Actualités :: Lettre ouverte à l’ambassade de France : Par un candidat à l’immigration (...)

Au moment où l’actualité nationale est dominée par les élections présidentielle et municipales à venir, je viens respectueusement, par le biais de cette lettre ouverte, décrier un système qui m’inspire la révolte.

Je lance un appel aux responsables de l’ambassade de France et à nos autorités politiques et administratives :

Pendant que des pays comme l’Espagne et l’Italie sont en train de régulariser la situation des immigrés sur leurs territoires, la France, chaque jour que Dieu fait, instaure des moyens de plus en plus répressifs pour lutter contre l’immigration et/ou réprimer les immigrés en France. Est-ce que dans cette ère de mondialisation et de globalisation, un pays dit "développé" doit s’illustrer par la fermeture de ses frontières ? Comment comprendre que la France, qui est notre métropole, ne puisse pas faciliter notre immigration sur son territoire ?

Et pourtant, il n’y a pas si longtemps, lorsque l’Europe avait besoin de main-d’œuvre bon marché pour construire l’Amérique, à qui s’est-elle adressée ? A l’Afrique ! Nos ancêtres n’ont-ils pas été parqués et vendus comme des troupeaux ? C’est l’argent de ce commerce qui a servi au développement de cette Europe dont vous êtes si fiers !

Par ailleurs, quand l’Europe a eu besoin de bras valides pour mener sa guerre, à qui s’est-elle adressée ? Encore à l’Afrique ! Nos grands-parents ont été conduits comme du bétail à l’abattoir, et jusqu’à aujourd’hui nos anciens combattants attendent d’être réhabilités dans leurs droits.

L’Afrique est vue par l’Europe comme un maçon qui construit un immeuble, et qui, après la -réception finale, n’a plus le droit de visite dans cet immeuble. Soit il y a l’affiche d’un chien méchant à la porte, soit il y a un vigile calé, kalachnikov à la main. Voici exactement ce que l’Afrique représente pour l’Europe d’aujourd’hui : l’immeuble, c’est l’Europe, le pauvre maçon c’est l’Afrique, le chien et le vigile représentent la police et les méthodes restrictives.

Excusez-moi de généraliser le débat sur le plan Afrique-Europe, car j’en veux particulièrement à la France, qui n’est pas reconnaissante vis-à-vis de ses anciennes colonies d’Afrique.

En effet, après la PAF (Police des Airs et des Frontières), ils sont en train de mettre en place une commission d’enquête sur les mariages de complaisance. Il ne reste plus qu’à voter une loi interdisant aux Français le droit de se marier avec des Noires.

Mais ce que la France oublie, c’est qu’elle incite elle-même les jeunes à la clandestinité.

En effet, plus les mesures contre l’immigration sont corsées plus elles génèrent d’irrégularités.

Le courage et la détermination d’un Africain qui a le goût de l’aventure ne peuvent être ébranlés par des mesures, aussi restrictives soient-elles. Déjà pour avoir un visa à l’ambassade de France, c’est la croix et la bannière. Ils vous demandent une tonne de documents accompagnée de « motifs valables ». Quant au visa de long séjour, n’en parlons même pas ! Il faut justifier, entre autres, d’un logement, d’une couverture sociale et d’une raison professionnelle (étude, stage, contrat de travail...).

Pour un contrat de travail ou un stage professionnel, il faut que le futur employeur prouve qu’il n’a pas trouvé un meilleur candidat en France. Comment voulez-vous, dans ces conditions-là, que l’on puisse trouver du travail ? Et même pour s’inscrire en premier cycle d’université, il faut passer par l’ambassade, et le choix des universités est réduit à deux au maximum. Pourquoi faut-il forcément passer par l’ambassade ?

Le comble n’est-il pas que ce soient ces mêmes employés de l’ambassade qui crient dans les médias que les Burkinabés sont les moins nombreux dans les universités françaises ? Messieurs de l’Ambassade, je m’adresse à vous : « Que faites-vous, pour qu’il y ait beaucoup plus de Burkinabé dans vos universités ? » (Hormis les Bourses, car tous les élèves ne peuvent pas être boursiers.)

D’aucun se demanderont pourquoi je suis si révolté contre le système français. Laissez-moi vous dire que je suis un jeune Burkinabé qui vit en concubinage avec une jeune Française depuis bientôt deux ans. Nous explorons ensemble les voies et moyens pour que je puisse passer un an en France afin de mieux comprendre nos différences socioculturelles, connaître sa vie, ses amis, sa famille, car il nous paraît important, avant de s’engager avec une personne, de connaître ses antécédents.

