Actualités :: Syndicalisme et politique, quelle relation ?

Analyser le rapport entre le syndicalisme et la politique recommande d’avoir une hauteur de vue qui permet de distinguer d’une part le concept du fait et d’autre part la pensée de la réalité. C’est cette réalité qui permet de comprendre au fond ce qui se passe dans l’activité politique et syndicale.

L’histoire révèle à bien des égards l’étroitesse du fossé entre la politique et le syndicalisme. Les exemples sont légion aussi bien dans le temps que dans l’espace. A cet effet, le mouvement étudiant des années 70 est évocateur. C’est une période qui a été fortement marquée de l’empreinte des évènements de mai 1968 où la jeunesse française avait manifesté pour réclamer un changement social et politique.

A l’époque à Abidjan, il existait l’Association des étudiants voltaïque en Côte-d’Ivoire (AEVCI). Cette association, figure de proue de l’activité syndicale en Côte d’Ivoire, a été l’instigatrice en novembre 1970 d’une rencontre des associations d’étudiants sur le campus de Cocody.

La rencontre a décidé d’une marche de protestation contre “l’agression impérialiste de la Guinée Conakry par la 5e colonne”, pour reprendre les termes de Sékou Touré lui-même. Cette action de l’AEVCI ne faisait que traduire la position progressiste du mouvement étudiant.

Ce mouvement étudiant, coordonné depuis Paris par l’Association des étudiants voltaïques en France (AEVF), la section française de l’UGEV, était sous l’influence du Mouvement de libération national (MLN). Le MLN, qui contrôlait la direction du mouvement étudiant à l’époque, avait à sa gauche, le Parti africain pour l’indépendance (PAI) qui se battait de son côté pour récupérer cette direction. A sa droite, il y avait le Rassemblement démocratique africain (RDA).

A Lomé en 1971, les débats idéologiques, qui se sont exprimés avec la création de l’Association des étudiants voltaïques au Togo (AEVT), ont très vite engendré la naissance de deux tendances, l’une militant en faveur d’un syndicalisme corporatiste et l’autre voulant une mutation en syndicalisme révolutionnaire.

Finalement, le congrès extraordinaire de l’Union générale des étudiants voltaïques (UGEV) convoqué en août 1971 allait faire découvrir et adopter la notion de “ Révolution nationale démocratique et populaire (RNDP).

Ce rappel, ramassé brièvement, doit permettre de réaliser que la politique et le syndicalisme sont deux notions qui s’imbriquent fortement. Car, lorsqu’une association syndicale opte pour une ligne "Révolutionnaire, démocratique et populaire", l’exclusivité n’est plus à l’activité syndicale. Par ailleurs, il convient de noter que la lutte des étudiants et des travailleurs a toujours généré des leaders d’opinion et des hommes politiques.

Parlant de la lutte des travailleurs, il faut reconnaître qu’elle ne permet pas toujours de distinguer cette ligne de démarcation entre la politique et le syndicalisme. Le mouvement du 3 janvier 1966, qui a eu raison du régime du président Maurice Yaméogo, était bel et bien dirigé par les syndicalistes. Joseph Ouédraogo, l’un des grands syndicalistes de l’époque, n’était-il pas un politique ? KY Zerbo et son MLN n’avaient-ils pas la mainmise sur le SNEA-HV ? Ali Lankouandé, Bakary Coulibaly, Henri Guissou et j’en passe, étaient en effet des militants de pointe du SNEA-HV.

En France par exemple, de 1920 à nos jours, la CGT n’a jamais eu de secrétaire général qui ne fût pas membre du bureau politique du Parti communiste français. La CFDT n’a pas non plus connu de secrétaire général qui ne fût pas membre du parti socialiste français.

Si la défense des intérêts matériaux et moraux demeure la mission de tout syndicat, on, peut néanmoins dire que les syndicats ont, chacun dans son fond documentaire, un choix de société qui reflète le contenu et la forme de ses revendications. Aussi la lutte syndicale se traduit-elle par des approches divergentes selon que l’idéologie est de gauche ou de droite.

Une éducation et une bonne formation sont donc nécessaires pour ne pas être abusé ni par l’homme politique en tant qu’idéologue, ni par le syndicaliste en tant que courroie de transmission d’une idéologie.

Enfin, il faut s’apercevoir que l’équilibre entre la politique et le syndicalisme n’est acquis que par la tolérance. Le fait revendicatif ne doit pas forcément conduire à l’affrontement. A mon avis, le syndicaliste doit aller à la table de négociation en ayant à l’esprit l’intérêt réciproque des deux camps : son propre intérêt et celui de son interlocuteur. C’est pourquoi, il convient d’aller en négociation en ayant à l’esprit que chacun des deux camps à le droit de 0gagner. Ce qui suppose des concessions de part et d’autre. En d’autres termes, un syndicaliste ne doit pas ignorer la situation économique et financière de son pays. L’autorité ne doit pas non plus fermer les yeux sur les conditions socioprofessionnelles des travailleurs.

Pr Laya Sawadogo
Officier de l’Ordre national

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