Actualités :: Avant, pendant et après les élections : Comment construire l’image (...)

Voici la deuxième partie des réflexions de l’écrivain Hassane Baadhio portant sur l’image dans la communication politique en Afrique. Après "la symbolique de l’image", publiée dans notre édition du 5 juillet, nous vous proposons cette fois, un écrit initialement intitulé : "Afrique : démocratie théâtrale ou envol des alizés ?"

Vingt et unième siècle, le mot démocratie s’universalise. Partout, la sonorité du mot prend des acceptions propres au langage de nos gouvernants.
Combat universel quoique titanesque. Apprentissage aussi, les volontés et les désirs s’entrecroisant pour solliciter une séparation nette entre les différents pouvoirs. Et encore, suffrages multiples avec comme corollaire des maux faisant défaut à l’élégance démocratique.
En terme d’image, on peut se poser la question simplement : quelle est la force réelle du vote ? Et de quelle couleur est le bulletin ?

Au sortir des indépendances, le long apprentissage de la démocratie en Afrique sera parsemé d’embûches. Et non des moindres. En théorie, nous le savons tous, le suffrage universel donne sûrement plus de légitimité aux vainqueurs des élections. Dans la pratique, on n’attend même pas le soir du verdict des urnes pour constater les distances réelles mais malsaines du jeu démocratique.
Voici sans doute le tableau vécu des ambitions démocratiques africaines. A qui la faute, lourde faute s’entend ?

Le décor (en termes imagés) nous renvoie dos à dos. Responsables politiques et intellectuels plus que tout autre, en première ligne.

En ne respectant pas les fondements même de la démocratie, il faut affirmer mezza-voce que la démocratie théâtrale n’est pas pure invention. Et nous posons en additif, la question suivante : envol des alizés ? Démocratie théâtrale, restons - y pour cerner certains faits. Autrement, pourquoi la démocratie n’est -elle pas réalité en Afrique ? Rappelons d’abord que démocratie rime avec élections libres et transparentes, candidatures plurielles, commissions électorales indépendantes et proclamation des résultats, une fois toutes ces conditions remplies, acceptées par tous les protagonistes.

"Si l’image pouvait se vendre en Afrique..."

L’image actuelle, c’est que le cheminement démocratique en Afrique est balbutiant. L’apprentissage des urnes pourrait-il devenir fleuve tranquille sur ce continent qui a tant soif d’avoir des responsables réellement élus ?

Ainsi, on classe ou étiquette les candidats aux postes électifs de candidats du parti majoritaire au pouvoir et les autres candidats de l’opposition. Si l’image pouvait bien et mieux se vendre en Afrique, elle poserait le fondement de la paix si tant est que les candidats des deux bords savaient se donner la main, quand bien même chacun joue sa partition et sa chance. Concourir et avoir en face de soi un autre, ce n’est pas être son ennemi.

Malheureusement, assez souvent en Afrique, le spectacle politique confine à des rivalités, inimités. Notre rôle en tant qu’intellectuel est de jouer notre partition en faisant de la critique constructive, la démarche nécessaire pour l’aboutissement de ce que nous appelons la "culture du succès" c’est-à-dire, reconnaître, ses qualités et si possible, savoir l’encourager dès lors qu’il devient l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. Simplement, nous voulons dire que les mérites en politique existent. En général d’ailleurs, il faudrait beaucoup de patience, une bonne dose de sagesse, des retournements de situations et même la gestion de l’imprévisible pour se voir estampiller leader et surtout leader politique.

Dommage, car le raccourci est cette sorte d’image qu’ont les Africains de la politique. C’est le tout , tout de suite. Et l’après alors ? Comme dirait l’autre, demain c’est un autre jour. En lisant la presse, nous constatons qu’elle parle de candidats ne pouvant pas remplir une cabine de télécentre. Pour compléter, nous dirons que les « candidats - télécentres » doivent faire preuve de maturité et de courage. Souvent, la course peut être de longue haleine. Le plus important est la conviction qu’on y met. Et cela est valable pour toutes les professions.
Image, image encore ! Certaines personnes devenues personnalités pensent à tort que leur renommée suffit à les faire proclamer vainqueurs.

Certes, indépendamment du fait que la démocratie théâtrale est le lot quotidien, force est de reconnaître que pour une meilleure respectabilité on ne confonde pas renommée et reconnaissance du peuple.

"Image pyramidale et communication politique"

Projets de société, ambitions politiques, réalités africaines peuvent -t-elles se conjuguer ? Redisons- le, certaines personnes peuvent être plus utiles ailleurs qu’en politique. Là où elles ont le mieux prouvé leurs capacités. Il y a souvent un véritable problème d’orientation en Afrique.

