Actualités :: Présidentielle au Burkina : « Il faut le changement et l’arrivée d’une (...)

La gouvernance, notamment sécuritaire, est suivie avec une attention soutenue par le Mouvement du 21 avril (M21), une des organisations de la société civile nées pour faire barrage à la modification de l’article 37 de la Constitution par le pouvoir Compaoré. Depuis lors, l’organisation est en alerte sur les questions de gouvernance et de développement. C’est à ce titre que nous avons rencontré son président, Marcel Tankoano. Dans cette interview réalisée le 17 juillet 2020, le premier responsable du M21 est sans concessions sur certains sujets.

Lefaso.net : Depuis la fin de la Transition, et avec la dégradation de la situation sécuritaire, votre organisation semble être permanemment sur le terrain. A ce jour, quel est le sentiment que vous éprouvez après vos sorties dans les zones éprouvées ?

Marcel Tankoano : Le contexte que nous vivons fait que pour nos déplacements nous faisons sans publicité. Nous sommes sur le terrain (et nous ne sommes pas la seule organisation). Mais, je peux vous dire qu’il faut voir, ou vivre certaines situations avec ces populations, pour comprendre la réalité.

Nous faisons le déplacement pour comprendre et parce que notre organisation, ce sont aussi les questions de développement, de santé, d’éducation, etc. Nous avons focalisé nos actions sur les zones difficiles, parce que c’est en ces lieux que se trouvent aujourd’hui les vrais besoins. Je vais me garder ici d’entrer dans une description de la situation et résumer tout simplement : c’est très grave, ce que vivent nos populations.

La vie n’existe plus pour ces milliers de Burkinabè, de femmes, d’enfants, d’hommes. Je dis : ce que ces populations vivent, on ne peut tout dire, au risque même de ne pas nous faire comprendre. Ce d’autant également qu’il y en a qui pensent que, dire la vérité du terrain, c’est exagérer, c’est ne pas aimer son pays, on vous traite à la limite d’apatride. Beaucoup n’aiment pas entendre la réalité, ils croient que le Burkina Faso, c’est seulement Ouagadougou, Bobo-Dioulasso et les localités relativement épargnées.

Ils y vivent tranquillement…, pourvu qu’eux ne vivent pas les difficultés, si ce sont les autres, ce n’est pas grave, ce qu’il se passe ailleurs, ce n’est pas leur problème. Nous qui parlons, ce n’est pas parce qu’on n’aime pas notre pays, au contraire, c’est parce qu’on aime bien notre pays. Nous pensons qu’une nation veut dire que, lorsqu’un de ses habitants souffre, à quel que lieu que ce soit, ce sont tous les membres qui souffrent ; lorsqu’un Burkinabè est fauché à Banfora, celui qui est à Diapaga doit se sentir concerné. Mais, lorsqu’un Burkinabè souffre au Nord et que celui qui est au Sud, à l’Ouest ou au Centre-Sud ne se sent pas concerné, c’est qu’il y a véritablement problème.

Donc, nous disons que ça ne va pas. C’est notre façon aussi d’interpeller les dirigeants afin qu’e semble on sauve des Burkinabè et qu’on préserve l’intégrité du territoire. Si vous vous rendez sur le terrain, vous ne pourriez plus dormir. Des enfants traumatisés, parce qu’ils ont assisté à la décapitation de leurs proches, etc. L’heure est grave. Des gens ne veulent pas qu’on le dise, parce qu’ils pensent que ça va les déranger dans leurs salons feutrés, leur aisance au quotidien. Quelle gloire ?

Lefaso.net : Ne craignez-vous pas des coups en voulant continuellement procéder ainsi ?

Marcel Tankoano : C’est le prix à payer. Nous n’allons pas désarmer pour cela, il faut ce sacrifice pour la patrie. Nous avons vécu des moments difficiles en 2014, puis en 2015, au risque de notre vie. Nous maintenons le cap parce que c’est le pays qui est en jeu. Après notre dernière conférence de presse par exemple, on a eu quelques soucis (je ne vais pas entrer dans les détails), mais tout est rentré dans l’ordre.

