Actualités :: Tentative présumé de putsch : Blaise entre le marteau et l’enclume depuis (...)

"Le militaire est un civil en tenue et le civil est un militaire en permission", avait-on coutume de dire sous la Révolution démocratique et populaire (RDP) que dirigeait le Conseil national de la révolution (CNR) présidé par le capitaine Thomas Sankara.

En d’autres circonstances nous avons relevé le caractère spécieux de cette formule en ce qu’elle était un parfait artifice idéologique, destiné à masquer la réalité selon laquelle, le pouvoir était détenu par les militaires. De bras armé chargé de la défense de la révolution les forces de défense avaient fini par transformer le peuple, les intellectuels, les ouvriers... en bras civil de l’institution militaire. C’est pourquoi les différends entre chefs militaires se transformaient automatiquement en crise (au sommet de l’Etat) dont l’issue était toujours tragique. Alors que les différends entre chefs de groupuscules communistes, même s’ils pouvaient impliquer des militaires, étaient moins violents.

Aujourd’hui encore soit une douzaine d’années après l’adoption de la Constitution de la IVe République qui consacre l’Etat de droit et qui constitue autant d’expériences que nous devrions capitaliser, le spectre de l’Etat d’exception hante encore les allées du pouvoir si l’on s’en tient au complot dont a fait état le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire Abdoulaye Barry.

Que ce complot soit une véritable machination pour se débarrasser de personnes devenues gênantes eu égard à la basse besogne qu’elles ont accomplie alors qu’elles étaient membres du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), ou compte tenu de ce qu’elles savent pour avoir servi au Conseil de l’entente, ou que ce soit un fait dont les éléments de l’enquête établiront la réalité, une chose est sûre : l’enfant de Ziniaré, pour terrible qu’il soit, ne dort que d’un œil ; pourquoi ?

Eh bien en plus des problèmes quotidiens de santé, d’alimentation, d’éducation, de salaires... des Burkinabè auxquels il lui faut trouver des solutions, il doit veiller à la stabilité de son régime : au début des années 90 on se rappelle que la Coordination des forces démocratiques (CFD) avait donné du fil à retordre à Blaise Compaoré et à son régime, et il s’en est fallu de peu pour que le navire chavire.

En 1996, l’affaire Hyacinthe Kafando accusé avec d’autres éléments de la sécurité présidentielle, de vouloir, attenter à la vie de Blaise Compaoré afin de prendre le pouvoir fut également un moment de frisson pour le président du Faso et les siens. A la différence des mouvements revendicatifs à caractère politique comme la CFD dont les manifestations s’organisent dans un cadre légal et en plein jour, les accusations portées contre Hyacinthe Kafando étaient plus sérieuses et dangereuses pour le régime d’autant que celui-ci était au cœur du pouvoir, se serait à plusieurs reprises vanté d’avoir éliminé Thomas Sankara et d’avoir été en fait celui-là sans lequel Blaise Compaoré ne serait pas là où il est aujourd’hui.

En somme, il aurait été le faiseur de roi qui, finalement, se serait dit qu’il pouvait être roi à la place du roi. Cette conviction se serait d’autant plus renforcée qu’il aurait eu l’impression qu’avec l’Etat de droit le militaire et prétorien régiment de sécurité devait être remplacé par la gendarmerie qui a le double avantage d’être au fait et des questions militaires et des problèmes juridiques.

Pour Hyacinthe Kafando et ses compagnons, les écarter au profit de la gendarmerie ou de tout autre corps, ou encore de toutes autres personnes signifiait la fin des avantages : honneurs, privilèges, "enveloppes" consistantes. Alors, ils se seraient résolus à passer à l’action, motivés par ailleurs par les comptes personnels qu’ils avaient à régler avec le colonel Gilbert Diendéré.

On croyait venue la fin des soucis relatifs à la stabilité du régime Compaoré, mais ne voilà-t-il pas qu’en 1998 survint l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et de ses trois compagnons. S’en suivirent des manifestations organisées par le Collectif de lutte contre l’impunité, qui regroupait des partis politiques, des organisations de défense des droits humains et des syndicats pour réclamer la vérité sur cette affaire et sur tous les crimes de sang et économiques impunis.

