Actualités :: Elections de novembre 2020 : « Mieux vaut avoir des institutions politiques (...)

S’il y a un fait constant que nul ne peut ignorer, c’est bien le fait que la date du 22 novembre 2020 est celle de la tenue des élections législatives et présidentielle dans notre pays. L’importance de ces élections est telle qu’elle a suscité un débat au sein de la classe politique et au sein de l’opinion publique. A travers cette tribune, le juriste et analyste politique, Rachidi Tapsoba donne sa lecture sur la question de la tenue ou du report des futures élections d’une part, et d’autre part se prononce sur l’impérieuse nécessité de s’enrôler et de voter.

Concernant la tenue ou le report des élections de novembre 2020, il convient de prime abord de clarifier ma position. En effet, je suis de ceux et celles qui pensent qu’il faut organiser les élections le 22 novembre 2020 car il vaut mieux avoir des institutions politiques légales avec une faible légitimité que d’avoir des institutions totalement illégales et illégitimes.

Tenir les élections en novembre 2020, c’est permettre à notre Etat de continuer à fonctionner malgré la crise sécuritaire, malgré la situation des nombreux déplacés internes. Il ne faut pas croire que les personnes qui sont pour la tenue des élections sont insensibles au sort des déplacés internes et des populations touchées par le terrorisme, qu’elles sont contre une quelconque réconciliation nationale (laquelle doit d’ailleurs être précédée de la vérité et de la justice) ou qu’elles aiment peu leur patrie. C’est bien tout le contraire.

Les arguments de fait avancés par les tenants d’un report des élections ou les pro-transitions tiennent essentiellement au fait que notre pays est dans une impasse sur les plans sécuritaire et humanitaire ; chose que toute personne vivant au Burkina Faso ne saurait nier d’ailleurs. Cependant, le talon d’Achille de cet argumentaire de fait réside même dans la nature imprévisible de la fin de la situation dans laquelle se trouve le pays.

En d’autres mots, personne n’est assez éclairé pour nous dire à quel moment l’on va mettre définitivement fin à l’insécurité dans notre pays ; même si pour ce qui est des déplacés internes, une synergie de réflexion, d’actions collectives et un peu de solidarité peuvent nous conduire vers une sortie de crise.

Ceci étant, il est utopique de demander de surseoir aux élections présidentielle et législatives parce que, à l’instar de tous les Etats du monde, le nôtre connait des difficultés existentielles. Ces difficultés, non insurmontables, doivent au contraire nous rendre résilients et non nous transformer en acteur de chaos et de vide institutionnel dans notre propre pays.

Sur le plan des arguments de droit, les partisans du report des élections, d’une réconciliation préalable et de l’instauration d’une éventuelle transition politique avancent l’idée selon laquelle, les élections seraient inconstitutionnelles parce que le suffrage universel ne serait pas respecté si les élections se tiennent dans l’état actuel de notre pays. C’est pourquoi, le peuple souverain doit aller vers la réconciliation nationale et mettre en place des organes de transition.

Toutefois, la question que l’on est tenter de leur poser est celle de savoir de quel peuple ils parlent ? Comment le même peuple qui ne peut pas voter sur toute l’étendue du territoire en raison de l’insécurité et de la crise humanitaire peut désigner et se reconnaitre en des organes de transition ? Quand il est question d’organiser des élections, il y a l’insécurité mais par magie, il n’y a plus d’insécurité quand on parle de réconciliation et de transition. Je crois que le bon sens voudrait que l’on soit logique avec soi-même.

Du côté des partisans de la tenue des élections en novembre 2020 (y compris ma personne), l’on argue que si les élections ne sont pas organisées à bonne date, les principales institutions politiques que sont le président du Faso, le Gouvernement et l’Assemblée nationale ne seront plus légitimes pour gouverner et décider au nom et pour le compte de l’Etat burkinabè ; toute chose qui est exact puisque le président et les députés seront au terme de leurs mandats respectifs.

Ainsi donc, de part et d’autre, les arguments juridiques ne manquent pas pour se défendre. Cependant, lorsque dans un Etat de droit il se pose des questions de cette nature, l’institution habilitée à y répondre et dont la réponse s’imposera à tous, est l’institution judiciaire. Dans le présent cas d’espèce qui nous préoccupe, l’institution compétente est le Conseil constitutionnel, juge d’application de la loi constitutionnelle et juge du contentieux électoral (même s’il faut relever qu’à ce stade, il n’est pas encore question de contentieux électoral).

