Actualités :: Lettre à un médecin inquiet : "Il faut un électrochoc pour la santé au (...)

Le secteur de la santé au Burkina connaît beaucoup de bouleversements qui en affectent la bonne marche. Pour répondre aux inquiétudes émises par un médecin à travers nos colonnes, le Docteur Jean-Gabriel Taoko l’un des meilleurs médecins burkinabè procède à une véritable radioscopie de ce volet hautement social. Tout en établissant le diagnostioc il élabore quelques pistes pour un mieux-être du médecin et partant des Burkinabè.

Tandis que d’épais nuages s’amoncellent sur les services de soins de santé burkinabè, l’écho d’un appel au secours d’un médecin burkinabè dans l’une de vos éditions me parvient.
La situation économique des médecins au Burkina Faso est préoccupante ! Ceci n’est pas nouveau, mais ceci explique-t-il cela ?

L’art, la profession, qui consiste à prendre en charge le bien-être des autres, est une bien "curieuse" profession, passionnante, qui exigerait la vertu.
Malheureusement, je ne crois pas que la pauvreté et la misère engendrent la vertu !

L’appel au secours de ce médecin est certes sincère, grave et urgent mais ne "tombe pas à pic" comme on dit et risque de n’être pas entendu et écouté.
Je m’en explique dans cette espèce de rapsodie épistolaire qui livre mon opinion, qui a très peu varié depuis un quart de siècle, il s’est enrichi d’expériences vécues dans le temps et l’espace.

Comment cet appel serait-il entendu au milieu de tant et tant de cris de détresse dus au manque de moyens matériels, humains et surtout au manque d’humanité qui malheureusement s’installe ou s’installera de façon durable dans notre pays si aucun électrochoc ne vient changer le cours des événements.
Il faut un électrochoc.

Cet électrochoc est une "cardioversion" non seulement sur le corps médical dont une partie "seulement" me dit-on, semble avoir perdu le sens d’humanité, mais aussi sur tous les burkinabè silencieux devant des dérives "terribles".
Il faut se départir du culturellement et politiquement correct qui consiste à fermer sa gueule quand bien même ça va mal !

C’est l’attitude du "caméléon équilibriste" qui, par trouille, lit et approuve, en catimini, ce qui est dit et écrit dans les médias mais se tait, tout en guettant le côté où se penche la balance, "car on ne sait jamais" !
Il est à craindre que la contagion atteigne tous les secteurs et spécialités médicaux car, lorsque deux cultures se mélangent, c’est la mauvaise qui l’emporte sur la bonne.

La situation dans les maternités et la corruption

La publication répétée d’articles de presse sur la situation des services de soins, loin de constituer un marronnier pour les médias, devient un feu rouge clignotant !

Décembre 2003 : une thèse de doctorat en médecine de l’université de Ouagadougou sur les complications au cours du travail à la maternité nous livre que 27% des femmes décèdent de rupture utérine !!! Les couloirs obscurs... Le SOS du 31 décembre 2004 dans les médias pour obtenir "une recette" qui guérit... La situation dans les maternités... Où la joie de l’enfantement est remplacée par l’angoisse, le stress d’un travail à l’issue incertaine voire dramatique comme cette expression "l’enfant est tombé raide mort" qui en dit long.

Pour sanctionner tout cela, le rapport du REN-LAC, en présence du représentant du PNUD ne laisse aucune illusion sur notre rang au prochain palmarès de cette institution ! Il s’agit de "dérapages", me dit-on. Mais lorsqu’il s’agit de dérapages incontrôlés, le ravin n’est pas loin et il faut se souvenir qu’il est profond.
Le moindre comportement déviant mérite sanction.

LA PYRAMIDE DE MASLOW, AU BURKINA FASO, SERAIT-ELLE AUSSI PLATE, À L’IMAGE DE NOTRE RELIEF ?

Revaloriser la profession de médecin

Mais de quelle revalorisation s’agit-il ?

* Revalorisation morale ou pécuniaire ?

Le salaire moral du docteur ; il est impayable !
Reconnu à Rood-Woko, au "21 de Réo" ou quelque part dans le Poni, dans l’Oudalan ou dans la Tapoa, le docteur qui a prodigué de bons soins à un patient est respecté, vivement remercié selon les solides fondements de notre culture et "ce n’est pas rien".
Cette attitude respectueuse, empreinte de dignité fait chaud au coeur de chair du docteur mais suscite aussi la jalousie.
Elle ne doit pas être confondue avec :

Un compliment flatteur et douteux.