Cette crise sociopolitique est celle qui a réellement menacé le régime de Blaise Compaoré depuis 1987. Bien que les problèmes posés n’aient pas pour l’instant trouvé des réponses judiciaires, la tension est retombée grâce aux réformes politiques et institutionnelles concédées par le gouvernement, à la relative transparence des dernières élections législatives et au mode de scrutin qui ont permis à plusieurs formations politiques d’être représentées à l’Assemblée nationale.

Avant que le régime ne finisse de savourer le calme qui prévalait, survient ce complot présumé dont les cerveaux seraient le capitaine Diapagri Luther Ouali et le pasteur Pascal Israël Paré. Une douzaine d’autres personnes seraient impliquées dont la majorité sont d’anciens membres de la sécurité présidentielle mécontents d’avoir été affectés dans d’autres régiments et de constater la "fin des haricots". A l’image du cas de Hyacinthe Kafando, l’une des raisons de la tentation présumée de coup d’Etat est la fin des avantages, le sentiment d’avoir été utilisés tels des papiers mouchoirs, et jetés ensuite dans la poubelle.

Cela étant, ces faits, qui fragilisent les fondements de l’Etat de droit, révèlent une fin de l’Etat d’exception mal gérée : les crises sociopolitiques étant la résultante des crimes commis sous l’Etat d’exception et/ou l’Etat de droit, cela revient à dire que ce dernier n’a pas su donner la réponse qu’il faut au lourd passif en matière de crimes de sang perpétrés sous le Conseil national de la révolution (CNR) et le Front populaire (FP). Cela signifie également que nous sommes entrés dans l’Etat de droit de manière formelle, mais que les comportements ne sont pas toujours conformes aux exigences de la démocratie libérale.

Quant aux tentatives présumées de putsch de 1996 et celle dont il est question aujourd’hui, elles nous enseignent que s’il est vrai que leurs instigateurs présumés sont en retard d’une époque, la hiérarchie militaire donne l’impression de n’avoir pas su gérer ces anciens membres de la sécurité présidentielle.

En effet, si ces derniers ont été "pris et jetés comme ça" dans le premier régiment sans tenir compte de ce qu’ils ont été ou fait et des avantages qui étaient les leurs, leur sentiment est humainement compréhensible même si leur acte (s’ils est avéré) est constitutionnellement condamnable. Et à ces gens, à la différence de la crème du présumé complot, des circonstances atténuantes peuvent être accordées au regard de leur niveau d’instruction.
Il est impossible de quitter l’Etat d’exception et d’entrer de plain-pied dans l’Etat de droit sans traîner avec soi des résidus, mais l’essentiel réside dans la manière dont il faut s’en débarrasser.
Du reste, même au sommet de l’Etat, l’on assiste à des comportements ou à des propos qui sont dignes du sectarisme développé par le mouvement étudiant ou lors des heures chaudes et intolérantes de la RDP. C’est dire que tous les Burkinabè de cette génération en portent plus ou moins les stigmates.

Cela étant, il y a lieu de se demander s’il n’y a pas une relation de cause à effet entre les problèmes de sécurité au sommet de l’Etat et le fait que Blaise Compaoré n’a pas encore quitté le Conseil de l’entente alors qu’il en a l’intention depuis 1991, c’est-à-dire avant même que le collège de sages ne le lui recommande dans son rapport. Dans la même optique n’est-ce pas pour cela que le RSP est toujours composé de militaires (censés être mieux connus) alors qu’il devait être constitué de gendarmes ?

Cela étant, si l’on peut se féliciter de ce que les anciens éléments de la sécurité présidentielle n’ont pas été "balancés" n’importe où et n’importe comment dès les premières années de l’Etat de droit (ce qui aurait pu hypothéquer les fondements de la démocratie naissante), il est urgent de trouver la voie la meilleure et dans un délai raisonnable pour la gestion de ces "légionnaires" qui constituent des menaces permanentes pour nos institutions républicaines.

Zoodnoma Kafando
L’Observateur Paalga

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