Actualités :: LE TOCSIN : Et si Hermann Yaméogo se trompait tout simplement de combat (...)

La sortie, mercredi dernier, de Me Hermann Yaméogo, invité de Christophe Boisbouvier sur RFI, n’a pas été du goût du TOCSIN, qui le fait savoir dans la déclaration suivante.

Les auditeurs d’Afrique et plus singulièrement du Burkina ont écouté avec beaucoup d’intérêt l’interview que l’un des acteurs de la scène politique burkinabè a accordé à RFI et diffusé le mercredi 22 juillet 2005. L’homme n’est pas un inconnu ni un novice de la politique.

Il n’est pas non plus ignorant du droit tant national qu’international. Sa naissance (fils du père de la nation), son engagement politique (président de l’UNDD et député à l’Assemblée nationale) et social (collectif de lutte contre l’impunité) et son parcours politique (participation à plusieurs gouvernements) font de Hermann Yaméogo une personnalité de premier plan de la scène publique nationale et africaine. Aussi les paroles d’une telle personnalité n’engagent-elles pas que sa seule personne.

Le TOCSIN, dans son combat pour la citoyenneté des Burkinabè de l’extérieur, s’est retrouvé en première ligne de la lutte pour la défense des Burkinabè en Côte d’Ivoire dès les premiers signes des dérives xénophobes qui les ont pris pour cibles privilégiées. C’est au nom de la lutte contre toutes les formes de violences à l’encontre des populations migrantes que le TOCSIN n’a de cesse d’interpeller les autorités politiques et administratives burkinabè sur leur responsabilité quant au sort des Burkinabè vivant en Côte d’Ivoire.

Mais s’il est vrai que le parti majoritaire est comptable du bien-être et du malheur des Burkinabè de l’intérieur et de l’extérieur (par action ou par omission), il est tout aussi vrai que les partis de l’opposition le sont également lorsqu’ils n’assument pas leurs responsabilités qui consistent à dénoncer les travers de ceux qui ont le pouvoir d’Etat, à agir dans le sens de la défense des intérêts majeurs du peuple burkinabè et à proposer des modèles de développement alternatifs.

Une conspiration du silence

Mais quelle est l’image que la classe politique burkinabè nous a offert de voir face à la crise ivoirienne ? Un spectacle désolant où les intérêts mesquins et les considérations politiciennes ont pris le pas sur les sentiments nationaux et sur la compassion à l’égard des victimes qui se comptent par centaines de milliers. Nous avons eu l’occasion de l’exprimer aussi bien dans les médias que le 6 février 2003, devant une des commissions de l’Assemblée nationale réunissant des représentants des partis politiques présents à l’hémicycle.

En effet, quelles sont les personnalités politiques, tant de la majorité que l’opposition, qui ont élevé une protestation vigoureuse pour condamner la tuerie des Burkinabè à Tabou (1999), les viols, les violences, les spoliations, les enlèvements et les massacres des Burkinabè en Côte d’Ivoire depuis l’accession au pouvoir du FPI de Laurent Gbagbo ? Une sorte de conspiration du silence semble s’être emparée d’une classe politique qui n’a pas su anticiper les événements dans un pays où vivent pourtant plus de trois millions des nôtres.

En dépit de tous les atermoiements des autorités et de l’insuffisance de moyens mis en oeuvre, le TOCSIN a salué en son temps l’opération « Bayiri » et les différentes actions menées par le ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale en faveur des rapatriés qui ont rejoint le bercail dans des conditions inhumaines. C’est l’occasion pour nous de remercier, au nom des rapatriés et des victimes de la crise ivoirienne, toutes les bonnes volontés qui ne cessent d’apporter (souvent dans la discrétion) une assistance à la détresse humaine.

Mais il nous faut déplorer le fait que l’on n’a pas compris ou voulu comprendre qu’en réalité, il s’est perpétré en Côte d’Ivoire un génocide contre le peuple burkinabè, considéré comme le bouc émissaire de toutes les difficultés du pays.