La médecine, un sacerdoce, est un compliment inapproprié.
Pourquoi pas un soufisme ou que sais-je encore !
Aucune cérémonie christique ne consacre la qualité de médecin à qui que ce soit.
La profession médicale se féminise pour son plus grand bien... alors !

Votre serviteur est chirurgien et confesse avoir visité un certain nombre de fois l’arrière cavité virtuelle des épiloons sans n’y avoir rien trouvé !

Or jusqu’en 1983, cette spécialité était interdite, sous peine de bûcher ou au minimum d’excommunication, à ceux qui se consacraient au sacerdoce, donc, récusons ce "compliment" inapproprié qui plonge ses racines au moyen âge où les malades démunis étaient abandonnés à leur triste sort et entourés par ceux qui se préoccupaient de sauver les âmes.

Notre médecine est un humanisme, en ce sens qu’elle met l’homme (homo), et l’homme malade, donc faible, au centre de sa préoccupation et rien d’autre.
Cet humanisme n’est pas le fruit d’une réflexion sur un thème philosophique, mais un guide d’action.

Variation sur un vieux thème !

Pendant longtemps il était indécent de parler d’argent et d’économie dans les milieux médicaux et dans les départements ministériels s’occupant de politique de santé et des soins de santé.
Il faut abandonner la politique de l’autruche.
Le Burkina Faso et les Burkinabè ont tout à gagner dans la transparence.

Je parlerai sans aucun complexe d’argent et d’économie.
"Les poches des médecins burkinabè sont vides", nous dit l’auteur de cet article "Cri-du-coeur" !

Oui, votre serviteur a vu sa rémunération évoluer de dix mille francs CFA, (oui, je dis bien dix mille francs CFA) à deux cent quarante- sept mille quatre cents francs CFA d’octobre 1971 à octobre 1983. Dans ce contexte, j’ai, à posteriori compris, que garder la bonne humeur, sans râler, était signe de bourgeoisie, avec les conséquences et les sanctions qui sont désormais connues.
Ce n’est donc un secret pour personne. Au Burkina Faso, les docteurs ne sont pas fortunés.
Mais les salariés sont payés sans faute depuis août 60 jusqu’à nos jours.

Chance ou mérite de l’Etat ? A chacun selon sa sensibilité.

Il est vrai que la grande majorité des médecins burkinabè a fait des études à l’aide de bourses octroyées par l’Etat ou par des organisations au compte de l’Etat.
Le médecin doit donc honorer un engagement d’exercer sa profession au profit du peuple au nom duquel il a obtenu cette bourse, ou rembourser.
Pour satisfaire les nombreux besoins du pays, l’Etat a octroyé le statut "béton" de fonctionnaire envié aux médecins avec souvent, des entorses aux mérites individuels et à la limite d’âge de recrutement de la fonction publique. Mais aujourd’hui il faut des réaménagements !

* Revalorisation pécuniaire

C’est une vieille histoire car l’argent qui est le nerf de la guerre intéresse beaucoup de personnes.
Mais à parler vrai, l’argent ne peut pas motiver durablement.

Je ne veux donner de leçon à personne, et surtout pas à ceux qui sont dans de réelles difficultés.
La carrière de médecin est devenue aléatoire et peu gratifiante : la longueur des études, la difficulté de formation, les contraintes morales, les responsabilités attachées à ces fonctions ne correspondant plus à une profession entrant dans le cadre strict de la fonction publique burkinabè.

Une mention particulière doit être faite à la chirurgie, spécialité, aujourd’hui sinistrée, qui a longtemps bénéficié de l’afflux de coopérants étrangers, au point d’aveugler les irresponsables qui faisaient le tri entre les "réactionnaires indécrottables" et les chirurgiens révolutionnaires.
Il faut quinze à vingt-cinq ans pour former un chirurgien "sécurisé" et on n’entreprend pas cette spécialité à 35 ans !

Le réveil va être douloureux ! Et pour cause : cauchemar de Darwin !
Il faut pour cette chirurgie burkinabè des mesures incitatives pour créer des vocations et améliorer la formation car, il ne faut pas être naïf, nous n’entraînerons pas nos futurs chirurgiens chez nos voisins, pour les employer chez nous !

