Actualités :: Salif Diallo :" Blaise Compaoré sera notre candidat en 2005"

Nous ne sommes pas allés bien loin pour le chercher. Mais, pouvions-nous faire autrement quand l’homme a été sur tous les fronts ces douze derniers mois ?
L’année 2003 commence pour lui à Linas-Marcoussis et à Kléber où, manifestement, il a joué les négociateurs de l’ombre dans les pourparlers sur la crise ivoirienne, qui se sont tenus à Paris du 10 au 25 janvier 2003.

Puis, ce sera la politique intérieure où on voit la main du pouvoir, particulièrement la sienne, derrière la crise qui a secoué l’ADF-RDA, laquelle a fini par voler en éclats.
2003, c’est aussi pour lui une année de récoltes exceptionnelles dues sans doute à un ciel généreux mais aussi à la culture de contre-saison de son cru qui donne déjà des résultats inespérés.

Pour toutes ces raisons, nous avons jeté notre dévolu sur celui dont certains, même parmi ses adversaires, louent l’ardeur au travail pendant que d’autres critiquent son action politique.

Vous avez reconnu Salif Diallo, le ministre d’Etat chargé de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources halieutiques, qu’on dit avoir l’oreille du chef ? Bien vu.
C’est notre homme de l’année dont nous vous proposons une interview sans concession.

Monsieur le ministre, votre année 2003 a commencé sur les bords de la Seine avec les rencontres sur la crise ivoirienne. Quel rôle avez-vous joué dans les différentes tractations ?

• Il faudrait tout d’abord déplorer ce qui est arrivé en Côte d’Ivoire entre les différents regroupements politiques. S’agissant des négociations de Marcoussis, j’ai été dépêché par SEM le Président du Faso pour suivre officieusement les discussions à Paris entre les différentes parties et aussi marquer notre présence car nous avons en Côte d’Ivoire au moins 3 millions de Burkinabè qui y vivent et y travaillent. Une situation de guerre civile dans ce pays ne peut donc nous laisser indifférents. Même si officiellement nous n’étions pas à Marcoussis, nous nous devions de suivre ce dossier entre les protagonistes pour essayer de contribuer à notre façon au retour de la paix.

Il semble que vous ayez été un des négociateurs de l’ombre à Marcoussis.

• Je n’ai rien négocié dans l’ombre à proprement parler. Comme je l’indiquais, le Président Blaise Compaoré m’a instruit de suivre le début de ces négociations à Paris avec les différents protagonistes. Notre devoir, comme beaucoup d’autres pays concernés par la crise en Côte d’Ivoire, était d’être dans le sillage de ces négociations.

Votre présence continue dans cette histoire repose le problème de la diplomatie parallèle. Qu’en pensez-vous ?

• Je récuse le concept de diplomatie parallèle. Il n’y a qu’une seule diplomatie au Burkina avec plusieurs paliers. Il y a un seul centre d’impulsion, c’est la Présidence du Faso, qui instruit certains acteurs des segments qu’elle juge utiles.

Tout de même, n’avez-vous pas l’impression que votre collègue des Affaires étrangères pourrait se sentir parfois frustré ?

• Cela relève d’une vision caricaturale de la gestion étatique et de la diplomatie en particulier. En réalité, les rôles sont complémentaires et participent à une même dynamique. Je puis vous assurer que j’ai les meilleurs rapports qui soient avec le Ministre Youssouf Ouédraogo.

Peut-on dire que Salif Diallo et Laurent Gbagbo sont à "tu et à toi" ?

• Comme d’autres Burkinabè, j’ai connu le Président GBAGBO avant qu’il ne soit président, et dans notre relation, il y a une dimension militante qui m’autorise à tenir un langage de vérité en face de lui.

On a toujours vu la main burkinabè derrière l’éclatement de la rébellion. Connaissez-vous personnellement Guillaume Soro, IB et les autres ?

• La situation de la Côte d’Ivoire relève d’une crise strictement interne due à la mauvaise gouvernance qui s’est installée dans ce pays et au développement de concepts funestes tels que l’ivoirité. Le Burkina, à travers les misères faites à ses ressortissants, est plutôt victime de cette crise en Côte d’Ivoire.

Mais quand tout le monde demande au P.F. d’user de son influence pour ramener les Forces nouvelles au gouvernement, c’est peut-être parce qu’il est leur parrain.

