Actualités :: Modification du code électoral : Me Paul Kéré dénonce un coup d’Etat contre la (...)

Modification de la loi électorale n°014-2001/AN du 03 juillet 2001 (pour soi-disant tenir compte du contexte sécuritaire) par la loi du 25 août 2020 : Un coup d’Etat électoral contre la démocratie et la Constitution burkinabè

Au moment où la campagne électorale vient de s’ouvrir au Burkina Faso offrant derechef un terrain propice aux joutes électorales, force est de constater que l’Assemblée nationale burkinabè a voté le 25 août 2020 une loi portant modification de la loi Nº 014-2001/AN du 03 juillet 2001 portant Code électoral pour soit disant tenir compte du contexte sécuritaire. Afin de mesurer l’absurdité d’une majorité « bête et méchante », et de voir à quel point la règle de la majorité démocratique peut être gravement galvaudée, pervertie, sur les 120 votants, 9 députés seulement ont voté contre, 4 se sont abstenus et donc 107 députés ont osé voter cette loi en se glosant.

C’est le président du Faso « himself », Monsieur Rock Marc Christian Kaboré qui a initié le 17 avril 2020 une rencontre tripartite entre l’opposition politique, la CENI d’Ahmed Newton Barry et l’Alliance pour la majorité présidentielle sur les échéances électorales pour retenir finalement la date du 22 novembre 2020 pour la tenue des élections législatives et présidentielle.

S’agissant de l’organisation des deux scrutins (législatives et présidentielle), le gouvernement burkinabè a introduit des dispositions inacceptables par tous démocrates et patriotes burkinabè dans le Code électoral, 23 articles et paragraphes modificatifs de la loi N°014-2001/AN du 03 juillet 2001 portant code électoral.
Ces différentes modifications portent, entre autres, sur les démembrements de la CENI à l’extérieur, la prise en compte des cas de force majeure dans l’organisation des élections, la révision de la liste électorale, l’harmonisation de la durée de la campagne électorale pour la présidentielle et les législatives.

A l’issue du débat général, les députés ont finalement adopté cette loi.
Cependant, à y regarder de près, cette loi, à l’instar de la loi Shérif sous la Transition, est une loi d’exclusion. Et pour cause :

En votant cette loi, les députés, pourtant élus du peuple, ont ainsi exclu une bonne partie des populations du processus de désignation de leurs légitimes représentants. En effet, les députés qui sont issus des zones à forte menace terroriste vont se retrouver doublement pénalisés, non seulement par cette menace terroriste, mais également par cette forme discriminatoire qui consiste à remettre en cause le caractère universel du suffrage, mais surtout de l’inaliénabilité de la démocratie, toute chose concourant à porter atteinte à l’égalité de tous les citoyens burkinabè dans le droit de vote. Ainsi donc, le MPP aura réussi l’exploit d’embarquer sa propre opposition politique dans une affaire où il ne jure que par le coup K.O., un second tour ne lui offrant aucune chance de réélection de son futur candidat malheureux qui n’aura pas réussi un second mandat légal.

Ecrivons peu et bien et surtout dans la légalité constitutionnelle : En effet, alors que l’article 1er de la Constitution burkinabè proclame que « Tous les Burkinabè naissent libres et égaux en droits »

Que « Tous ont une égale vocation à jouir de tous les droits et de toutes les libertés garantis par la présente Constitution ».

Et que « Les discriminations de toutes sortes, notamment celles fondées sur la race, l’ethnie, la région, la couleur, le sexe, la langue, la religion, la caste, les opinions politiques, la fortune et la naissance, sont prohibées », voilà qu’une frange importante de notre peuple sera privée de son droit de vote.

Mais au-delà de cette discrimination coupable du MPP et son soit disant « consensus », il faut simplement rappeler que l’article 23 alinéa 5 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance adoptée le 30 janvier 2007, ratifiée par le Burkina Faso le 26 mai 2010 et entrée en vigueur le 15 février 2012 sanctionne comme « changement anticonstitutionnel de gouvernement », « tout amendement ou toute révision des Constitutions ou des instruments juridiques qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique ».

Par ailleurs, l’article 1 C du Protocole de la CEDEAO sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance, adopté le 21 décembre 2001, stipule que « tout changement anti- constitutionnel est interdit de même que tout mode non démocratique d’accession ou de maintien au pouvoir ».

Ne serait-ce que ces deux dispositions, on peut facilement comprendre que l’adoption de la loi du 25 août 2020 pose, à y regarder de près, beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en résout. Cette loi de circonstances discriminatoire et sectaire, est problématique parce qu’il y a manifestement une indiscutable contrariété entre cette nouvelle loi et les dispositions conventionnelles internationales et communautaires régulièrement ratifiées par notre pays. Dans cette contrariété évidente, les dispositions de droit international doivent nécessairement primer sur les dispositions législatives internes burkinabè.

Il en est ainsi parce que notre pays, le Burkina Faso est un Etat moniste où le droit international jouit en principe non seulement dune validité immédiate, mais dune primauté. C’est la raison pour laquelle, la Cour de Justice de l’UEMOA, qui siège à Ouagadougou et dont la jurisprudence vaut pour le Burkina Faso, a précisé dans un avis N° 001/2003 du 18 mars 2003 qu’en cas de contrariété entre le droit communautaire et le droit national « La primauté bénéficie à toutes les normes communautaires, primaires comme dérivées, immédiatement applicables ou non, et s’exerce à l’encontre de toutes les normes nationales administratives, législatives, juridictionnelles et, même constitutionnelles parce que l’ordre juridique communautaire l’emporte dans son intégralité sur les ordres juridiques nationaux » .

Ce qui signifie en langage simple qu’adopter cette loi est contraire au droit international africain et au droit communautaire CEDEAO notamment, et le Burkina Faso s’expose naturellement aux sanctions des entités pertinentes. C’est pourquoi on peut considérer, à l’instar du député courageux et légaliste (le député-maire de Dori, Aziz Diallo, Ndlr), que cette loi du 25 août 2020 « est un coup d’Etat contre la démocratie et la cohésion sociale. Je suis resté sur ma position malgré les explications du gouvernement.

Pour moi, ce projet de loi n’est pas de nature à renforcer la cohésion sociale et la démocratie dans notre pays. C’est pour ces raisons qu’en âme et conscience, j’ai décidé de voter contre ce texte. Aujourd’hui, on nous demande d’entériner le fait que des centaines de milliers de Burkinabè ne vont pas voter et pourtant on les considère comme des Burkinabè », a-t-il souligné.

Ce qui constitue un énième camouflet de la part du MPP qui a fini de nous démontrer tout au long de ce quinquennat chaotique les limites de sa gouvernance politique. Le dire en cette période électorale est l’expression primaire de l’article 8 de la Constitution dont il convient d’espérer qu’aucune loi ne pourra la remettre en cause. Encore heureux !

Paul KÉRÉ, Avocat

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