En France (souvent regardée et imitée), le médecin, praticien hospitalier nommé au concours n’est pas fonctionnaire comme l’infirmière qui bénéficie du statut de fonctionnaire, plus favorable.
Seuls les enseignants sont fonctionnaires.

Le médecin burkinabè et sa rémunération

La rémunération du médecin suit la grille de la fonction publique, identique à celle du diplômé de Serbo-croate ou d’Albanais recruté dans la même fonction publique.
Un médecin burkinabè travaille soixante-dix heures au minimum par semaine.

Il est disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
L’évolution de la carrière est automatique sans tenir compte des mérites individuels et quelques petits malins sont arrivés à se hisser en classe exceptionnelle avant la première prise de service !

Les médecins burkinabè sont sur tous les fronts d’épidémies (méningites, tuberculose, maladie du sommeil, VIH/Sida, hépatites virales, etc.) où ils sont exposés aux risques pour eux-mêmes et pour leur famille.
Nos contemporains attendent du docteur non pas tant qu’il prenne son rang dans la société, mais qu’il joue son rôle social (de sécurité sociale, d’urssaf, d’entraide) pour les plus défavorisés que lui-et tout en étant disponible dans sa profession.

Dans ces conditions, aucun médecin ne pourra assurer une vie décente à sa famille, payer l’éducation de ses enfants, assurer la formation professionnelle continue obligatoire pour rester simplement apte à son exercice et ne pas devenir un danger.

L’évolution de la courbe de démographie médicale au Burkina Faso, comparée à l’évolution de la richesse nationale, fait apparaître, dans un avenir très proche, l’impossibilité pour la fonction publique d’absorber tous les médecins dont le pays a tant besoin pour la couverture sanitaire en qualité, en sécurité et en nombre.

La place faite aux tradipraticiens- grande stratégie- deviendra à court ou à moyen terme, une usine à gaz, lorsqu’ils revendiqueront une égalité de traitement avec leurs "confrères" dont on connaît la filière et le contenu de formation.

Ils ont le mérite d’exercer leur "art" en privilégiant l’accompagnement psychologique et l’interprétation culturelle de la pathologie de leur patient.
Le tradipraticien a l’avantage de "bénéficier" du formidable biais de confusion bien connu : l’effet malade et l’effet médecin.

La tendance actuelle à introduire cette médecine dite traditionnelle dans les hôpitaux africains pour pallier les insuffisances de l’"evidence based medecine" annonce un cauchemar de Darwin.

Les solutions sont à inventer à partir du "génie créateur burkinabè libéré" des idéologies criminelles et ringardes.
Mais le génie est toujours individuel et jamais collectif.
Le rôle des organisations professionnelles est important ; malheureusement le collectif de médecins est noyé dans un syndicat fourre-tout dont les objectifs, évidents pour tous, sont autres que la valorisation morale et pécuniaire de la profession médicale.
Il faut donc être logique et tirer les conclusions qui s’imposent.

La qualité de la médecine d’un pays est le reflet de son niveau de développement

Sait-on seulement que la mortalité néo-natale, les modalités de prise en charge et de surveillance de la grossesse sont des indicateurs précis du développement d’un pays, autant que le taux de scolarisation ?
Le CONAPO burkinabè l’a souligné et en tient compte dans le pap III.

L’économie a donc son mot à dire en médecine de soins, en santé publique

Les modes de rémunération des professionnels de santé tout comme le financement des structures de soins de santé, sont d’une importance capitale car ils influencent certainement les comportements de chacun des acteurs.
L’Administration ayant pour souci la couverture médicale du pays, a recruté des médecins fonctionnaires au même titre que les diplômés de littérature serbo-croate et d’albanais comme dit plus haut.

Après huit à douze ans d’études et de formation, le médecin est sur la même grille salariale et a le sentiment que l’équité n’est pas respectée ;
Le seul moyen qu’il aura d’augmenter le niveau de ses revenus sera d’exercer une activité privée en théorie interdite aux fonctionnaires.

Il y aurait beaucoup à dire là-dessus mais tout le monde ferme les yeux et la bouche. Cette tolérance, cette faveur qui peut aller jusqu’au laxisme va-t-elle être supportée ?
Je voudrais, compte tenu de mes prérogatives d’aîné, atténuer la comparaison faite avec les juges ! C’est des propos qui pourraient être ceux d’un "poussin" d’hivernage qui ne connaît pas l’épervier.
Il ne faut pas se tromper de combat. Il ne faut pas réveiller la lionne qui fait la sieste.