Pour tout vous dire, nous recevons des coups et de vrais coups, mais nous tenons, nous n’allons pas abandonner parce que la nation vaut ce sacrifice. Tant qu’il nous restera un souffle, nous allons mener ce combat-là pour le bien du pays, des Burkinabè d’aujourd’hui et de demain.

Lefaso.net : C’est dans cette atmosphère que le Burkina s’apprête à aller aux élections. Etes-vous favorables à la tenue des élections en novembre 2020 ?

Marcel Tankoano : Ma réponse est sans équivoque : allons aux élections. Allons aux élections, parce qu’il nous faut des hommes capables pour faire face à la situation dans notre pays. Aujourd’hui, tout le monde se rend compte qu’entre le discours et la réalité du terrain, il y a un hiatus. Ce qu’on dit dans les discours et ce qui se vit sur le terrain par les populations des zones sous menaces, c’est le jour et la nuit.

Moi, je pense que lorsqu’on fait le choix (on élit) des autorités, ce n’est pas pour qu’elles travaillent à être à l’aise, mais c’est pour qu’elles puissent quand même rendre service, travailler pour ceux qui les ont élues. Le président Roch Marc Christian Kaboré qui a été élu devient le président de tous les Burkinabè ; pas seulement du MPP ou de la majorité. Mieux il a prêté serment. Un serment dans lequel il a juré de protéger la vie de tous les Burkinabè et leurs biens. Mais aujourd’hui, on se rend bien compte que c’est tout le contraire.

Et moi, ce qui me chagrine, c’est parce qu’on ne voit pas ses efforts par rapport à l’ampleur des défis en face. Mais quand tu dis ça, on te parle de routes construites. Personne ne dit que les infrastructures routières ne sont pas bien, mais pour moi, ce qui est prioritaire pour nos populations aujourd’hui, c’est leur vie. Il faut être de mauvaise foi pour ne pas le comprendre. Aujourd’hui, il est quasiment impossible de faire croire à un Burkinabè, surtout à nos parents paysans des localités sous menace, que demain, il vivra. Des morts par-ci, des morts par-là, des déplacés ici, des déplacés là…. C’est horrible.

Donc, la question de tenir ou pas les élections ne doit même plus être d’actialité ; il faut le faire, vaille que vaille. Non seulement la loi fondamentale nous l’impose, mais la situation même l’exige encore plus. Si on ne tient pas les élections, qui va-t-on garder à la tête de l’Etat burkinabè au soir de la fin du mandat de Roch Marc Christian Kaboré ? Il faut forcément aller aux élections, faire le choix des hommes et femmes capables de nous sortir de là où nous sommes. Sinon, si nous devons continuer ainsi, le Burkina va disparaître. Si nous poursuivons ainsi, le pays dont Thomas Sankara avait rêvé en changeant le nom de la Haute-Volta à Burkina Faso ; Burkina Faso qui veut dire pays des hommes intègres, ne le sera que de nom.

Donc, pour garder l’honnêteté, l’intégrité, il nous faut des hommes et des femmes capables qui ont de la vision, de la pitié pour leur prochain, des altruistes, des patriotes qui vont construire le pays et non qui viennent pour se faire un empire de richesses. Aucun pays ne peut prétendre au développement sans sécurité. Notre pays vit des moments difficiles et pour moi, les autorités en place aujourd’hui ne sont pas du tout en phase avec la réalité, ou du moins, ne veulent pas voir la réalité du terrain. Il y a tellement de démagogie développée au sein du gouvernement, au plus haut sommet, pour refuser de faire face à la réalité que c’est regrettable.

Qui peut sauver le Burkina aujourd’hui ? C’est à cette question qu’il faut répondre en allant aux urnes, le 22 novembre 2020. C’est une question de survie pour les Burkinabè. C’est une question de survie pour notre pays. Il nous faut donc impérativement aller aux élections et que les Burkinabè fassent le choix de ceux capables de les sortir des problèmes.

