Actualités :: Burkina Faso : Retour sur la météo politique de 2019

L’année 2019 vient de tourner la page, avec son cortège d’actes et de faits sur le plan politique, également.

2019 s’est surtout annoncée dans la douleur, avec ce drame de Yirgou. Il va animer la vie politique nationale durant l’année.

L’opposition politique réunie au sein du Chef de file de l’opposition politique au Burkina Faso (CFOP-BF) en a d’ailleurs fait, depuis un moment, un devoir de mémoire à chacune de ses conférences de presse hebdomadaires. Yirgou, qui attend lumière, marque sans doute un autre degré dans la dégradation de la situation sécuritaire avec une meurtrissure sur la cohésion sociale.

C’est dans ce climat de vive émotion que le Premier ministre, Paul Kaba Thiéba, a présenté, vendredi, 18 janvier 2019, sa démission avec son gouvernement. C’est l’un des actes majeurs du pouvoir Roch Kaboré dont la politique publique a, jusque-là, été portée par ce cadre déniché à la BCEAO. Paul Kaba Thiéba, porte-flambeau du Plan national de développement économique et social (PNDES, référentiel de développement national) a composé avec trois équipes gouvernementales.

Actuellement directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, M. Thiéba laisse derrière lui des déclarations et convictions qui nourrissent toujours des faits et la vie publique. L’homme est demeuré convaincu que le Burkina a besoin d’une transformation structurelle et non de solutions conjoncturelles. « Tant que les problèmes qui bloquent la croissance ne sont pas réglés…, ça ne changera rien. Les analyses économiques sont claires. Même si on déverse des centaines de milliards de F CFA par avion, par hélicoptère, sur le Burkina, ça ne changera rien. (…). Je ne connais pas un pays au monde qui se soit développé avec l’argent des autres », peut-on remettre au goût du jour.

Son départ est un acte marquant dans la vie politique du pays, car des Burkinabè, même de sa propre famille politique, estimaient, à tort ou à raison, qu’il était en déphasage avec les réalités du pays (ils en voulaient également pour illustrations, des ratés ou propos mal à propos de Paul Kaba Thiéba ().

Comme la période qui a précédé son arrivée à la primature, son départ ouvrait en même temps une parenthèse de castings pour les Burkinabè qui sont allés de leur pronostic sur le futur et idéal Premier ministre pour un Burkina confronté à des défis cruciaux. Contre toute attente, encore, Roch Kaboré « réactualise », en ce début d’après-midi de lundi 21 janvier 2019, l’ex-directeur régional de la campagne de Blaise Compaoré dans le Sud-Ouest et ancien commissaire de l’UEMOA, Christophe Dabiré.

Cette nomination a aussi suscité sa vague de commentaires politiques ; l’opposition ira même à saluer le président Roch Kaboré d’être venu dans ses rangs pour chercher « l’oiseau rare », une compétence, en la personne de Christophe Dabiré (le CDP, parti affilié à l’opposition, ayant indiqué que le nouveau promu n’a jamais rendu sa démission de ses instances ; ce qui a obligé l’intéressé à une sorte de clarification à la faveur d’une session du Bureau politique national du MPP).
Bref…, trois jours après sa nomination, soit le 24 janvier, Christophe Dabiré dévoile son équipe gouvernementale.

Le mercredi 30 janvier 2019, il donne aux ministres, les principes et les règles devant régir le travail gouvernemental. Le temps presse, l’heure est grave avec cette multiplication des attaques terroristes et leur lot de désolation. Une gravité qu’il a, visiblement, exprimée, le lundi 18 février, par des larmes devant la représentation nationale, en pleine présentation de sa Déclaration de politique générale (DPG). Christophe Dabiré prend ainsi le relai des chantiers laissés par son prédécesseur. C’est l’ère Christophe Dabiré.

Parmi les actes politiques incarnés, on retiendra sa visite, le 1er avril 2019, au siège du Chef de file de l’opposition politique au Burkina Faso (CFOP-BF). Une première dans la démocratie burkinabè, à en croire les responsables de l’opposition. Signe d’un dégel politique dans un espace où les acteurs se regardent en chiens de faïence, salue une certaine opinion. C’est d’ailleurs à l’occasion de ce déplacement qu’il annoncera pour le 29 avril, un dialogue politique national entre la classe politique nationale (opposition politique et majorité politique) autour et sur initiative du président du Faso, Roch Kaboré.