. Les Burkinabè sont viscéralement attachés à la Justice au point d’en faire un idéal inscrit dans leur devise.
. La justice, ce substantif qui désigne à la fois, une institution, une utopie et une vertu est un des trois piliers inébranlables de la République.
. Il faut donc protéger la Justice et les juges. Le Ren-Lac ne doit rien avoir à redire...

Dans la "difficulté" ou par défiance, les Burkinabè utilisent le téléphone, la télécopie le courriel ou se de déplacent dans les pays voisins et lointains pour se confier à des professionnels de santé qu’ils ne connaissent même pas. Le justiciable ne peut faire autant !
Il faut compter sur la grandeur des juges pour ne pas précipiter la "judiciarisation" de la médecine qui, de toutes les façons, va venir (voir plus haut et Le Pays n°3181 du 03/08/04).

Or la fonction publique considère que le médecin est un acteur comme un autre.
La sainteté n’est pas l’hypothèse de travail de la fonction publique et pour elle le secteur de la santé n’échappe pas à la loi, même si elle reconnaît le dévouement et le désintéressement de nombreux médecins.
Cette divergence de points de vue est la source des dérives qui s’amplifient depuis deux à trois décennies.
Il faut trancher le noueux gordien.

Le médecin burkinabè est un "opérateur économique" potentiel

Certes, il ne porte ni le grand boubou en bazin brodé ni la chemise griffée Pathé’O, et n’exhibe pas un syndrome métabolique d’idéologue repenti et reconverti, mais reste tout de même :

- Responsable de la santé des actifs et travailleurs ;
- Un ordonnateur irresponsable de dépenses (individuelles ou collectives) lorsqu’il n’accepte pas que son exercice soit influencé par des considérations économiques ;
Le médecin, convaincu de défendre, en toutes circonstances, son patient qui, au demeurant partage ce point de vue, ne fait-il pas preuve de légèreté en proposant des "recettes" douteuses en raison d’une formation insuffisante et non renouvelée ?

Janv. 04, la publication (à l’occasion d’une grève) des budgets urgences des CHR à côté de celui des évacuations sanitaires montre une asymétrie.
Le médecin burkinabè est aussi
- Un employeur de main-d’oeuvre importante ;
- Un acteur dynamique de sous-traitance ;
- Un consommateur ;
- Un économiseur de devises, etc.

La réflexion à mener, le défi à relever va consister dans les années à venir à réinventer au Burkina Faso une économie médicale conforme aux données de notre pays.
Je ne sais pas dans quel sens cela ira car je ne suis ni un "intellectuel" ni un prévisionniste.
Dans cette démarche, l’argent ne sera plus tabou et une part raisonnable sera faite au mode de paiement des professionnels de santé ;

Le financement des structures de santé

Notre pays a consenti d’importants efforts pour couvrir le pays d’infrastructures sanitaires.
La perfection est une utopie. En fonction des "réalités" burkinabè, on peut optimiser les acquis à l’aulne des expériences d’autres pays.

Votre serviteur, travailleur manuel, qui n’est pas un intello est candidat à rien d’autre que le partage de son savoir solide (que j’avoue sans forfanterie et sans complexe), son savoir-faire avec les jeunes générations burkinabè. Ce malentendu levé peut ouvrir un dialogue.
L’excitation psychédélique des périodes troubles de notre histoire donnait l’avantage au "tout état" et vouait toute autre mode d’exercice de la médecine aux gémonies.
Beaucoup d’eau a coulé sous le pont Kadiogo !!

La Révolution est morte, vive la Révolution !

"Les structures privées concourent à assurer une meilleure accessibilité des services de soins à la population" Bédouma Alain Yoda (samedi 05 juin 2004).
"Le secteur privé est désormais le moteur de la croissance" Paramanga Ernest Yonli.
Les révolutionnaires progressistes ne sont pas ceux que l’on croyait !

Et "on" paye aujourd’hui pour avoir convaincu Sangoulé Lamizana, Joseph Issoufou Conombo et Tinga Rouamba dès janvier 1980 que le secteur privé en médecine était le moteur, le salut d’une médecine voltaïque qui était en train de perdre son âme !

Mais, passons car "on a tort d’avoir eu raison trop tôt.
Cette nouvelle réhabilitation me permet d’exposer ce que je crois utile au progrès dans mon Burkina.
Concilier le "partenariat renforcé", les exigences du PNS, mis en route par Tou Ludovic (mérite reconnu) et le nécessaire dynamisme d’un secteur médical privé, nécessite une transformation essentielle : ne pas ignorer la dimension sociale du corps médical dont je parlais plus haut.