C’est par ce processus que nous pouvons procéder au changement ; parce que nous avons opté pour la démocratie. Regardez la situation de déliquescence de notre pays et observez le comportement de ceux qui nous dirigent, les autorités…

On nous parle d’incivisme, mais la question n’est même plus à là ; c’est même une question de simple bon sens qui se pose aujourd’hui. Le pillage est à ciel ouvert, aux yeux même du président du Faso, qui laisse faire. Donc, vivement les élections et que Dieu nous donne de bons dirigeants à travers nos choix.

Des dirigeants qui pensent à l’orphelin, à la veuve et à toutes ces personnes démunies ; des dirigeants qui vont venir redonner espoir à ces populations pour qui, l’espoir n’est plus permis. Nous voulons des dirigeants qui vont retrousser leurs manches et qui vont aider à repousser les ennemis qui entrent et continuent d’entrer sur le territoire national. Nous avons cela avec des dirigeants comme Idriss Déby du Tchad.

Même si tout le monde dans son pays n’est pas d’accord avec sa gouvernance, au moins, tout le monde sait qu’il y a un dirigeant dans le pays. Mais aujourd’hui, au Burkina, on dirige par les claviers et les réseaux sociaux. Ce n’est pas la réalité de notre pays ; notre réalité est tout autre. Le Burkina est en train de devenir un Viêt-Nam. J’ai suivi le Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (Filippo Grandi) lors de son passage au Burkina, il y a quelques mois (en février 2020, NDLR).

Il a dit que ce qu’il se passe dans notre pays est inadmissible ; il dit que la situation du Burkina est comparable à celle de la Syrie, et pis, du Yémen. Alors que tout le monde sait aujourd’hui que le Yémen est devenu presqu’une jungle. Quand je l’écouté, j’ai versé des larmes. Nous sommes sur le terrain, je peux vous dire que c’est une réalité. La solution aujourd’hui, c’est d’aller aux élections pour choisir des personnes capables.

Lefaso.net : Vous êtes donc d’accord avec ce haut gradé de l’Armée qui disait, au cours d’une conférence publique en début 2020, que les gens en ville ne semblent pas mesurer la triste réalité du terrain ?

Marcel Tankoano : Tout à fait ! J’ai fait le terrain (je viens même de rentrer), il y a des informations qu’on n’ose pas donner. Il y a des situations que nos populations vivent aujourd’hui qu’on ne peut pas qualifier. Nous sommes obligés parfois de nous contenir, au risque de ne pas nous faire comprendre par ceux qui ne comprennent pas que notre pays est en guerre. Je pense que cet officier a même dit peu pour le plus ; c’est-à-dire que c’est plus grave que ce qu’il a dit.

Lefaso.net : C’est dans ce contexte également que la course vers les élections montre des signes interpellateurs (tentatives de fraudes à l’enrôlement, durcissement des discours). Ne faut-il pas craindre que l’enjeu crée finalement une difficulté supplémentaire ?

Marcel Tankoano : Je pense qu’il faut saluer déjà le fait que ceux qui se sont essayés à ces actes l’aient appris à leurs dépens. C’est déjà une bonne chose. Ce sont des anciennes pratiques que des nostalgiques tentent de ramener, oubliant que ça ne marche plus ; les Burkinabè sont désormais aux aguets.

Lefaso.net : La situation actuelle ne suggère-t-elle pas que les autres acteurs, société civile, autorités coutumières et religieuses, se mobilisent et s’impliquent réellement dans le processus par la sensibilisation afin d’éviter un lendemain électoral difficile ?

Marcel Tankoano : Exactement, et c’est la raison également de notre intervention actuellement sur l’ensemble de ces questions qui grossissent le risque. Il appartient aux forces morales, à tout Burkinabè épris de paix, de se lever et de comprendre qu’en Afrique, toute élection est déjà source de conflits. Or, notre pays part aux élections déjà mal en point.

Donc, que tous ceux qui peuvent, se levent et s’investissent dans la sensibilisation, l’information pour des élections apaisées. On observe déjà que les esprits se chauffent. Pour les organisations de la société civile, il faut miser sur la sensibilisation ; faire comprendre qu’une élection, c’est une compétition et qu’il faut faire en sorte que nous parvenions à des résultats acceptés issus d’élections libres et transparentes.

