Procès des présumés terroristes : L’émouvant témoignage de deux enseignants victimesLEFASO.NET
mardi 10 août 2021.La session de jugement de la chambre correctionnelle du pôle judiciaire spécialisé dans la répression des actes de terrorisme est à son deuxième jour, ce mardi 10 août 2021, au Tribunal de grande instance (TGI) Ouaga II. Pour le troisième dossier, deux victimes (un directeur d’école et une enseignante) se sont constitués en partie civile et ont témoigné. Le 1er mai 2018, jour de la fête du travail. Les enseignants de l’école de Bafina, dans le département de Barsalogho (région du Centre-Nord), se sont retrouvés pour échanger sur la vie de leur métier. Une bonne ambiance. Loin de s’imaginer que le lendemain allait être un cauchemar pour eux. Dans la nuit du 2 mai, le directeur de cette école, A.D, entend un bruit de plusieurs motocyclettes. Il se précipite pour regarder à travers sa fenêtre. Ce sont des hommes en tenue. A.D a pensé que c’était des Forces de défense et de sécurité (FDS). Un instant, il a aperçu un drapeau noir avec des écritures en arabe de couleur blanche. Il s’est rendu compte que ce n’est pas de la « bonne visite ». De confession musulmane, A.D sort avec l’index droit levé vers le ciel et récite un verset du Coran. « Nous sommes tous venus de Dieu et vers lui nous retournerons », a-t-il résumé devant le tribunal. Il a également indiqué avoir ajouté une sourate de protection. Un des six assaillants lui a ordonné de se coucher à plat le ventre avant qu’un autre puisse lui bander le visage. Pendant ce temps, un autre lui demande où se trouvait ses biens (moto et argent). Les assaillants l’ont conduit dans sa maison. A la question de savoir s’il possédait une arme, A.D dit avoir répondu par la négative. En ce moment, il s’aperçoit que sa maison a été retournée par « ses visiteurs » d’un instant. Il a été ramené dans la cour et est sommé de se coucher à nouveau sur son ventre. Moment d’émotion Alors que A.D est couché, il entend les assaillants parler de feu et d’essence. Un silence règne et fait place à une odeur d’incendie. « J’ai pris mon courage pour soulever la tête et je me suis rendu compte qu’ils sont partis. C’est ma maison qui est en train de brûler », relate le directeur de l’école. Il se ressaisit un instant et poursuit. « Tout a été incendié. Tous mes documents ont été incendiés, même les extraits d’acte de naissance des élèves », a-t-il affirmé. A la barre, il a fait savoir que ce qui lui restait, c’était l’habit qu’il portait. L’un des assaillants a pris sa moto. Et de conclure : « Ce que je peux dire : ils sont là, ils peuvent me contredire ». L’Etat n’a rien fait… C.B est une enseignante, une collaboratrice de A.D. Leurs maisons sont côte à côte. Un bruit l’a réveillée et elle a cru que c’était des passants. Elle décide de se coucher à nouveau mais le ton s’est élevé. Elle ouvre sa fenêtre et comprend mieux la scène. « J’ai pris ma croix et j’ai commencé à prier Jésus », a-t-elle relaté. C.B n’a pas connu le même sort de A.D. Un assaillant s’est dirigé vers sa maison. L’individu lui rappelle l’interdiction d’enseigner les enfants en français en lieu et place de l’arabe. Il a pris sa motocyclette, son téléphone portable et une somme d’argent moins de 5000 francs CFA. « J’étais à moitié nue », a-t-elle notifié. A la barre, au moment de la réclamation, A.D a déploré le fait que son « employeur, l’Etat » n’ait pas cherché à le prendre en charge sur le plan « psychique ». Il se dit traumatisé jusqu’à présent, car un bruit peut lui rappeler ce douloureux événement. Il a réclamé 200 000 francs CFA pour son accompagnement psychique et plus de 4 000 000 FCFA comme dédommagement. Quant à C.B, elle a réclamé la somme de 690 000 FCFA pour sa motocyclette, 8000 pour le téléphone, 50 000 pour les soins et 500 000 pour le prêt bancaire qu’elle a contracté afin de se procurer un nouveau moyen de déplacement. Cryspin Laoundiki Vos réactions (4) |