• Des gens peuvent effectivement penser ainsi, mais la demande était faite dans le cadre de la CEDEAO où tous les chefs d’Etat ont promis de concourir à la paix. Cela dit, il ne faudrait pas se voiler les yeux, car nous faisons frontière avec la rébellion, toute chose qui a un impact à la fois sur l’espace qu’elle occupe en Côte d’Ivoire et sur notre pays.
Ce qu’il faut réaffirmer, c’est d’abord le principe de l’intégrité territoriale du pays qui doit rester intangible ; ensuite, que notre territoire ne servira pas de base-arrière à la rébellion.
Mais je le dis et le répète, la crise ivoirienne à des causes internes, c’est la malgouvernance démocratique. Car quand le phénomène de l’exclusion atteint son paroxysme, on peut assister à des situations comme celle-là.

Pensez-vous qu’un an après Marcoussis, les conditions soient enfin réunies pour que le pays sorte de la crise ?

• Les protagonistes semblent évoluer vers un consensus pour appliquer les accords de Marcoussis. Mais la situation en Côte d’Ivoire nous a habitués à tellement de retournements à ce niveau qu’il faut être prudent et observer beaucoup de vigilance quant à la situation de nos ressortissants vivant dans ce pays.

On a souvent critiqué la duplicité de Laurent Gbagbo dans cette tragédie. Vous qui connaissez bien l’homme, quel est votre avis là-dessus ?

• Je n’oserais pas cette qualification concernant un chef d’Etat. Je ne suis pas en mesure de le qualifier comme vous le faites. Je puis avancer cependant que ses adversaires politiques internes ont commis une erreur monumentale en le sous-estimant.

Le rôle de la France ne vous a-t-il pas paru ambigu par moments ?

• Pour ce qui est de la France, je pense qu’elle joue ses intérêts et met plusieurs fers au feu et on ne peut l’empêcher d’y veiller. Par contre, ce qui serait inadmissible c’est que nous restions sans initiatives visant la défense de nos intérêts stratégiques en Côte d’Ivoire.

De quels intérêts stratégiques parlez-vous ?

• Il y a d’abord nos 3 millions de compatriotes. Quand vous avez autant de concitoyens qui vivent sur une terre, en tant que gouvernement, vous ne pouvez pas ignorer leur sort. Il y a une obligation de protection de ses ressortissants pour tout gouvernement quel que soit l’endroit où ils se trouvent.
Il y a aussi l’aspect économique car la Côte d’Ivoire, c’est notre profondeur stratégique en terme de liaison avec l’océan, d’évacuation de nos produits. Pour tout dire, les économies ivoirienne et burkinabè sont, on le sait, interdépendantes et nous ne pouvons pas être insensibles à ce qui passe là-bas.
Autant la France qui a 23 000 ressortissants et des intérêts économiques mène une politique active en Côte d’Ivoire, autant nous aussi, qui avons 3 millions de nos concitoyens dans ce pays, devons penser et agir en fonction de nos intérêts propres.

Vous avez beaucoup de relations dans les pays arabes, à quoi cela est-il dû ?

• J’ai quelques contacts dans ces pays. Cela résulte d’opportunités nées à l’époque où j’étais Directeur de Cabinet du chef de l’Etat sous le Front populaire.

Sur les plans politiques national et international, qu’est-ce qui vous a le plus marqué au cours de ces douze derniers mois ?

• Au plan interne, la crise ivoirienne est demeurée un élément de focalisation pour tous. Au niveau international, la situation en Irak, au-delà de la chute de Saddam Hussein, constitue un tournant décisif. Il marque la fin du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Ce fait constitue un précédent grave et dangereux pour les peuples et les nations, dont les conséquences seront durables.

Vous n’êtes donc pas content de la chute du tyran ?

• Si Saddam avait été renversé par un soulèvement du peuple irakien, personne n’aurait trouvé à redire. Mais qu’il l’ait été par une coalition américano-britannique sur des bases qui se sont d’ailleurs révélées fausses, je dis que c’est un précédent grave dans les relations internationales.

2003 a été marquée par des crises récurrentes au sein des partis d’opposition, particulièrement à l’ADF-RDA, qui a fini par voler en éclats ; à quoi cela est-il dû selon vous ?

