Actualités :: « Il est dommage que souvent, l’agent de développement et le politicien (...)

C’est avec rage que cet enseignant à la base, Ousséni Nyantudré, Conseiller pédagogique de l’Enseignement secondaire, aborde les questions de développement, surtout lorsqu’il s’agit du Koulpélogo (province d’où il est natif), une des trois provinces du Centre-Est, considérée comme la plus dépourvue de la région. C’est ce qui semble d’ailleurs justifier la création de l’Initiative pour le développement du bassin de Koulpélogo (IDEBAK), dont il est le président. Dans cet entretien réalisé en marge de notre visite terrain, Ousséni Nyantudré en dit davantage sur l’association : IDEBAK.

Lefaso.net : Peut-on en savoir davantage sur l’association dont vous êtes le premier responsable, IDEBAK ?

Ousséni Nyantudré : L’Initiative pour le développement du bassin de Koulpélogo (IDEBAK) est une association provinciale, qui œuvre dans la scolarisation et le développement rural. Elle a commencé ses activités de façon informelle dans les années 1998. Nous nous sommes constitués en association, formellement reconnue dans les années 2000. L’IDEBAK a, à son actif, plus de six écoles dans la province du Koulpélogo, plus de quinze logements pour les enseignants, plus de trois cantines scolaires réalisées au profit des écoles.

Nous avons travaillé à développer la scolarité au Koulpélogo ; il faut dire que quand nous commencions nos activités, le taux de scolarisation brut était d’environ 24%. Il se trouve que moi-même, je suis Conseiller pédagogique de l’enseignement secondaire et la majorité de ceux qui ont animé IDEBAK, jusque-là, sont des enseignants. Donc, nous avons pris conscience de l’arriération scolaire dans laquelle notre province se trouvait. C’est ainsi que nous avons décidé de jeter notre dévolu sur la chose scolaire ; comment aider nos petits frères et nos enfants à accéder à l’école.

En son temps, nous avons trouvé des partenaires européens, qui ont été imprégnés à la chose scolaire et qui ont décidé de nous accompagner, ci fait que nous avons construit les écoles de, Maïtagou, de Koadiga, de Kandgo, de Yagtibo, de Napenga, etc. Il faut également dire que l’Etat a accepté nous accompagner dans nos efforts, parce que nous construisons certes, mais immédiatement, nous remettons à l’Etat qui y affecte les enseignants. IDEBAK a aussi, à son actif, la construction en 2005 du CEG, devenu le lycée départemental de Yondé. L’association a bien d’autres réalisations, tels que le CSPS de Bousgou, le verger botanique de Bousgou, plus de cinq puits à grand diamètre dans les départements de Comin-Yanga, de Yargatenga, de Yonde, de Ouargaye, de plus de cinq forages dans les écoles (qui servent non seulement aux élèves de ces écoles, mais également aux populations riveraines).

Nous avons instauré le concept d’infirmerie scolaire au sein de cinq écoles ; parce que ces écoles se trouvaient très éloignées de centres de santé de référence. Nous avons par ailleurs doté les écoles et les logements des enseignants, de lampes photovoltaïques afin de permettre aux enseignants et aux élèves de conduire des activités pédagogiques dans la nuit, ce qui a permis de relever le niveau de qualité de l’éducation scolaire dans ces écoles. On n’intervient pas seulement dans le domaine scolaire, on est aussi dans le développement rural et à ce titre, nous avons mis en place un Centre de formation en agro-écologie.

La province du Koulpélogo était une zone qui était bien arrosée et bien boisée, mais petit-à-petit, elle connaît l’installation de la sécheresse, du fait de la destruction de la nature. Nous nous sommes donc dit qu’il était bien que les paysans apprennent de nouvelles méthodes culturales, de nouvelles manières de produire ; produire sans détruire. D’où la mise en place du Centre agro-écologie qui forme en ce moment même (le deuxième module est terminé hier : l’interview a eu lieu le 25 décembre 2019). Ensuite, nous nous sommes dit qu’avec la situation sécuritaire qui prévaut, il y a beaucoup d’enfants qui manquent d’aller à l’école ou qui y sont allés, mais ne peuvent pas terminer leur cursus.

Avec les partenaires, nous sommes en train de mettre en place un Centre de formation en couture (grâce aux partenaires, nous avons déjà acquis un certain nombre de machines, nous avons construit les locaux) pour offrir aux filles déscolarisées, aux filles-mères, une formation pour leur permettre de se prendre en charge. Voilà un peu ce qui est réalisé par IDEBAK dans le Koulpélogo.

Lefaso.net : Qui sont les membres de l’association ?