Finalement, c’est le lundi 15 juillet que va s’ouvrir ce cadre de dialogue avec pour idéal : retrouver un « Burkina de paix et de prospérité ». Après une semaine de travaux, majorité et opposition sont unanimes à magnifier le dialogue politique national et ses « bénéfices » pour le pays. Simon Compaoré, chef de la délégation de la majorité présidentielle, et Zéphirin Diabré, chef de file de l’opposition, n’ont pas manqué de mots et expressions pour convaincre l’opinion de cette prouesse burkinabè.

Six mois après, et de l’impact de ce dialogue politique national, … à chaque Burkinabè d’en faire son opinion, au regard des éléments d’appréciation à sa disposition.

L’actualité politique en 2019, c’est aussi cette lettre de l’ancien président, Blaise Compaoré (en exil en Côte d’Ivoire depuis sa chute en octobre 2014) adressée au président Roch Kaboré, dans laquelle il dit « sa disponibilité et son soutien » face à la dégradation de la situation sécuritaire dans le pays. Par la même occasion, Blaise Compaoré a exprimé son mécontentement suite aux sorties médiatiques du président Kaboré, qui l’accuse d’avoir été « complice » avec des chefs terroristes.

Dans tout autre registre, relatif à la présidentielle de 2020, l’ancien Premier ministre Isaac Yacouba Zida (exilé au Canada depuis la fin de la Transition), « prépare » les esprits avec la sortie, le samedi 16 février à Bobo-Dioulasso, d’une organisation de jeunes pour appeler à sa candidature à la présidentielle. La coordination « Génération Zida pour la patrie », puisque c’est de cette organisation qu’il s’agit, va mener une offensive à travers les treize régions du pays pour défendre le bien-fondé d’un retour à la magistrature suprême de l’ex-locataire de Kosyam. Les actes vont se succéder dans ce sens car, le mercredi 27 mars, l’éphémère général de l’armée burkinabè, Isaac Yacouba Zida, va rompre le silence et consolider cette idée par une interview exclusive accordée à France 24 : « Je n’exclus pas la possibilité d’être candidat en 2020 ».

S’en suit, le 27 juillet, la descente dans l’arène politique du constitutionnaliste Pr Augustin Loada, avec le lancement officiel du Mouvement patriotique pour le salut (MPS). Jusque-là connu dans la société civile, notamment avec le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD, dont il était le directeur exécutif), qu’il a quitté avec sa nomination comme ministre dans le gouvernement de la Transition, Augustin Loada est vite perçu comme le bras politique d’Isaac Yacouba Zida (son co-otage d’éléments de l’ex-RSP en cet après-midi du 16 septembre 2015). Les choses ne tarderont d’ailleurs pas à se préciser avec la sortie de l’intéressé, le 1er août, pour annoncer qu’il accepte sa « désignation en qualité de président d’honneur » du MPS.

Malgré les charges judiciaires qui pèsent sur lui au Burkina et sa position pas tout à fait claire pour le moment pour la présidentielle de 2020, son parti et de nombreux citoyens lisent en lui, un espoir pour le Burkina, confronté à une épreuve sécuritaire pénible.

Toujours dans cette dynamique de la présidentielle, un autre ancien Premier ministre, Kadré Désiré Ouédraogo, également connu comme une figure de l’ex-parti au pouvoir, le CDP, déclare, le 16 février, sa candidature pour 2020, « répondant » ainsi, dit-il, à l’appel d’organisations de la société civile et de citoyens burkinabè. Derrière cet ancien président de la Commission de la CEDEAO, des caciques du CDP à l’image de Salia Sanou, Léonce Koné, Boureima Badini, Zambendé Théodore Sawadogo. La crise au sein de ce parti, enclenchée depuis le congrès de mai 2017, va prendre une autre allure, une fracture de plus.

Désormais, il faut appréhender, d’une part, le camp des inconditionnels de Kadré Désiré Ouédraogo, celui de Mahamadi Kouanda (qui se veut un non-aligné) et, d’autre part, l’écurie d’Eddie Komboïgo, président statutaire du parti. Au nombre des actes qui ont caractérisé la vie de ce parti durant l’année, il y a la tenue des deux congrès successifs, dans l’intervalle de quatre mois (septembre et décembre) et l’intervention du fondateur du parti, Blaise Compaoré. 2020 se présente pour ce parti avec une équation à multiple inconnus, car certaines positions semblent jusque-là inconciliables. C’est le wait and see donc !