Pourquoi parle-t-on de parvenus, de parachutés ? La réponse à notre question précédente est la suivante : pour une meilleure conjugaison (des efforts) il faut une sorte de refuge conventionnel. Parce que la bonne image reflète le confort de la sécurité. En Afrique, pensons-nous, les matériaux (du passif) ainsi que les fondements (du présent) de l’image doivent ressembler à l’arbre dont la sève (l’image ici) nourrit les racines et les branches. Et derrière les enjeux de l’image, il y a le regard extérieur toujours à nous interpeller sur le comment mieux se faire apprécier, reconnaître, imposer ? Réussir et toujours évoluer devant être les mots- phares.

Comme les enjeux politiques se définissent de la base vers le sommet, nul doute que nous dirons un mot de l’image pyramidale.
L’être humain est, au-delà de toute image, un reflet. Et ce reflet symbolise l’impact de l’image en même temps qu’il permet de mieux connaître la distance de l’image. L’image pyramidale a une importance capitale dans la communication politique.

C’est l’élément fédérateur, la courroie de transmission, le milieu axial entre réception et émission. A dire vrai, en termes politiques, le nœud principal de l’activité politique. Réussir à définir puis à maîtriser une image pyramidale est déjà un avantage pluriel pour les personnes dont l’ambition est la gestion de la Cité. A travers cet élément démonstratif, disons qu’il existe ce que nous nous appelons le nid de l’image.

Exemple, un parti politique, avec sa structure pyramidale. Ledit parti est au cœur de son système d’images. C’est lui donc qui est aussi le nid de l’image. Pour mieux symboliser, on peut penser à l’équilibre dans la répartition des tâches. Car dans un ensemble, l’image, pour réussir et attirer, doit forcément faire appel à l’équilibre.

"Quel bon veut soufflera sur la démocratie africaine ?"

On le sait, travailler sa propre image, celle de son groupe et celles des différents ensembles entraîne la créativité de l’image, symbiose du parcours et des parcours, additions des ambitions et négations des défauts.

Ainsi donc, multiplication des regards d’autrui. Le soi va vers l’Autre et l’Autre reflète le pluriel de soi dans une image. Les étapes vers ces réalisations sont des filtres positifs de la somme des connaissances individuelles. La démocratie c’est la somme et le regard de cette somme. Comme on dit plus simplement qui t’as fait roi ?

Quel bon vent soufflera sur la démocratie africaine pour qu’elle soit reconnue comme acceptable ? Les idées démocratiques sont comme des chambres à air. On gonfle, on gonfle jusqu’à s’assurer qu’on peut rouler.

Alors une fois remplie d’air, on peut monter sur l’engin dont on est sûr qu’il est en équilibre, positionné pour le bon départ : la démocratie aussi doit être équilibre. Ah ! démocratie de mes abîmes, abîmes de mes pensées. Où es-tu donc, profondeur des lumières démocratiques ? Ici encore, intervient la force de l’image. Celle qui prend racine dans l’équilibre de l’essence démocratique. Depuis le processus dit démocratique à la réalité démocratique : les fondements d’une vivacité du plus grand nombre.

C’est sûr, la démocratie théâtrale est l’expression de la dictature de l’image, plus encore, le mirage des complexes impulsifs et des pulsions complexes. L’image est comme un auditorium. Participatif, il est enrichissant. Directif, il devient lassant. Pour passer à cet effet d’une image négative à une plus positive, il faut la progression et le rythme (rythmique) de l’image.

En politique, rien n’est définitif dans l’absolu mais le provisoire ne doit pas s’installer. Car le provisoire, c’est à terme l’image floue, l’expression du tâtonnement et de l’émiettement. Alors, pour ne plus demeurer dans la réalité théâtrale de la démocratie on peut dire que, dans une bonne campagne politique, il n’ y a pas de monopole de l’image. La fluidité de l’image a un impact des plus positifs.

Au demeurant, diversité et pluralité en termes d’image sont nécessaires mais il doit y avoir un pôle directionnel très fonctionnel. Attention donc aux surplus, superlatif et superflu de l’image.Derrière les enjeux des images, il y a les crises de pouvoir. Les frasques de l’identité (physique et politique) mènent à l’inconnu. Or, toute identité n’est pas par définition une inconnue. Evitons donc le monopole singulier de l’image qui symbolise une dictature de l’identité politique et du leader.

"Asseoir une aura des leaders politiques"

L’image -monopole est une réalité vivace en Afrique.
Le déficit démocratique de notre continent trouve là une de ses causes profondes. A tout vouloir monopoliser, on crée des frustrations, rivalités et autres angoisses.
Quand bien même la démocratie, ce n’est pas une oasis, mais un processus, force est de reconnaître qu’on ne définit pas une politique avec des abreuvoirs, mais qu’on abreuve une politique avec des ambitions.

