Actualités :: Election 2005 : "La CENI, appendice de l’Administration ?"

L’importance du rôle de la CENI dans l’organisation des élections se mesure au débat nourri qui a lieu autour de ses actions. En témoigne cet écrit du Parti socialiste paysan (PSP).

Comment ne pas se poser une telle question, quand on regarde les agissements du président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ? En effet, c’est lui qui a réponse à tout et même aux questions qui ne lui sont pas adressées. Tout le monde a en mémoire sa tentative de répondre aux 15 questions que le P.S.P avait posées à M. Blaise Compaoré, premier magistrat et premier responsable de l’exécutif burkinabé. Et nous l’avions clairement dit et nous citons « cependant ces conditions transparentes et équitables, ne sont possibles que si Blaise Compaoré s’engage, non par des mots mais par des actes concrets (prise de décrets d’application) à les créer.

En un mot s’il veut des élections libres, transparentes et équitables, nous les aurons ; sinon on ne les aura pas et le président de la CENI n’y pourra rien » On les aura le jour où Blaise Compaoré aura la certitude de gagner les élections sans fraudes avec seulement quelques intimidations. Sinon comment comprendre cette politisation à outrance de l’Administration générale par la nomination de gouverneurs, de haut-commissaires et de préfets partisans. Un ministre de la Justice, magistrat partisan (CDP) qui ne travaille (ne nomme) qu’avec des magistrats partisans. Où est la République ?.

Nos questions avaient été publiées par deux quotidiens, l’Observateur Paalga et Le Pays dans leurs étitions du 29 Juin 2004. Nous les remercions au passage et remercions également le président de la CENI pour sa promptitude et sa volonté affichée de nous assurer sur la transparence des futures élections au Burkina Faso.

Nous rappelons cependant que nos questions qui sont toujours pendantes ne lui étaient pas adressées. Et maintenant, nous avons peur qu’il ne se donne des prérogatives qu’il na pas. Mais comme il l’a reconnu lui-même dans une de ses réponses, la CENI est composée des réprésentants des partis politiques et de la société civile. Donc, elle ne doit pas être un « machin » de l’Administration.

Le président de la CENI a tendance à oubier que ce sont les partis politiques de l’opposition qui ont imposé la création de son institution au pouvoir. Et que la CENI demeure par sa seule volonté. Toutes nos critiques ont pour but d’obliger le pouvoir à donner les moyens (financiers, logistiques, humains, juridiques...etc..) à la CENI pour qu’elle s’acquitte de sa mission principale : « organiser des élections libres, transparentes et équitables où le vainqueur est félicité par le vaincu ». Mais quand nous observons ce qui se passe, la CENI n’en prend pas le chemin. Voyons pourquoi :

1) Dans sa tentative de répondre aux 15 questions que le P.S.P avait posées, le président de la CENI a plutôt donné des informations plus qu’il n’a répondu à nos questions. Et parfois il s’est enlisé dans ses propres contradictions. Ses réponses sont contenues dans Le Pays N° 3158 du 1er/07/2004.

Nous prenons seulement trois exemples.

a) A notre question, et nous citons, « connaîtrons-nous pour une fois le nombre réel d’urnes par circonscription électorale ?", le président de la CENI répond, et nous citons : « nous supposons que le P.S.P veut parler de bureaux de vote et non d’urnes ». Il va par la suite reconnaître, et nous citons : « en fonction du nombre d’inscrits dans un bureau de vote, il peut exister deux urnes ». Sans être doué en mathématiques, on constate que l’on peut avoir 5 bureaux de vote et 7 urnes dans certaines circonscriptions et dans d’autres 5 bureaux de vote et 5 urnes.

b) A notre question, et nous citons : « l’encre sera-t-elle pour une fois indélébile ?", le président répond, et nous citons : « nous devons vous avouer qu’il n’existe pas d’encre indélébile » ; pour ensuite avouer, et nous citons : « toutefois la manière d’appliquer l’encre peut la rendre indélébile pour au moins une journée ». Les mauvaises langues diraient que le président de la CENI prépare les esprits à accepter certaines formes de fraudes. Pour sa part, le P.S.P rappelle au président qu’il (le P.S.P) n’est pas l’auteur du terme « encre indélébile ». Si tout le monde parle d’encre indélébile, c’est qu’elle existe. Et c’est celle-là qu’il faut commander et non les encres adaptables ou tropicalisées pour les élections elles-mêmes tropicalisées.

c) Après avoir écrit que le véritable adversaire de l’opposition était la fraude, le P.S.P a posé les questions suivantes, et nous citons : « qui n’a pas intérêt à des élections transparentes ? l’opposition ? » Et le président de la CENI de nier l’existence de la fraude en ces termes, et nous citons : « nous aurions souhaité nous retrouver sur une tribune pour débattre de telles affirmations, tant nous avons une analyse différente sur ces sujets ».
Il va par la suite reconnaître, en 2005 pendant l’élaboration du fichier électoral, et nous citons : « lors des élections législatives de 2002, il ya eu 15 498 inscriptions suspectes ».