Restons sur ce volet pour constater que l’année écoulée a été riche en naissance de partis et mouvements politiques. A ce titre, et outre le MPS sus-évoqué, on retiendra le Mouvement pour le changement et la renaissance (MCR) de Carlos Toé, transfuge du Parti de la renaissance nationale (PAREN) ; le mouvement politique dénommé « Soleil d’avenir » de Pr Abdoulaye Soma, qui marque ainsi son entrée sur la scène politique avec, dans le viseur, la présidentielle de 2020. Dans le même ordre, on a le « Mouvement agir ensemble » de Boubakar Diallo, démissionnaire du CDP, conséquence de la crise au sein de cet ex-parti au pouvoir ; et le dernier-né, le Rassemblement patriotique pour l’intégrité (RPI), qui compte, en son sein, des anciens cadres du parti au pouvoir.

Des tempêtes…, il y en a eu aussi avec la suspension, pour trois mois, du Front patriotique pour le renouveau (FPR) de Dr Aristide Ouédraogo, parti affilié au CFOP-BF. C’est par un arrêté signé du 13 novembre 2019, que l’institution de tutelle, le ministère de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et de la Cohésion sociale, a rendu publique la décision. Il est reproché au FPR d’avoir porté atteinte à la Charte des partis et formations politiques au Burkina Faso.

L’atmosphère politique, c’est également la page noire. Des militants anonymes aux figures connues, les partis et organisations politiques ont enregistré des décès. Sur cette page, on se souviendra de Moussa Traoré, président de l’Alliance pour la démocratie et le développement (ADD, créée en juillet 2017, membre de la majorité présidentielle), arraché, le lundi 22 avril, à l’affection de sa famille biologique et politique, des suites d’une crise, alors même qu’il venait de rentrer de l’intérieur du pays où il préparait ses bases politiques pour les joutes électorales à venir. Il fut, entre autres, directeur général du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO), de 2009 à 2011.

Un autre acteur, Moustapha Sarr, membre du Bureau exécutif national du CDP, s’est également éteint le lundi 9 décembre. Il a été aussi connu comme directeur du Parc urbain Bangr-Wéogo (du nom de cette forêt sise au cœur de la capitale burkinabè).

Dans la nuit de jeudi 26 au vendredi 27 décembre, c’est une autre figure politique, Komi Sambo Antoine, qui décrochait définitivement de la chose politique. Transfuge également du CDP et membre-fondateur du MPP, parti au pouvoir, Sambo Antoine Komi fut ancien ministre de la Justice, ancien député et surtout un magistrat qui a laissé ses empreintes sous la Révolution avec les Tribunaux populaires de la révolution (TPR). Il quitte le monde des vivants au moment où il faisait office de conseiller du président Roch Kaboré.

2020 est une année d’énormes défis avec le double scrutin présidentiel et législatif. L’année 2020 consacre également le 60e anniversaire de l’accession du pays à l’indépendance, où Banfora (région des Cascades) sera la ville de convergence pour la célébration tournante. Mais en attendant tous ces rendez-vous, et en ce début d’année, le lot de vœux les plus partagés par le peuple et les populations burkinabè sont sans doute la sécurité, la stabilité, le vivre-ensemble, la cohésion sociale et l’unité nationale.

Oumar L. Ouédraogo
Lefaso.net

Joseph Ki-Zerbo, entré vivant au panthéon
Message de fin d’année : Blaise Compaoré salue un taux de (...)
Présidentielle 2005 : regard sur l’UNIR/MS et le (...)
Femmes et politique : Burkina Faso, une politique à (...)
Vœux des Corps constitués : la réponse du président du (...)
Vœux des Corps constitués au chef de l’Etat : « Consolider (...)
Albert Ouédraogo, président du Tocsin : "La morale (...)
Scrutin du 13-novembre : qui fit mieux ?
2006 sera sociale ou ne sera pas
Elections municipales 2006 : Mardi noir pour les maires (...)
80,35% pour Blaise, 11 chefs d’Etat à son investiture : (...)
Visite du ministre Bassolé à la CRS : “Soyez précautionneux
Moumini Fabré : “Les municipales de 2006 représentent un (...)
Municipales 2006 : Des querelles au CDP/Houet
Assemblée nationale : La loi de finances 2006 (...)
Administration territoriale : La décentralisation (...)
Investiture de Blaise Compaoré : Quid des promesses (...)
Un nouveau mandat pour un nouveau défi
Investiture de Blaise Compaoré : Entre émotions et (...)
Investiture de Blaise Compaoré : Vu et entendu
Faire du Burkina un pays émergent

Pages : 0 | ... | 10458 | 10479 | 10500 | 10521 | 10542 | 10563 | 10584 | 10605 | 10626 | ... | 12474


LeFaso.net
LeFaso.net © 2003-2023 LeFaso.net ne saurait être tenu responsable des contenus "articles" provenant des sites externes partenaires.
Droits de reproduction et de diffusion réservés