• L’évolution politique au sein des partis politiques de notre pays est tributaire de l’évolution d’ensemble de la situation démocratique. Les militants de tous les partis exigent plus de démocratie interne et plus de transparence dans la gestion des regroupements politiques. Aussi, toute tentative de freiner ou d’occulter cette dimension engendre des crises.

On a quand même vu la main du pouvoir, notamment la vôtre derrière cette "tambouille".

• "Entre autres la vôtre". Décidément, les affabulations, ce n’est pas ce qui manque dans notre pays. Il est facile de faire endosser ses propres turpitudes à autrui.

On dit pourtant que vous avez une dent féroce contre Hermann Yaméogo. Qu’en est-il au juste ?

• Là encore, les gens laissent libre court à leur imagination. Je n’ai vraiment pas de problème personnel avec le député Hermann Yaméogo, en dehors de nos divergences politiques.

Seriez-vous le véritable parrain de Gilbert Ouédraogo comme on l’entend souvent ?

• J’ai des rapports corrects avec le député Gilbert Ouédraogo, en dépit de nos appartenances politiques différentes. Même si par le passé, il y a eu une passe d’armes entre nous, nous entretenons des rapports de politesse, des rapports fraternels.

Quelles relations entretenez-vous véritablement avec votre parent Halidou Ouédraogo ?

• Pour tout vous dire, Halidou Ouédraogo est un aîné. C’est un grand frère que je respecte. Au-delà de ses prises de positions politiques, j’ai des relations de famille avec lui.

Des relations de quel ordre ?

• C’est d’abord un aîné. On est nés dans le même quartier et on se connaît depuis toujours. On a donc des relations fraternelles et nous nous rencontrons lors des obligations sociales (mariages, baptêmes, décès...). Et le fait que, sur le plan politique, nos options soient de nos jours divergentes n’y change rien.

On dit que vous étiez très lié à Norbert Zongo. Quel genre de relation entreteniez-vous au juste avec le défunt ?

• Permettez-moi de déplorer une fois de plus ce qui est arrivé à Norbert Zongo. J’ai connu Norbert Zongo dans les années 80 quand j’étais dans le mouvement étudiant. Nous avons lutté ensemble sur le terrain universitaire. J’avoue que Norbert fut un brave garçon.

Que pensez-vous des récentes déclarations du Sergent Babou Naon sur cette affaire ?

• J’ai lu quelque part dans vos journaux des soi-disant révélations de ce sergent. Il appartient à la justice de se prononcer sur ce cas qui ressemble à une ligne de défense mal élaborée, à un pétard mouillé qui ne saurait semer la diversion quant à l’accusation principale qui pèse sur son auteur.

Ça n’inquiète donc pas outre mesure le régime ?

• Nullement. Personnellement je pense que c’est une ligne de défense qu’il a adoptée.

L’inculpation de Me Farama ne va-t-elle pas contribuer à alourdir davantage un climat socio-politique qui était déjà pesant ?

• Si le juge d’instruction a estimé utile d’inculper maître Farama, c’est qu’il a des raisons et des éléments pour le faire. Aussi remettons-nous à la justice.

Mettons qu’aujourd’hui le Président Blaise Compaoré décide de prendre sa retraite. De tous les dinosaures du CDP, qui à votre avis serait le candidat idéal à la présidentielle ?

• Véritablement, la question n’est pas à l’ordre du jour.

Merci pour le scoop puisque vous êtes en train de nous dire que la candidature de Blaise en 2005 ne fait pas de doute.

• Pour l’instant on n’a pas discuté au sein du CDP de qui sera candidat en 2005 ou plus tard. Mais je pense qu’au regard de la situation actuelle, le président Compaoré sera notre candidat même si ce n’est pas encore formellement arrêté.

Quand on est l’homme de confiance du Chef comme vous, ne reçoit-on pas souvent des coups qui lui étaient destinés ?

• C’est normal, je fais équipe avec le Président Compaoré, et les attaques qui lui sont adressées ne le sont pas à titre purement personnel. Ce faisant, il est normal que les membres de l’équipe en prennent aussi pour leur grade. Cela fait partie du jeu politique et il faut l’accepter comme tel.

Bien que fidèle parmi les fidèles du Chef de l’Etat, vous n’avez jamais été premier Ministre. Est-ce parce qu’il a peur de griller son ultime fusible ?