Dans l’espace d’un trimestre, j’ai hébergé quatre personnes de son entourage (parents et amis), désireuses de me connaître et de rencontrer ma famille. Toutes ces personnes sont prêtes à se mobiliser pour m’accueillir à leur tour en France. Je peux donc justifier d’un logement et même d’une couverture sociale.

Mais du côté de l’ambassade, il n’est pas question que j’aie un visa de long séjour (1 an) tant que je ne pourrai pas justifier d’un motif professionnel (contrat de travail, convention de stage, inscription à la fac, etc.), ou d’un acte de mariage.

Et là aussi ce n’est pas automatique, car il faut attendre un an au moins pour que la France reconnaisse cette union.

C’est là mon indignation : au Burkina, le conjoint bénéficie immédiatement des droits civils après le mariage. Et même sans passer par le mariage. Ma compagne n’a pas eu à justifier de quoi que ce soit pour avoir son visa burkinabé, car avec ma simple adresse, elle a obtenu un visa touristique d’un an (s’il vous plait ! ) et le droit de travailler en bonne et due forme ! En dehors de toutes ces considérations, nous sommes très jeunes et nous n’avons pas encore une situation stable. Nous ne voulons pas prendre le risque de nous marier de manière aussi précipitée. Je suis un citoyen honnête, conscient des valeurs républicaines d’un Etat.

Je n’ai pas envie de faire un mariage en blanc rien que pour aller en France. J’aimerais me marier en temps et heure voulus, de mon plein gré. Mais si l’ambassade m’y oblige, je n’aurais plus d’autre choix. Parce que j’ai aussi besoin de connaître ma petite amie dans son milieu naturel et de voir comment nous évoluerons ensemble dans un contexte hors de chez moi, hors de mes frontières, loin de ma famille et de mes amis. Sans oublier que ma copine a aussi envie de reprendre ses études, qu’elle avait interrompues pour venir vivre ici, auprès de moi.

Alors, M. Francis Blondet et sa suite, faites quelque chose, car je connais pas mal de jeunes couples qui sont dans cette situation de « je t’aime, mais... tu ne peux pas venir chez moi, car les autorités te l’interdisents". Expliquez-nous clairement la démarche appropriée dans ces cas de figure, et parlez-nous du PACS.

Que font nos autorités pour les candidats à l’immigration ? Il faut développer des moyens d’information et des mesures d’accompagnement pour les demandes légales de visa, en vue de les étudier cas par cas. Ainsi vous contribueriez davantage à diminuer le nombre des immigrants clandestins et aussi à éviter les morts dans les trains d’atterrissage des avions.

Comment se fait-il que de Paris, il soit possible d’obtenir un visa burkinabé en 2 heures, et qu’à Ouagadougou, un Burkinabé doive attendre des jours et des jours avant d’avoir son visa pour la France, s’il l’obtient ? Il suffit de jeter un regard sur nos voisins (la Côte d’Ivoire, le Mali, le Sénégal) pour s’apercevoir que ce sont des pays où il y a une volonté politique qui accompagne les artistes et les candidats à l’immigration. Et quand vous lisez un journal du show biz ivoirien, vous avez l’impression que tous les artistes ivoiriens résident en Europe.

C’est pour cette raison, qu’ils arrivent mieux à exporter et à vendre leur culture. Je ne suis pas un artiste, mais je déplore les conditions de vie de nos artistes ainsi que de nos promoteurs culturels. Au lieu d’attendre des expulsions pour chercher des méthodes de réinsertion, il vaudrait mieux s’attaquer au mal depuis la racine. Il serait sans aucun doute préférable d’encourager les gens à opter pour des procédures officielles d’immigration, car vous n’êtes pas sans savoir que la diaspora contribue énormément au développement d’un pays.

J’utilise délibérément la voie de la presse, car l’accueil à l’ambassade de France ressemble à tout sauf à un accueil : personne ne veut y prendre ni perdre son temps à vous recevoir, on vous renvoie purement et simplement devant une affiche qui ignore souvent certaines réalités, ou on omet volontairement de les mentionner ! Il n’y a personne avec qui discuter, et les rares responsables qui vous rencontrent après le dépôt des dossiers se montrent hautains et irrespectueux à votre égard, comme si vous ne valiez rien !

Ce n’est pas cette employée franco-africaine de l’ambassade qui me dira le contraire ! Car même si elle écrit de la main gauche, cela ne lui donne pas le droit d’adopter une attitude aussi gauche et méprisante envers les gens.

J’encourage vivement les couples qui sont dans la même situation que nous (ma copine et moi), à donner eux aussi leur témoignage d’une situation aussi éprouvante et aussi incertaine pour bâtir l’avenir. A l’avance je vous remercie. Quant à vous l’ambassade , la balle est à présent dans votre camp.

Un candidat à l’immigration légale

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