Les mauvaises langues diraient que cette révelation n’est rien à côté des monstrueuses irrégularités qu’il ne pouvait pas rendre publiques, au risque de ... Pour sa part, le P.S.P veut prendre le président au mot quand il déclare, et nous citons : « si des élections libres et transparentes sont la seule condition pour l’alternance, nous invitons le candidat du P.S.P à commander dès à présent sa tenue d’investiture en 2005, car la CENI s’attèle à l’organisation d’un tel scrutin ». Mais que vaut même une telle affirmation quand l’Administration, que tout le monde sait très partisane, s’implique de plus en plus dans l’organisation des futurs scrutins !

"La transparence n’est pas un souci partagé"

2) Ce qui nous préoccupe aujourd’hui c’est ceci :

a) Le président de la CENI convoque les responsables des partis politiques pour leur signifier que les élections municipales n’auront plus lieu comme prévu en 2005, faute d’argent. A quel titre fait-il une telle déclaration ?. A notre entendement, la CENI devait alerter ces mêmes responsables quand elle a senti que le débloquage des fonds par l’Etat allait prendre du retard et compromettre le bon déroulement du processus électoral. Ainsi ces derniers allaient voir qui de droit pour permettre le respect du calendrier électoral. Au lieu de cela, elle a croisé les bras et les jambes. Et le pouvoir qui n’en demandait pas tant, lui a emboîté le pas pour imposer une inversion du calendrier électoral en utilisant les mêmes arguments.

b) Comment le président procède-t-il pour le retrait des noms des personnes décedées ? Cela se fait-il sur enquêtes ou sur déclarations des familles ou autrement ?

c) A qui incombe l’établissement des pièces d’état civil et autres CIB ? le président de la CENI semble faire croire que cela est du ressort des partis politiques. Le P.S.P pense que cela est uniquement et exclusivement du ressort de l’Etat. C’est l’Etat qui doit faire des Burkinabè des citoyens à part entière, avec une indentité en facilitant l’accès aux actes de naissance, début de la citoyenneté. Même s’il faut pour cela organiser des actions ponctuelles du genre « opération ou campagne CIB » pour permettre à la majorité de Burkinabè sinon à tous, d’avoir leurs pièces d’identification. Ce sont des suggestions de cette nature que nous attendions de la CENI, puisque cela contribue à la transparence lors des élections.

Et cela doit se faire dans la transparence, l’équité et en dehors des périodes électorales. Au lieu de cela, la CENI se contente de répéter après le pouvoir que l’on peut s’inscrire avec une panoplie de documents qui ne permettent pas l’identification de l’électeur qui s’inscrit, du genre carte de famille, acte de naissance ou jugement supplétif, etc. Comme on le voit, la transparence n’est pas un souci partagé. Et c’est dommage !

d) Le président de la CENI affirme, et nous citons dans Le Pays N°3355 du 14/04/05 : « les cartes d’identité périmées seront prises en compte pour la révision exceptionnelle des listes électorales ». A quel titre fait-il une telle déclaration ? Qu’est-ce qu’on nous réserve ? D’autres listes suspectes ? Et des bourrages d’urnes comme au Togo ? Allez-y savoir !

e) Le président de la CENI donne l’impression dans le numéro de Le Pays cité plus haut, que les partis politiques ont pour mission d’amener les gens à s’inscrire et à aller voter. Le P.S.P rappelle simplement que les partis politiques peuvent contribuer à cela. C’est d’abord de la responsabilité de l’Etat républicain d’éduquer la population pour en faire des citoyens libres, responsables et participant au choix de leurs dirigeants. Cela se fait à travers l’école, les médias d’Etat : télévision, radio, etc. Mais c’est aussi l’une des missions confiées à la CENI. Qu’elle fasse mieux son travail.

f) La révision exceptionnelle des listes qui devait avoir lieu en décembre 2004, a finalement eu lieu en mai 2005. Pourquoi un tel retard ? Et pire, ceux qui s’inscrivent maintenant, doivent revenir en octobre, soit 5 mois après, pour retirer leurs cartes d’électeurs. Il en est de même pour ceux qui se sont inscrits en 2002, puisque les cartes d’électeurs changent. Les mauvaises langues diraient que l’on fait tout pour décourager l’électeur. Le P.S.P pour sa part s’étonne que l’on attende le dernier moment pour remettre les cartes.