Lefaso.net : Il y a que même au sein de certains partis politiques, on assiste à des querelles de clans ouvertes ou latentes ; ce qui risque de pourrir davantage l’atmosphère ?

Marcel Tankoano : Mon analyse sur cette question est que nous sommes en train d’aller vers un combat générationnel. Il y a les anciens ténors qui rêvent de continuer avec les privilèges d’Etat, qui veulent maintenir leur position ou qui veulent revenir aux affaires. Alors qu’ils ont leurs petits-frères, leurs enfants qui attendent d’arriver aux affaires.

C’est le cas au MPP (où on sent une crise latente) et au sein de l’ancien parti au pouvoir, le CDP, où les mêmes messieurs qui ont travaillé à la chute du pouvoir Compaoré, ces messieurs, dont certains sont en exil et qui refusent même le modèle de réconciliation nationale, sèment des troubles et mettent des bâtons dans les roues de ceux qui dirigent aujourd’hui le parti et qui ont même fait la prison pour le parti (parce que restés fidèles aux idéaux du parti).

Je ne suis pas du CDP, je n’appartiens à aucun parti politique, je fais juste un constat. C’est regrettable. Quand je regarde le CDP, un monsieur comme Eddie Komboïgo, au moment-phare du CDP, il n’était rien ; il ne comptait même pas parmi les vingt premières personnalités du CDP, pour ne pas dire qu’il était un inconnu politique. Aujourd’hui, il a combattu pour un idéal politique, il a fait la prison pour cela, il a repris le CDP dans des conditions difficiles, il s’est investi, de sorte qu’aujourd’hui, c’est un parti qui est revenu sur une bonne base pour aller aux élections.

Mais quand on assiste à des guéguerres par lesquelles, des dinosaures pensent que les autres sont des arrivistes, qu’ils ne connaissent pas la politique, mais attendez, qui est né avec la politique ? On apprend ! Regardez en France, Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir jeune. Mais pourquoi ici, c’est un crime de prétendre arriver aux affaires, quand on est jeune ? Pour revenir au cas du CDP, vous avez des dinosaures qui sont assis, qui manipulent, modifient des lettres qu’ils attribuent au fondateur du parti, Blaise Compaoré. Finalement, les populations ne comprennent plus rien.

Ils doivent arrêter cela ; le pays souffre déjà assez pour qu’ils se battent entre eux. On dit que lorsque la pluie vous bat, il faut éviter de vous battre entre vous. Je regarde également le MPP aujourd’hui, si tu es averti, tu sais tout de suite qu’il y a un malaise. Mais tout cela, parce que ceux qui dirigent aujourd’hui le parti ne veulent pas qu’il y ait une nouvelle génération qui monte. Ils se disent que s’ils laissent les jeunes monter, ils ne savent pas de quoi demain sera ffai ; parce qu’eux, ils sont habitués à cette vie dans les affaires.

Non, qu’ils comprennent que les hommes passent, mais le Burkina reste et restera. Que ceux qui ont goûté aux privilèges de l’Etat comprennent qu’ils doivent laisser la place à d’autres pour construire autant le pays ou même faire mieux qu’eux. Il y a des personnages politiques aujourd’hui aux affaires que nous regardions tout-petits à la télé. Aujourd’hui, nous avons pris de l’âge, ils sont toujours-là, accrochés et même en train de bousculer. Des retraités seniors qui se battent pour garder leur position.

Mais quel message envoie-t-on aux jeunes ? Que veut-on inculquer à la jeunesse par cette façon de faire ? Un homme, devant tes enfants, à un moment, tu les appelles et tu leur dis que tu vas te retirer, voilà le chemin. Tu es consulté quand les enfants ont des problèmes. Qu’on permette à de nouvelles têtes de monter. Que la jeunesse ne soit pas utiliser pour le discours et que lorsque vient le moment du placement, on les marginalise. Non ! Pour moi, nous sommes à un tournant décisif.