En effet, le médecin est appelé à intervenir à deux niveaux ;
L’un, individuel et immédiat, en prodiguant des soins qui soient médicalement et socialement justifiés.
L’autre, collectif et à long terme, qui détermine le bon usage et la priorité des soins. Cela implique l’abandon de certains préjugés, éventuellement de certains intérêts.
En ce qui concerne le premier point, l’hôpital est le pivot central du dispositif rationnel de soins. Ce qui signifie que l’accès à l’hôpital doit être régulé tant pour les patients que pour les médecins (tout médecin n’est pas qualifié pour l’exercice hospitalier et tous les médecins ne choisissent pas ce mode d’exercice).

En effet, plus l’afflux à l’hôpital, de personnes exclues des soins primaires de ville est important, plus les dépenses hospitalières augmentent en volume et moins la structure de soins est adaptée. De même, plus la demande de soins de ville se reporte à l’hôpital, plus elle y absorbe des ressources (humaines et financières) et moins la technologie évoluée indispensable à la grosse pathologie, à la formation des personnels et à la recherche est utilisée à bon escient.

Prise de responsabilité individuelle

C’est un piège qui m’est apparu évident lorsqu’à l’occasion d’activités syndicales, mes confrères CSMF m’ont délégué aux instances paritaires de la sécurité sociale française (CMPL et CEPL département de la manche).
Ce secteur privé en médecine, qui a sa particularité, peut et doit booster le service public dont il est le complément.
Mais aussi attractif soit-il, il est impératif de réunir les compétences et qualités indispensables à la prise de responsabilité individuelle.
Il s’agit de vie humaine, de maladie qui peut laisser des séquelles, des infirmités (dont la iatrogénie), voire la mort.

Les Burkinabè ne toléreront pas indéfiniment les erreurs et les fautes médicales même si Dieu, la fatalité ont le dos large et les Burkinabè enclins au pardon !

Les centres anti cancéreux français, qui traitent plus de 80% des patients, qui sont les référents dans le plan cancer du troisième millénaire sont de droit privé.

Toutes les formes d’exercice de la médecine concourent au même but quand elles s’inscrivent dans le cadre bien défini de "l’évidence based medecine" défini par l’OMS.
Celui que vous appelez affectueusement son excellence PEY a donc une bonne vision d’avenir pour son pays. Le choix d’un exercice privé de la médecine ne compromet donc pas l’avenir de l’hôpital, fort de sa longévité, conscient de son rôle dans la formation des personnels et certain de son poids économique.

Les oukases lancés jadis contre le "groupe des six" relevaient d’autres causes moins avouables. Au demeurant, les "procureurs" ont tous avalé leur chapeaux en plus des crapauds, couleuvres, grenouilles et margouillats.
Mais on ne construit pas son bonheur en exercice privé de la médecine sur les ruines de l’hôpital.

Favoriser la constitution d’équipes privées, de cabinets de généralistes et de spécialistes, à la condition qu’ils aient la même éthique de la profession et aussi une formation scientifique médicale solide, permet le partenariat synergique avec l’hôpital. Les dispensaires répartis dans les quartiers n’avaient-ils pas cette vocation ?

Publicité mensongère

Je n’invente donc pas le fil à couper le beurre ! Les cliniques, plus petites, plus adaptables à l’évolution des techniques, moins chères quand elles sont la propriété de nationaux pour lesquels la nécessité d’un retour rapide voire urgent, d’investissement n’est pas de mise, correspondant mieux aux contraintes du moment.

La médecine n’obéit pas aux lois générales du consumérisme même si des "contraintes" m’ont amené quelque part à parler de marché, de concurrence à propos de médecine ! Il n’y a pas de marché ; il n’y a pas de concurrence, car dans la réalité, l’information dans ce domaine est asymétrique et le patient n’a pas toujours un choix logique.
Le malade, quel qu’il soit, n’a pas la capacité réelle d’évaluer le service rendu. Il n’a pas de comportement rationnel. Pour qu’il y ait un marché, il est nécessaire de savoir ce que l’on achète.

La situation devient plus compliquée lorsqu’à Ouagadougou, le litre d’huile, la bouteille de lafi se trouvent être de qualité médiocre, voire dangereuse comme le révèle la commission d’enquête parlementaire.