La dernière sortie de monsieur Hermann Yaméogo s’inscrit dans un climat délétère où les accords de Pretoria entrent dans une véritable impasse, où le président Gbagbo vient de créer un incident diplomatique avec le Gabon, où les milices organisent des massacres à Duékoué et une chasse aux allogènes à Alépé (plus de 300 personnes viennent d’être chassées de leurs plantations et habitations), où il est préconisé par le chef de l’Etat la mise en place d’une administration d’exception dans l’Ouest ivoirien (nomination d’un gouverneur et de préfets militaires, la confirmation des milices d’auto-défense dans leur rôle), la militarisation de la ville d’Abidjan (mise en place d’un PC Opérationnel Intégré qui fonctionnera 24 heures sur 24 sous le commandement d’un officier supérieur, création de cinq unités d’interventions décentralisées en collaboration avec l’armée, la gendarmerie et la police), l’organisation de patrouilles périodiques et l’invite à la délation avec la mise à disposition du public d’un numéro de téléphone pour signaler toute présence suspecte.

Le tableau ci-dessus dépeint un président ivoirien aux abois et l’intervention de monsieur Hermann Yaméogo s’inscrit objectivement dans une opération de réhabilitation du président Gbagbo, qui semble ne plus savoir à quel saint se vouer. Que le président Laurent Gbagbo se compare à N’Krumah, à Lumumba et même à Sankara (aidé en cela par les thuriféraires du régime), il n’y a rien de surprenant tant l’homme est à la recherche de modèles politiques pour justifier les difficultés qui sont les siennes pour conduire le navire ivoirien à bon port.

Ne se fait-il pas appeler du reste le Christ de Mama (nom de son village) ? Mais qu’un homme d’Etat, de la trempe de Hermann Yaméogo, se retrouve à jouer les avocats de l’homme qui est à l’origine de l’application en grandeur nature d’une politique d’exclusion et de violence qui a vu plus de 350 000 Burkinabè rejoindre le bercail (pour les plus chanceux), et des milliers de morts disséminés dans les différents charniers et autres fosses communes (pour les plus malchanceux), c’est à ne plus rien comprendre de la politique et des hommes politiques !

Que l’on critique la politique mise en œuvre par le parti majoritaire, que l’on condamne les révisions constitutionnelles, que l’on s’indigne de l’insécurité galopante, que l’on déplore la paupérisation de la population, que l’on dénonce la nième candidature de monsieur Blaise Compaoré, quoi de plus de normal pour un citoyen désireux de voir son pays plus prospère ou tout simplement mû par l’ambition noble de présider à la magistrature suprême ! Mais que l’on puisse affirmer que l’ivoirité est une « simple question » qui n’explique pas la détérioration du climat social et politique en Côte d’Ivoire est surprenant.

La promotion du groupe BAD

Comment comprendre que du jour au lendemain, des millions d’Ivoiriens se retrouvent être des Ivoiriens aux origines douteuses, qui doivent de ce fait justifier de leur ivoirité afin de prétendre pouvoir posséder une carte nationale d’identité provisoire ou un certificat de nationalité qui a une durée de six mois ? Comment accepter, au nom d’une politique de préférence ethnique, que les Ivoiriens du Nord subissent des discriminations dans les emplois et dans les postes de responsabilité ?

Comment expliquer que, sur la base du patronyme, des Ivoiriens soient marginalisés dans leur pays ? Comment justifier le recrutement massif au sein des forces de l’ordre et de sécurité de jeunes majoritairement du Sud ? Comment expliquer la promotion dans les médias publics des personnalités issues presqu’exclusivement du groupe BAD (Bété-Attié-Dida) ? Etc. ; etc.

La seule réponse crédible et honnête est la politique de l’ivoirité. Comment expliquer l’épuration ethnique qui se déroule en zone sous contrôle des Forces loyalistes ? Quelles sont les forces politiques qui revendiquent la xénophobie et qui estiment que le taux de tolérance des étrangers en Côte d’Ivoire est largement dépassé ?

Quelles sont les forces qui instrumentalisent les populations dites autochtones et les arment pour des opérations de chasse aux allogènes et allochtones, sous prétexte qu’ils contribuent par leur présence à implanter des forces politiques de l’opposition dans des régions ethniquement BAD ?