• Une équipe gouvernementale est bâtie à l’image d’une équipe de football. C’est un dispositif pour réaliser un programme et à ce niveau chaque élément du dispositif occupe un poste en fonction des rendements attendus par l’entraîneur. Les victoires comme les échecs sont collectifs. Je me départis du concept du "naam" qui veut que les membres d’un gouvernement développent la notion de héros solitaire, surtout dans un régime de type présidentiel où la responsabilité gouvernementale est collégiale devant les autres institutions de l’Etat.

Au Burkina, on constate une évolution positive de l’économie avec un taux de croissance d’environ 6%. Les secteurs tels que l’agriculture, l’élevage ont fait des progrès tangibles. Par contre, dans beaucoup de secteurs, on a le sentiment du retour des vieux démons tels le laxisme, la corruption, la fraude, etc. Au sommet de l’Etat, on semble ne pas s’en préoccuper. Que pensez-vous de cela et quelles sont les mesures à prendre ?

• Nous sommes dans le cadre d’un Etat de droit, de liberté et dans une économie de type capitaliste qui a ses avantages (liberté d’entreprendre, compétitivité des différents secteurs) mais également ses avatars qui sont : le développement de l’affairisme et le formalisme juridique qui paralysent l’action étatique. En dépit de cette situation, le gouvernement se doit de combattre par tous les moyens tous les actes délictueux que sont la corruption, la gabegie et le laxisme.

On n’a pas le sentiment que la volonté politique de les combattre est là.

• Comme je le disais, dans un Etat de droit, il faut composer avec le formalisme juridique et c’est ce qui peut donner l’impression de l’inaction. En effet, entre l’acte posé par un agent et la procédure qui mène à sa sanction (passage en conseil de discipline, etc.) il peut s’écouler un temps infini.
Mais cela ne doit pas détourner notre volonté de combattre les maux dont vous parlez.

Que pensez-vous du "délit d’apparence" que propose le député Laurent Bado ?

• Ça n’existe nulle part. La présomption d’innocence est valable pour tous les citoyens. Tant qu’un fait n’est pas établi, on ne peut pas traîner quelqu’un dans la boue simplement parce qu’il a l’air d’être bien.

Nous sortons de la 8e édition de la Journée nationale du paysan qui avait pour thème : "Quelle stratégie pour une relance effective de la filière fruits et légumes comme contribution à la lutte contre la pauvreté". L’on sait que cette filière pourvoyeuse d’emplois et de devises pour notre pays est en panne. En atteste le diagnostic fait au cours de cette J.N.P. A la lumière des recommandations, quelle stratégie compte développer votre département pour redonner à cette filière son dynamisme ?

• L’un des meilleurs résultats obtenus au sortir de cette 8e édition de la Journée nationale du paysan est sans conteste la création d’une société d’économie mixte pour la relance de la filière fruits et légumes, décision préconisée par les producteurs et acceptée par le Président du Faso. Nous allons nous mettre bientôt à l’œuvre pour voir les contours que prendra une pareille structure. A mon avis nous avons dans ce secteur commis une erreur monumentale, celle d’avoir suivi dogmatiquement le principe de privatisation sans regarder de près la nature des structures à privatiser. Nous avons liquidé un outil précieux à savoir Flex-Faso. Au-delà de l’aspect commercial, Flex-Faso assurait la recherche développement en matière de fruits et légumes ; cet aspect a été complètement abandonné.

Deuxièmement, nous n’avions pas tenu compte de la réalité de la faiblesse de nos acteurs avant d’engager cette privatisation qui, à regarder de près, ressemble à un enterrement. Pour moi il faut remettre les pendules à l’heure et relancer la filière sous l’impulsion de l’Etat en attendant que des acteurs privés plus importants puissent prendre le relais.

A la fin de la présente campagne agricole, le pays, à la satisfaction de tous les Burkinabè, dégage un excédent céréalier de plus d’un million de tonnes. Qu’est ce qui sous-tend un tel succès de notre agriculture à votre avis ?