Le patient peut alors devenir lui aussi "pigeon" piègé par la distillation du li-lib-lib au service du Obra gui.
Il est sous la dépendance d’une publicité à peine voilée voire mensongère. La seule protection du patient lambda est l’honnêteté du praticien, et aussi la qualité de la formation reçue, la capacité du professionnel de santé à se tenir informé, voire à se requalifier en permanence. Les études de médecine ne sont jamais terminées pour le praticien en exercice.

La médecine, la spécialité que je pratique, application, à l’individu de connaissances scientifiques, est un art complexe et difficile où le talent du thérapeute vient enrichir considérablement ses compétences scientifiques comme je l’ai écrit en décembre 1995 au fils de "Passek-Taalé". Il n’y a pas de bons médecins ignares, mais il y a de mauvais médecins savants. C’est donc pour moi l’occasion de dire ici mon opinion sur la section médecine du CAMES qui ne répond pas à ce que l’on pouvait attendre d’une telle institution communautaire.

J’exprime là ce que les uns et les autres murmurent tout bas aussi en Afrique qu’ailleurs non pas pour dénigrer systématiquement, mais pour une critique constructive.

Les défis à relever sont importants

Le CAMES, invention géniale - je dis bien géniale - de mon fraternel aîné Joseph Ki-Zerbo a été confisqué et détourné de ses objectifs pour être instrumentalisé à des fins... Comme l’avait pronostiqué en son temps feue Alice Saunier - Séité, ministre français de l’Enseignement supérieur. C’est pour cela que Joseph n’a jamais eu le temps de prendre en main cet appareil qui est aujourd’hui une courbe d’évolution asymptotique et, pour lui éviter de percuter le nadir comme la compagnie PK, comme l’OCAM son défunt parrain, les Burkinabè se doivent de reprendre les initiatives pour changer la trajectoire de cette "MEDUSE" en perdition d’où tentent de s’échapper quelques radeaux qui n’atteindront ni les plages de Sangomar et encore moins celles de Vridi. L’auto satisfaction n’est pas de mise devant les congratulations diplomatiques.
Les défis à relever sont importants.

L’étudiant en médecine de 2005 sera le praticien de 2050 !
Nous avons construit des rêves qu’il ne faut en aucun cas changer en cauchemars... de Darwin ! Comme l’on dit à Yaba, près de Toma, "celui qui fait un saut dans la fournaise, sait qu’il lui reste un second saut à faire".
Au regard de ce que j’ai écrit plus haut, la formation des personnels de santé, autant que sa rémunération sont donc capitales pour l’avenir.
Mais l’image marxiste du médecin "nanti" s’est effacée à l’horizon comme celle du dinosaure. Le poisson pourrit par la tête.

Un pays pourrit et périt par son système de transmission des connaissances et des savoirs et surtout des valeurs sûres, celles qui font lever le regard vers le sommet de la pyramide et non celle qui le tourne vers le bas.
Nous ne pourrons pas indéfiniment nous tourner vers les autres pays pour nos soins. Les hôpitaux et établissements privés doivent participer à la distribution équitable de soins de qualité égale aux Burkinabè.

Solidarité communautaires

Aux fonctions de formateurs de médecins, de biologistes et chirurgiens sont attachées de lourdes responsabilités autant que de vaines et gratuites couronnes de lauriers rapidement fanés.
Au Burkina Faso, on connaît bien l’histoire de la reine des batraciens anoures qui le jour de son intronisation, parée de ses plus beaux ornements, précédait la fanfare lorsque apparut devant elle, le vilain saurien nommé Rabgo, cousin germain de Rourougou.

Elle ordonna aussitôt de sonner l’hallali, mais c’était trop tard. La suite, on la connaît.
ll y en a qui chantent une chanson (la roubaisienne) où il est dit : "il n’y a pas de sauveur suprême, ni dieu, ni tribun, ni César", etc.
Mais il y a la solidarité communautaire au service du peuple et non au service de monsieur camarade "peuple".
Mais au fait, qui a cassé la jarre de Béhanzin, autour de laquelle tous les fils du pays devaient, avec leurs doigts assemblés, en boucher les trous ?
J’arrête là ma prose avant que mon CD ne s’enraye à répéter l’épopée des voltaïques mise en mélodie par le talentueux Salambo.

Jean-Gabriel TAOKO

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