Quels sont les hommes et femmes politiques ou militaires qui se reconnaissent dans les mouvements des jeunes patriotes responsables des exactions à l’encontre des populations étrangères et plus singulièrement des ressortissants burkinabè ?

Autant nous comprenons et partageons l’art politique qui consiste à tirer profit, pour les forces de l’opposition, des erreurs et insuffisances de la majorité, autant nous condamnons le fait que l’on puisse se servir du sang des Burkinabè de l’extérieur à des fins politiciennes. La politique ne doit pas se départir d’une once de moralité, de probité, de compassion et de solidarité.

A supposer que les autorités politiques burkinabè soient réellement impliquées dans le déclenchement de la crise ivoirienne (une accusation n’est pas une preuve tant que la Justice n’a pas statué), en quoi les Burkinabè résidant depuis des dizaines d’années dans ce pays sont-ils comptables des décisions politiques de leurs gouvernants ? Les aurait-on consultés à cet effet ?

L’avocat Yaméogo est-il en train de faire comprendre au monde qu’il est légal et moral que les Etats se fassent justice en s’en prenant à d’innocentes victimes ? Est-il juste de faire payer à une communauté les erreurs ou les iniquités de ses dirigeants ? Du reste, comment peut-il expliquer aux milliers de ressortissants du Boulkiemdé chassés, torturés, assassinés que le véritable responsable est le Président du Faso ?

Peut-il aller expliquer aux rapatriés de Nimpouy que leurs plantations en Côte d’Ivoire leur ont été retirées au bénéfice du Président du Faso ? Tout au long de la crise ivoirienne, le TOCSIN a attendu et espéré en vain, à l’endroit des victimes et des morts burkinabè, un zeste de compassion de la part de monsieur Yaméogo sur lequel ont pesé pourtant de nombreux soupçons et accusations de félonie. En son temps, le TOCSIN s’est insurgé contre de telles manœuvres qui ne sont pas fondées par des raisons judiciaires.

Mais tout en respectant les choix politiques de monsieur Hermann Yaméogo, nous ne pouvons ni cautionner, ni admettre, par un silence coupable, des assertions tendant à faire des victimes burkinabè de la crise ivoirienne un fonds de commerce politique. L’exploitation de la question du vote des Burkinabè de l’extérieur, telle que mentionnée par monsieur Yaméogo sur les ondes de RFI, pose problème sur le plan éthique.

Comment peut-on se préoccuper du vote des Burkinabè résidant en Côte d’Ivoire alors que l’on n’a point du tout œuvré à les secourir ou à défendre leurs droits au moment où ils sont victimes de toutes les violences possibles et imaginables ? Comment peut-on se vêtir du manteau de la défense de la citoyenneté des Burkinabè de Côte d’Ivoire alors que l’on n’a cessé de présenter leur principal bourreau comme un héros, un patriote de la trempe de N’Krumah et de Lumumba, « représentatif de ces nouveaux présidents qu’on aurait aimé voir émerger en Afrique, pour lutter contre le phénomène de la néodomination » ?

Pour le TOCSIN, avant que d’être une affaire politique, le vote des Burkinabè de l’extérieur est une question de dignité et de droits humains. Les Burkinabè résidant en Côte d’Ivoire, avant de devenir des êtres votants, sont des êtres vivants. Le vote demeure un luxe pour qui n’a ni la santé, ni la sécurité, ni la liberté. Peut-on parler de vote pour tous les Burkinabè qui ont trouvé la mort dans les différents charniers de Côte d’Ivoire ?

Assurément non ! Si monsieur Yaméogo est vraiment préoccupé par le sort de nos compatriotes, nous n’en serons que fort ravis et l’invitons par conséquent à se joindre à nous pour exiger que des réparations soient faites à toutes les victimes de la crise ivoirienne, sans discrimination. Qu’ils se joignent à nous pour mobiliser des ressources afin de permettre aux rapatriés de survivre au Burkina dans la dignité.

Tous pour le combat de la solidarité et de l’intégration !

Fait à Ouagadougou, le 22 juin 2005

Le TOCSIN

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