• Je crois qu’il faut garder la tête sur les épaules. Cet excédent de plus d’un million de tonnes de céréales ne doit pas nous faire perdre de vue que nous avons une agriculture très fragile et dépendant à plus de 70% des aléas climatiques, notamment de la pluie. Aujourd’hui c’est vrai que les producteurs, à qui j’adresse mes félicitations et mes encouragements, ont œuvré avec beaucoup de détermination pour atteindre ce résultat en adoptant surtout le paquet technologique avec la sélection des semences. Je féliciterai l’INERA à travers vos colonnes pour cela. L’opinion publique dans sa grande majorité n’est pas au parfum de la recherche en matière de semences. Dans ce secteur, nous avons des résultats très probants avec le maïs et le sorgho.

Ces nouvelles semences ont joué dans plusieurs régions pour des rendements plus importants. Il y a également la fertilisation des sols, qui est une approche simple avec des matériaux à la portée des producteurs tels la fumure organique. Aujourd’hui, si nous exploitons judicieusement les potentialités que nous avons dans le pays, nous serons à l’abri de la famine et pourrons même être en mesure d’exporter. Pour cela, il faudra de la persévérance dans ce que nous faisons en matière de développement durable.

Quelle stratégie comptez-vous alors développer pour pérenniser ces résultats que nous avons atteints cette année ?

• En fait nous sommes en train de lutter pour maîtriser l’eau afin que la variabilité climatique ne soit plus une cause de famine dans notre pays, c’est- à-dire en mettant l’accent sur les techniques d’irrigation de petites dimensions la portée des producteurs. Cela nous permettra de nourrir notre pays même en cas de mauvaise pluviométrie. C’est la raison pour laquelle nous mettons l’accent sur la maîtrise de l’eau et son utilisation rationnelle pendant toute l’année.

Votre département regroupe trois secteurs à savoir l’agriculture, l’hydraulique et les ressources halieutiques. Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent d’avoir récupéré ces secteurs clés au niveau d’un seul et même superdépartement ministériel ?

• D’abord le découpage ministériel n’est pas lié à un individu. Il obéit à une mission. Effectivement il est erroné de séparer dans un pays sahélien la maîtrise de l’eau de l’agriculture. C’est une sorte de vision dynamique qui a amené à cette association eau, pêche, agriculture. Ce n’est pas à la tête du client. Il est clair que cette association a donné des résultats et il faut travailler à les renforcer. Aujourd’hui si nous pratiquons la petite irrigation, c’est parce que nous avons l’eau comme élément de gestion ; et si nous avons une nouvelle politique halieutique, c’est parce que nous avons l’eau et la pêche en même temps. Je crois que ces éléments se complètent objectivement et se doivent d’être rangés ensemble plutôt que de se confiner dans une approche subjective.

Votre ambition sans doute, est de sortir notre agriculture de son caractère de subsistance. Cela ne saurait se faire sans un dispositif de financement adapté. Comment comptez-vous vous organiser afin d’obtenir une meilleure mobilisation des capitaux pour le financement de notre agriculture ?

• Nous avons un plan de financement du monde rural qui est en cours d’étude et qui, dans sa phase pilote, finance beaucoup de groupements paysans à travers les caisses populaires. Ceci étant, la seule façon convenable de financer le monde rural, c’est de développer une agriculture de marché. Le producteur ne peut acquérir des moyens de production que s’il va vers le crédit. Le crédit ne lui sera octroyé que si sa production trouve le marché et donne des résultats à même de couvrir ses charges d’exploitation pour payer les crédits auprès de sa banque. Une agriculture d’auto- consommation ne peut pas être financée par les banques. La liaison entre le producteur et le marché est rendue nécessaire et doit être soutenue par un mécanisme de crédit adapté ; sans le marché il n’y aurait pas de crédit viable. Nous ne faisons pas des œuvres sociales. C’est une économie de marché qui a ses règles. On ne prête qu’à ceux qui peuvent rembourser.

Comment concrètement organiser le marché ?

• Aujourd’hui il y a un certains nombre d’éléments qui existent. Les voies de communication sont de plus en plus nombreuses entre les sites de production et les lieux d’écoulement, les pistes rurales ont gagné en ampleur, les routes ont été plus ou moins renforcées et il y a des possibilités d’aller dans les marchés sous-régionaux voire les marchés internationaux. Il faut professionnaliser les acteurs. C’est là le nœud gordien et nous pensons que petit à petit, il y aura de nouveaux acteurs dans le secteur agricole qui pourront entraîner beaucoup de Burkinabè dans ce sens.