Il suffit d’un rien pour qu’elles ne soient pas prêtes ou prêtes mais à la dernière minute. Et vivent la pagaille et la magouille ! Ou devra-t-on aussi voter avec des cartes d’électeurs périmées ? Et dire que les plus de 80% d’analphabètes qui constituent l’électorat doivent revenir dans 5 mois pour retrouver leurs noms sur les listes d’inscription afin de retirer leurs cartes d’électeurs. Que cache toute cette gymnastique ?

g) Le président de la CENI dit, et nous citons : « les listes électorales seront publiées en octobre 2005. » Pourquoi si tard, alors que la présidentielle commence en novembre ? Le P.S.P pense que dans un souci de transparence la CENI aurait pu les afficher ne serait-ce que dans ses démembrements pour permettre toute vérification. Mieux, il faut les afficher par bureau de vote afin que les inscrits en 2002 passent retirer leurs nouvelles cartes d’électeurs. Et ceux qui s’inscrivent maintenant repartent avec leurs cartes. Les listes électorales définitives (anciennes et nouvelles ou révisées) seront affichées par bureau de vote conformément au délai imparti par la loi.

Gageons que toute cette jonglerie n’ait pas pour but d’offrir à Blaise Compaoré un score stalinien du type 60% au premier tour comme au Togo - N’est-ce pas à cela qu’on nous prépare avec cette médiatisation à outrance des manifestations orchestrées de soutien des ABC, des tontons, papys, tanties et autres marcheurs alimentaires ? Comme pour dire, vous voyez tout le peuple le soutient. Si c’était le cas, il n’aurait pas eu besoin de tout ce tintamare, ni de tous ces griots cachés ou révelés.

"Touristes électoraux, observateurs alimentaires"

h) A propos des Burkinabè de l’étranger, le président de la CENI dit : « ils peuvent s’inscrire jusqu’à une semaine du début de l’élection à condition de rentrer au pays », reprenant ainsi la thèse du pouvoir. Le P.S.P s’attendait plutôt à ce que la CENI propose concrètement comment l’on peut organiser le vote des Burkinabè à l’étranger comme tous les pays le font : Sénégal, Mali, Niger, Bénin, etc. Le pouvoir se vante de protéger nos compatriotes expartiés, et lorsqu’il s’agit de leur reconnaître leur droit quant au choix de leurs dirigeants, il dresse des obstacles artificiels auxquels aucun autre pays ne s’essaie .

Ainsi, celui qui réside en France, aux Etats-Unis, en Allemagne, au Ghana, en Côte d’Ivoire ou ailleurs, doit parcourir plus de 1000 kilomètres pour venir voter alors qu’à l’intérieur-même du Burkina, on fait tout pour réduire les distances, moins de 5 km. Allez-y comprendre ! Si Blaise Compaoré était sûr d’être choisi par nos compatriotes expatriés, il ferait mettre une urne par concession à l’étranger là-bas.
Il ne se fie pas aux déclarations fantaisistes que ses courtisans à l’étranger envoient à la presse. Si c’est faux que l’on essaie en Côte d’Ivoire ou au Ghana, et l’on sera situé.

i) Le Président de la CENI dit : « il est prévu que des observateurs étrangers viennent surveiller les élections à venir ». Le P.S.P trouve dommage que la crédibilité de nos élections passent par l’appréciation de touristes électoraux pour ne pas dire d’observateurs alimentaires, à l’image de ceux de la CEDEAO. Nous sommes majeurs et devons devenir des responsables donc, capables d’organiser des élections libres, transparentes et équitables.
Nous l’avons fait sous les Républiques précédentes, pourquoi pas maintenant. Le P.S.P ajoute que si les bailleurs de fonds s’invitent parce qu’ils ont mis leur argent pour des élections propres et un Etat démocratique et de droit, ils peuvent venir dans la mesure où ils se prennent en charge.

Cependant le P.S.P rejette catégoriquement les observateurs « bouffons » de la CEDEAO et leurs semblables que le pouvoir invite aux frais du contribuable pour venir repéter la phrase consacrée des conseillers français « les élections se sont globalement bien passées et les irrégularités constatées ne sont pas de nature à remettre en cause la qualité du scrutin ». Question de valider des mascarades électorales au prix d’une guerre civile.

Encore loin de nous toute idée de polémique avec le président de la CENI ou avec qui que ce soit. Le président de la CENI n’est pas notre adversaire. C’est la majorité à mille visages qui est notre adversaire politique mais pas un ennemi, a contrario de certains. Nous nous battons pour que la nouvelle majorité qui va sortir des urnes soit celle voulue par le peuple burkinabè.

Le P.S.P ne reconnaîtra pas et rejettera toute majorité issue d’un hold-up ou d’une mascarade électorale. On triche pour gagner les élections et l’on se précipite pour proposer à l’opposition cocufiée un ménage homosexuel appelé gouvernement d’union. Une manière de se réhabiliter aux yeux de l’opinion et de calmer les opposants alimentaires. Le P.S.P dit qu’il faut d’abord gagner proprement les élections.

Nous profitons pour dire au président de la CENI que nous acceptons son invitation à un débat public, lorsqu’il dit, et nous citons : « nous aurions souhaité nous retrouver sur une autre tribune pour débattre de telles affirmations, tant nous avons une analyse différente sur ces sujets ».

Merci pour l’invitation et à bientôt peut-être !

Le Président du P.S.P

Dr Jean Jacques ZEBA

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