaire ne saurait, suivant les éléments croisés, constituer autre chose qu’une atteinte grave à l’indépendance de la justice et une injonction, voire une menace voilée aux autres qui viendraient à connaître du dossier d’avoir à se soumettre à la volonté du pouvoir politique pour la suite de la procédure, le comité intersyndical des magistrats :

1)- Condamne avec fermeté cette grave atteinte à l’indépendance de la justice qui devrait relever d’une autre époque ;

2)- Exige :
 l’annulation pure et simple de la décision mettant fin aux fonctions du juge civil délégué au Tribunal militaire et à celles du Commissaire du gouvernement près ledit Tribunal. A défaut, le comité intersyndical des magistrats ne sera comptable ni des actions qui lui auront été ainsi imposées ni de leurs conséquences ;
 l’extension à la justice militaire des réformes pour plus d’indépendance récemment faites ou simplement la fusion de celle-ci dans la justice civile pour éviter ce genre de situation.

Ouagadougou, le 11 mai 2016

Le Secrétaire Général du Syndicat des Magistrats du Burkina (SMB)
Christophe COMPAORE

Le Secrétaire Général du Syndicat Burkinabè des Magistrats (SBM)
Moriba TRAORE

Le Secrétaire Général du Syndicat Autonome des
Magistrats du Burkina (SAMAB)
Antoine KABORE



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