La question de la transformation est une autre contrainte.

• Il y a deux niveaux lorsqu’on parle de transformation à mon avis.
Il y a dans un premier temps la conservation c’est-à-dire qu’il faut trouver des solutions pour certains de nos produits (tomate, pomme de terre, etc.)
L’autre dimension de la transformation est celle des petites unités adaptées à notre situation et qui doit être à la portée de nos opérateurs économiques. Je crois que nous avons des potentialités et des possibilités ; seulement, il faut que les banques accompagnent les opérateurs économiques pour mettre en place ces unités. Il y a également la grande transformation dont le handicap est et demeure l’énergie, son coût étant dissuasif. Néanmoins il faut que l’Etat revienne pour donner une impulsion au secteur de la transformation.

Quels sont selon vous monsieur le Ministre les contraintes majeures des autres secteurs de votre département à savoir l’Hydraulique et les Ressources halieutiques ?

• Dans le cadre des nouvelles stratégies mises en place pour les ressources halieutiques la question de l’organisation et de la professionnalisation demeure posée. Il faut des acteurs performants qui aillent vers la pêche-production en lieu et place de la pêche-cueillette. Actuellement, nous sommes en train d’initier un certain nombre de techniques notamment l’aquaculture pour passer de la pêche-cueillette à la pêche-production et les résultats commencent à se faire voir sur certains plans d’eau. Il faut renforcer ce système et veiller à une bonne commercialisation des produits halieutiques. Au niveau des grands centres urbains, il faut créer les conditions hygiéniques nécessaires dans les centres de distribution pour ces produits qui sont périssables.

En matière d’eau, l’accent est aujourd’hui mis sur l’hydraulique agricole, car en matière d’eau potable, d’importants résultats ont été atteints. Il faudrait renforcer les comités de gestion des points d’eau et mettre un accent sur les artisans réparateurs. 20% de nos ouvrages sont en panne pour peu de chose. Il faut éduquer les gens à prendre en compte la gestion des ouvrages hydrauliques.

Quels sont les grands chantiers à court, moyen et long termes de votre département ?

• En terme de projections, nous avons beaucoup de projets et programmes à mettre en place. Pour l’année 2004, dans le secteur halieutique nous allons mettre en œuvre le programme de développement de l’aquaculture, et mettre l’accent sur l’organisation et l’exploitation des plans d’eau. Dans le domaine hydrique, nous allons engager un vaste programme de construction de barrages dans plusieurs provinces. En matière agricole, nous travaillerons à amplifier le dispositif de l’irrigation pour soutenir la production en saison sèche. Nous sommes en train de concevoir un programme de développement durable. Ce programme d’investissement va démarrer en début 2005. Là- dessus, nous comptons renforcer les services agricoles, revoir le cadre institutionnel de mise en œuvre de nos politiques et surtout aller vers une responsabilisation plus accrue des producteurs.

Même vos adversaires politiques s’inclinent devant les résultats que vous obtenez dans les différents ministères que vous avez dirigés jusque-là. Quel effet cela vous fait-il ?

• En vérité, la gestion des départements ministériels ne relève pas d’un seul homme. Les résultats sont plutôt à attribuer aux différents techniciens des départements que j’ai animés jusque-là.

Qu’à cela ne tienne, vous avez marqué de votre empreinte tous les ministères où vous êtes passé. N’est-ce pas parce que vous êtes un fidèle du Chef, qui a un poids politique ?

• Oui et non. Oui parce que je bénéficie sur certains dossiers de conseils précieux du Président du Faso.
Non parce que souvent, je prends sur moi le risque d’échouer, je pense que quand on accepte des responsabilités ministérielles, il faut oser et compter avec l’échec. Bien entendu, je pense que le Président Compaoré quand il responsabilise un cadre à un poste ministériel, lui fait confiance. Les ministres jouissent de la confiance du Président et c’est à eux de mériter cette confiance en travaillant.

C’est quand même plus facile d’avoir des financements pour les projets et autres programmes quand on s’appelle Salif Diallo.