Lefaso.net : Ce qui se dit dans certains couloirs est que les jeunes ne sont pas prêts à gérer ; ces ‘’dinosaures’’ penseraient craindre que le pays bascule avec une jeunesse qui n’est pas prête. N’est-ce pas aussi une preuve de patriotisme de leur part ?

Marcel Tankoano : Mais, ce sont ces anciens-là qui font ombrage à la jeunesse ! Le véritable problème est à ce niveau. Regardez tout près de nous en Côte d’Ivoire, on parle de Guillaume Soro ; quand il conduisait la rébellion, il avait 29 ans. Il fut Premier ministre à environ 32 ans. Donc, il faut qu’on permette aux jeunes d’exercer. Comment peut-on demander à un jeune d’avoir de l’expérience quand il ne travaille pas, quand il n’est pas dans l’action.

Donc, ce sont ces mêmes anciens qui font ombrage aux jeunes. Thomas Sankara est arrivé au pouvoir à quel âge ? Même Blaise Compaoré, il a pris le pouvoir à quel âge ? Alors, dire à des gens de quarante ans qu’ils sont enfants…, c’est à quel moment ils vont grandir ? Non, comme Norbert Zongo l’a dit, on ne donne pas le pouvoir, il s’arrache. Je dis donc aux jeunes de se lever et d’arracher le pouvoir.

Si les jeunes ne se lèvent pas, ces anciens-là n’iront pas. Aux jeunes de s’assumer ; un enfant naît, apprend à marcher en tombant et en se relevant. C’est ainsi qu’on grandi. Donc, on ne peut pas continuer avec ceux qui ont fini de vivre. Ils sont arrivés au bout de leurs efforts, qu’ils se reposent. On dit Eddie Komboïgo est un jeune, mais c’est à quel moment il va gérer donc ? Au sein du MPP, on a des jeunes capables, mais pourquoi remettre le parti à des gens qui sont à la retraite ? A l’UPC, on a des jeunes, qui peuvent continuer le travail.

Lefaso.net : En résumé, et à votre avis, ces élections-là doivent être celles d’une transition ?

Marcel Tankoano : Vous m’avez devancé ; ces élections-là doivent être celles de la vraie transition. C’est-à-dire qui marquent la rupture entre la vieille classe et la nouvelle classe. Nous pensons que ceux qui ont déjà joué leur rôle peuvent maintenant aller se reposer tranquillement. Ceux qui sont aux affaires actuellement, beaucoup sont arrivés quand ils avaient moins de trente ans. Qu’ils pressentent donc les choses, il ne faut pas se laisser pousser à la porte.

Si la jeunesse va jusqu’à bousculer, c’est qu’ils (anciens) ont manqué à leur devoir d’éducation. Il faut que les gens comprennent que le Burkina n’est le pré-carré de personne, même pas d’un groupe d’individus. Qu’ils se retirent et se mettent derrière pour jouer leur rôle de pères, guides des jeunes. Refuser cela, c’est faire mal à la société.

Lefaso.net : On vous sent bien ferme sur cette question de passation de témoin à la nouvelle génération.

Marcel Tankoano : C’est impératif. Regardez le pouvoir Roch Kaboré, on nous avait fait croire que ce sont des hommes d’expériences ; quels postes n’ont-ils pas occupés ? Mais, est-ce que leur gestion aujourd’hui reflète leur discours ? Non, c’est le jour et la nuit. Donc, pour nous, c’est clair, ce n’est pas une question d’expérience ; c’est une question d’ambitions et de vision. Mais lorsque la vision manque, il va de soi que les gens tâtonnent.

Donc, effectivement, pour moi, cette question de transition entre la vieille classe et la nouvelle classe doit être non-négociable. 2020 doit permettre à une nouvelle génération de monter et nous demandons à Dieu qu’il permette à un homme honnête, qui aime ce pays-là, d’arriver au pouvoir et sauver ce qui reste. Sinon, nous sommes en train d’aller vers un pays dépourvu de tout espoir. Donc, la jeunesse doit se mobiliser pour ce passage, ce n’est pas une question de coloration ou d’appartenance politique ; c‘est la vie du pays qui est engagée.