Ousséni Nyantudré : Nous avons commencé les activités avec le défunt président, Saïdou Koudougou (paix à son âme !), qui était le proviseur du Lycée de Bogandé (région de l’Est, dont la province est frontalière, ndlr) et moi, directeur du CEG de Namounou dans la Tapoa (région de l’Est, ndlr). Il se trouve que lui et moi avons fréquenté l’école de Salembaoré, qui était très distante de là où nous habitions ; personnellement, j’avais sept kilomètres à faire à pieds chaque jour et Koudougou Saïdou était, lui, à quinze kilomètres de l’école (il était obligé de loger à Salembaoré et repartir chaque week-end). Ce qui a fait qu’on a été très tôt sensibilisé sur cette question d’accès à la scolarité. Quand nous avons commencé, il n’y avait pas assez d’écoles ; il y avait celles de Salembaoré et de Yondé. A Koadiga, c’est nous qui avons construit le premier bâtiment de l’école, puis une ONG (organisation non-gouvernementale) en a construit le deuxième bâtiment.

Les membres de l’IDEBAK sont donc essentiellement ceux qui avaient la fibre scolaire : Saïdou Koudougou (paix à son âme), Gérard Dolebzanga, à la mission catholique ici, à Ouagadougou, Ibrahim Bilgo, et moi-même qui avons donné vie à IDEBAK et par la suite, d’autres bonnes volontés (Richard Pima, notamment) nous ont rejoints pour faire avancer l’association. C’est un travail de volontariat, et malheureusement, tout le monde n’est pas porté à ce genre d’initiatives. Nous sommes donc en petit nombre et nous essayons de faire ce que nous pouvons. Heureusement que les communautés rurales ont compris le bien-fondé de notre travail et ont adhéré ; elles ont adhéré à tous les projets que nous avons lancés.

Lefaso.net : Des initiatives sont souvent récupérées, voire sabotées, par des acteurs politiques qui considèrent les porteurs de ce genre d’actions comme des concurrents. Est-ce une situation que vous partagez aussi dans vos efforts sur le terrain ?

Ousséni Nyantudré : C’est réel. Il y a des politiciens qui ont exploité nos résultats et qui ont dit que ce sont eux qui nous ont envoyés sur le terrain pour faire les réalisations (cas des écoles). Nous en avons vu également, qui ont exploité les résultats scolaires issus de nos actions. Ils sont libres de faire ce qu’ils veulent, nous savons ce que nous cherchons : c’est de sortir notre province de cette arriération. Donc, il est dommage que souvent l’agent de développement et le politicien n’aient pas le même langage sur le terrain, alors même que les objectifs devraient être les mêmes, c’est-à-dire promouvoir le bien-être des populations. Pour la petite histoire, notez qu’on a toujours promis attribuer une décoration à IDEBAK, mais jusqu’à aujourd’hui, elle ne l’a pas encore reçue. Aujourd’hui, nous avons beaucoup de résultats à faire prévaloir et c’est cela l’important.

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Lefaso.net : Quels sont les grands défis actuels de IDEBAK ?

Ousséni Nyantudré : Avec la situation sécuritaire actuelle, les défis deviennent encore plus nombreux. Nous ne pouvons plus aller dans certaines écoles de la province. Donc, nous concentrons actuellement nos activités à Salembaoré, au siège de l’association, avec notamment le Centre agro-écologique et le Centre de formation en couture. Nous voulons également faire en sorte que la bibliothèque qui y est installée offre l’accès au savoir à notre communauté (petits frères, enfants et même aux fonctionnaires qui préparent les concours professionnels). Nous faisons en sorte que les enseignants puissent insuffler le goût de la lecture aux élèves, car c’est la chose la moins partagée actuellement. Très peu d’élèves, même les enseignants, lisent ; or le savoir se trouve dans les livres. Les défis au Koulpélogo sont devenus encore plus cruciaux avec la situation sécuritaire (des écoles fermées, des enseignants abattus…

Nous avons également le besoin de renforcement des ressources humaines. Comme vous le savez, le bénévolat n’est pas partagé par tous ; nous sommes en train de prendre de l’âge, et il faut préparer la relève. L’autre défi également, c’est de susciter l’adhésion des autorités de la localité et de bonnes volontés à quelque niveau que ce soit. Enfin, il s’agit de trouver toujours des partenaires qui vont nous accompagner. Malheureusement, la situation sécuritaire du Koulpélogo, ne nous aide pas.

Heureusement, nous avons toujours avec nous, des partenaires de longues dates, qui nous ont toujours fait confiance et qui, même s’ils n’arrivent plus à aller sur le terrain, contribuent toujours au financement de nos projets. Ces partenaires sont notamment ASMAE, le Secours Populaire Français de Belfort, et actuellement, Aide et Partage Burkina. Nous profitons de votre espace pour leur dire combien nous ne tarissons pas de remerciements pour eux les. partenaires, sans lesquels nous n’aurions pu effectuer ces réalisations.

Nos remerciements vont également à toutes les autorités locales qui ont porté à bout de bras les projets IDEBAK et, bien entendu, tous les partenaires sur le terrain (les enseignants, les parents d’élèves et les élèves) sans lesquels, rien n’aurait pu être fait.


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Propos recueillis par OH
Lefaso.net

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