Tout ceci pour dire qu’il revient au Conseil constitutionnel d’être saisi ou de s’autosaisir pour nous dire si le suffrage universel implique la possibilité pour tous les citoyens en âge de voter de le faire sur toute l’étendue du territoire national malgré une situation exceptionnelle de crise sécuritaire, sanitaire et humanitaire.

Par voie de conséquence, aucune des parties en présence au débat ne détenant la vérité juridique, je suis favorable à ce que la majorité présidentielle, le Chef de File de l’Opposition Politique (CFOP), l’Opposition Non Affilié (ONA) et autres entreprennent les démarches adéquates pour trancher le débat, sinon chaque chapelle politique continuera à prêcher un évangile favorable à ses intérêts politiques.

S’agissant de l’autre fait que l’on ne saurait également ignorer, c’est le fait que l’enrôlement en vue du renouvellement des listes électorales a commencé depuis un moment et tire même bientôt vers sa fin. Je pense que l’impérieuse nécessité de s’enrôler et de voter n’est plus à démontrer. Il est superfétatoire de rappeler qu’en démocratie, le vote est l’instrument par excellence de désignation des gouvernants. Ainsi, que l’on croit en la démocratie ou pas, c’est le moins mauvais des systèmes politiques et le vote en est le moyen privilégié.

Au cas où les élections viendraient à se tenir malgré la situation actuelle de notre pays, c’est par le vote et lui seul que nous pouvons conférer la légalité et la légitimité nécessaires aux personnes qui vont tenir les rennes de la destinée du Burkina Faso, d’où mon appel à une mobilisation générale pour s’enrôler et voter.
Il est devenu une donnée constante qu’au Burkina Faso, ce sont les campagnes qui font les élections et les villes font les insurrections. Mais cette donne doit changer. Il faut changer impérativement de paradigme.

J’ai toujours eu du mal à comprendre les intellectuels et les personnes instruites qui disent qu’ils ne croient pas aux élections, qu’ils ne font confiance en aucun candidat et que par conséquent, ils ne voteront pas.

C’est tout-à-fait leur droit de s’abstenir de voter. D’ailleurs au Burkina Faso, le vote n’est pas un devoir mais un droit (c’est-à-dire une faculté que le citoyen peut exercer ou pas). Il est également vrai que les fraudes massives qui accompagnent souvent le processus électoral peuvent susciter un découragement et une démotivation chez certains citoyens. Mais je pense qu’aucune raison, aussi valable soit-elle, ne devrait démotiver une personne à aller voter dans un pays comme le Burkina Faso où l’on ne prend pas du tout en compte le taux d’abstention aux élections.

Il faut que certains intellectuels quittent leur zone de confort. Il faut qu’ils arrêtent de prétexter qu’aucun programme politique ne les convainc et sortent pour aller se faire enrôler et voter car comme on le dit, entre deux maux, il faut choisir le moindre. Je pense que les intellectuels et toutes les personnes qui vivent en ville sont mieux placées pour savoir que quand l’on a fait le choix de la démocratie comme système politique, il faut bien que l’Etat fonctionne à travers des institutions mise en place par le peuple souverain.

C’est pourquoi, il s’avère nécessaire de choisir un président de la République qui va nommer les membres du Gouvernement. Le peuple doit également choisir des députés qui vont voter la loi, consentir l’impôt et contrôler l’action du Gouvernement au nom et pour le compte du peuple. Tout bon intellectuel se doit de comprendre cela et savoir une bonne fois pour toutes que l’arme dont tout citoyen dispose pour faire fonctionner normalement l’Etat démocratique dans lequel il vit est le vote.

En définitive, j’insiste sur le fait qu’il faut tenir les élections aussi bien la présidentielle que les législatives le 22 novembre 2020. A défaut, il faut tenir l’élection présidentielle et prolonger dans la mesure du possible le mandat des députés actuels en espérant éradiquer le terrorisme dans un futur proche et organiser de nouvelles élections législatives. En faisant cela, on aura au moins un président et des membres du Gouvernement légitimes auxquels on pourra s’identifier.

Je suis pour la tenue des élections cette année certes. Mais des élections transparentes et crédibles. C’est pourquoi, nous devons nous mobiliser pour dénoncer les fraudes massives et veiller à ce que les fraudeurs de tout acabit soient sanctionnés conformément aux lois en vigueur au Burkina Faso.

Rachidi TAPSOBA
Juriste-conseil
Analyste politique
Email : tapsobaabdoulrachidi@yahoo.com
Tél : 71 33 53 66/79 65 72 02

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