Lefaso.net : C’est aussi cela la réconciliation, faut-il croire également !

Marcel Tankoano : Tout à fait ! Quand je vois les guéguerres au sein du CDP, ça fait réfléchir. Il y des dinosaures qui de l’extérieur, empêchent ceux qui sont au pays de travailler, je n’arrive pas à comprendre cela. Ils parlent pourtant de réconciliation. Mais comment peut-on parvenir si entre eux, ils ne peuvent même pas parler le même langage ? Nous qui vous parlons aujourd’hui, nous avons été des va-t’en guerre, mais à un moment, on s’est rendu compte qu’il n’y a rien dedans, ça ne sert pas. Comme on le dit, toutes les guerres finissent autour d’une table.

Pour nous, pour permettre à notre pays de se sortir de ces difficultés, il faut étouffer tout ce qu’on peut avoir comme divergences personnelles et égoïstes et qu’on comprenne simplement que c’est d’abord le Burkina Faso. Il n’y a pas de Burkinabè sans Burkina Faso, ça n’existera pas. Il faut donc des hommes capables de conduire notre pays vers la paix, la quiétude, la stabilité, l’abondance. Donc, que ceux qui ont déjà suffisamment joué un rôle dans notre pays se constituent maintenant en conseillers et permettent à une nouvelle génération de monter. C’est aussi cela des Burkinabè réconciliés entre eux et un Burkina Faso réconcilié avec lui-même.

Lefaso.net : Et pour terminer cet entretien…

Marcel Tankoano : Je voudrais tout simplement interpeller tous les partis politiques, majorité comme opposition, que chacun pense nation, que chacun accepte l’autre avec sa différence, que chacun comprenne l’autre. Ils doivent comprendre également que ce qui vaut la peine qu’on se sacrifie, c’est la nation. Aucun homme ne peut gagner en dehors de son pays. Je vous prends un exemple : touchez à un Français ici à Ouagadougou, dans les heures qui suivent, vous saurez que vous avez touché à un Français et tout le monde entier saura que vous avez frappé un Français à Ouagadougou.

C’est comme ce que Thomas Sankara avait dit : lorsqu’on gifle un Haïtien, un Sud-africain, un Sénégalais ou un Ghanéen…, un Burkinabè doit se sentir concerné. Nous voulons cet esprit dans notre pays ; qu’un Burkinabè qui a un problème dans notre pays, à Ouahigouya, Gaoua…, celui qui est à Bobo-Dioulasso, Fada, Dori ou Kongoussi se sente concerné. C’est de cette façon qu’on peut construire une nation, forte et prospère.

Mais pas dans cette situation où des Burkinabè sont massacrés, chassés de leur localité et les autres continuent de se comporter comme si de rien n’était, pourvu qu’eux ne soient pas touchés. Non et non. Il faut arrêter de regarder et ne regarder que soi-même. Je demande à chacun, surtout à nos dirigeants, de se projeter, d’avoir une vision. Nos dirigeants sont fiers de parler de Thomas Sanakara, mais pourquoi eux ne veulent pas faire en sorte que leur passage soit aussi bénéfique pour les générations futures ? Nous, nous n’avons pas connu Thomas Sankara, mais vivons ses belles actions qu’il a posées, comme si nous l’avions connu.

C’est parce qu’il a laissé des marques, qui sont indélébiles. S’il a réussi, c’est parce qu’il ne pensait qu’à ses populations et à son pays. C’est ce que nous demandons à nos dirigeants et c’est ce type de dirigeants que nous appelons de tout notre vœu au soir du 22 novembre 2020. C’est très décisif pour notre pays, on ne doit pas rater le virage du 22 novembre ; il faut le changement et l’arrivée d’une nouvelle génération, capable de redonner espoir. Nous demandons donc que chacun y mette du sien pour des élections apaisées, transparentes pour qu’au soir du scrutin, nous ayons, enfin, des dirigeants modèles pour ce pays, des constructeurs, des dirigeants qui ont de la vision et qui n’ont d’autre mission que de sauver ce pays.

Interview réalisée par O.H.L
Lefaso.net

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