• Ce n’est pas tout à fait exact. Chaque ministre doit concevoir ses dossiers et il a des services compétents pour cela. Puis entamer des démarches en direction des bailleurs de fonds. Bien sûr, quand on a quelques adresses de part le monde, ça peut débloquer certaines situations. Mais je crois que ce qu’il faut éviter c’est la routine. Quand on est ministre on est avant tout politique ; on n’est pas un fonctionnaire qui travaille de 7 à 12h 30 et de 15h à 17h 30. On conduit un segment de politique et il faut avoir la volonté de changer l’ordre des choses. C’est en tout cas ma conception du portefeuille ministériel.

Blaise Compaoré a-t-il pesé dans la récente reculade "kadhafienne" sur les armes de destruction massive (ADM) ?

• Je sais simplement que le Président Compaoré échange beaucoup sur les questions stratégiques avec le Guide de la Révolution libyenne.

Comme sur la crise ivoirienne où on accusait les deux complices d’avoir allumé le feu et de financer la rébellion ?

• Par forcément sur cette question. Ils échangent bien sûr sur les relations bilatérales mais aussi sur l’évolution du monde.

Pourquoi n’êtes vous pas jusqu’à ce jour allé à la Mecque ?

• Peut-être que je n’ai pas atteint encore le point de sagesse nécessaire pour me rendre à la Mecque.

Quand on est sur tous les fronts comme vous, a-t-on encore des loisirs ? si oui lesquels ?

• C’est vrai que matériellement je n’ai pas le temps pour me consacrer à des loisirs. Je m’adonne à la lecture lorsque j’en ai la possibilité.

Qu’est-ce que vous lisez en ce moment ?

• Je viens d’entamer la lecture d’une œuvre qui s’intitule "Les maîtres du monde" qui montre qu’aujourd’hui il y a en fait une poignée de capitalistes qui contrôlent tout ce que nous faisons sans en avoir l’air. C’est une nouvelle forme d’oppression mondiale. Mais comme je viens de le commercer je ne peux pas faire plus de commentaires.

Qu’est-ce que Salif Diallo aime manger et boire ?

• Je ne suis pas trop regardant là-dessus, mais entre le tô et le benga, je préfére le benga et je ne bois pas d’alcool. J’adore le café.

Qu’est-ce que vous appréciez le plus chez un homme ?

• La franchise

A contrario qu’est-ce que vous détestez le plus ?

• Bien sûr, l’hypocrisie. Ceux qui annoncent le contraire de ce qu’ils pensent. J’ai toujours aimé que l’on me dise tout haut ce que l’on pense.

Vous arrive-t-il d’être en désaccord avec le chef de l’Etat et de le lui dire franchement ?

• Bien entendu, et il appartient au président Compaoré de confirmer. Dans mes échanges avec lui, on se dit ce qu’on pense réellement. Je me dis que je n’ai pas le droit à l’erreur face à lui. J’ai l’avantage qu’il connait mes réactions et même si les autres disent des choses pour lui faire plaisir, moi je me dois de lui dire, fut-ce frontalement, mon sentiment pour qu’il le mette dans la balance. Il peut m’arriver, comme à tout le monde, de me tromper dans mes analyses et mes propositions mais c’est ce que je ressens que je lui transmets. Pour éviter qu’à cause du phénomène courtisan, les gens ne conduisent le président à des choses qui ne sont pas exactes.

Vous présidez l’USO avec le colonel Tiemtarboum et depuis deux ou trois ans vous semblez obtenir des résultats. Qu’est-ce qui explique cette relance de L’USO ?

• Notre club, l’USO, a toujours été sous-estimé, qualifié de club de quartier, de club de seconde zone. Aujourd’hui, nous avons fait un travail pertinent en recrutant une nouvelle génération de joueurs. En outre, avec l’aide d’amis étrangers, nous avons pu nous attacher les services d’un entraîneur compétent d’origine ghanéenne. Nous avons créé surtout la détermination au niveau de nos jeunes qui se battent conséquemment dans cette première phase du championnat. Nous sommes à la tête du championnat et nous comptons y rester jusqu’à la fin. Désormais il faut compter avec nous.

Vous avez tout de même été battus 4 à zéro par l’EFO.

• C’est un petit incident de parcours qui n’entame en rien notre détermination à remporter ce championnat.

Quel est votre vœu le plus cher pour 2004 ?

• Je souhaite que les producteurs de notre pays renforcent leurs performances de cette année.

Entretien réalisé par
Ousséni Ilboudo et Boureima Diallo
L’Observateur Paalga

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