Dans cette optique, le message politique fondamental quant à la gestion de la Cité a sa forme et son aura. Recherchons dans l’utile, le binaire de l’image : image d’ensemble image -ensemble. Binaire qui nous rassure que l’image est instructive, éducatrice, directrice.

En matière de communication politique, ne faut-il pas considérer les images négatives et ténébreuses comme des denrées périssables ? N’oublions donc pas qu’outre la sève de l’image, il y a les feuilles c’est-à-dire le peuple. L’image est une école. Adressée au peuple au sens de communication politique, c’est une classe. Il faut l’éducation et le savoir dans l’évolution. Mieux on avance en classe, mieux on se prépare aux futures réussites ainsi qu’aux contraintes professionnelles.

La rencontre des personnalités (ici le physique et le parler) contribue à définir et asseoir une aura de nos leaders politiques. Pour ne plus que nous baignons dans cet univers théâtral, posons-nous cette question : identité politique africaine : quels nouveaux regards pour une dynamique intellectuelle ? La participation des intellectuels africains serait une grande aubaine. Les intellectuels ne sont pas les ennemis des suffrages universels. Ils doivent pouvoir être des guides et concepteurs pour un meilleur rendement du processus démocratique.

En termes imagés, l’Afrique est un paradis ou plus exactement une île paradisiaque. Mais comment la rentabiliser ? Des stratégies de l’image s’imposent. Et si un ajustement intellectuel s’imposait à nous les Africains ? Au fait, envol des alizés ou pas, comment créer l’électrochoc pour que l’image africaine soit positive ?

"Additionner les volontés individuelles"

Commençons, entre autres suggestions, à chercher l’indicateur de l’identifiant, donc du votant. C’est-à-dire chercher le ressort de l’image de l’individu comme le ressort d’une montre, de sorte qu’il indique le temps et les directions cardinales. On doit y retrouver les fondements positifs. (culture, science, développement, etc.).

Entre en ligne de compte, l’identité- spirale. L’addition des volontés individuelles donne naissance à la spirale du développement. N’est-ce pas qu’un des meilleurs indices du développement, c’est la vitalité de l’image ? Tant et si bien qu’elle participe au progrès d’autant que tout va d’elle pour revenir à elle. En bien comme en mal ?

Les Africains peuvent se convaincre que si la démocratie ne peut être parfaite, elle peut tendre vers l’horizon de la perfection. Quoique dans ses fondements même, elle est arbitraire ( fixation du jour, de l’âge de vote, etc.).
Vitaliser, dynamiser la personnalité africaine, telles doivent être les fonctions primordiales des faiseurs d’image. Une image, pour être bonne et ancrée, doit répondre à des impératifs.

Longtemps, par euphémisme des couleurs, on a assimilé l’homme noir au noir. Tout ce qui est sombre, nuisible, donc noir est attribué au nègre.
Espèce humaine vivante, dévalorisée comme jamais. Et le spectacle, sur bien des aspects de la conduite du nègre, allait malheureusement conforter cette idée. Une bonne image crée le développement en politique ; citons des situations qui ne font pas forcément honneur aux Africains.

Premier exemple : la force du clientélisme. Elle a des effets néfastes, même en termes d’image. L’expression "tube digestif" traduit cette vérité. Et d’aucuns, souvent ironiquement de se poser cette question : quel ventre a l’Africain pour que son tube digestif soit insatiable au point de tuer son propre développement ? Deuxième exemple, la responsabilité des intellectuels africains. En termes de développement, on évoque un certain nombre de médecins ou de magistrats pour une population donnée. Cela permet de mesurer la bonne avancée du progrès.

Question : un intellectuel pour combien d’analphabètes en Afrique ? Troisième point : comment obtenir le transfert d’une démocratie théâtrale vers une démocratie représentative et participative ?

Sûrement qu’une bonne image (l’expression de la vitalité d’une personnalité) anticipe les évènements. En même temps que l’image-évènement doit être un concept prisé, en même temps elle se doit d’être une réalité. On constatera alors l’amorce d’une anticipation tout en mesurant les bienfaits. Recherchons l’utilité de l’image pour asseoir les fondements d’une véritable démocratie africaine. Il ne faudrait pas que celle-ci ressemble à des mots qui s’envolent au contact d’un bon vent.
Où sont les alizés ?

A suivre...

B. Hassane BAADHIO,
Ecrivain africain
Tél. : 76 63 11 65 courriel : hassane.baadhio@laposte.net

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