Actualités :: Santé : Arrêtez ou démocratisez les évacuations sanitaires !

Au Burkina, l’Etat est d’une générosité sans limite. En effet, depuis plus de vingt ans, il a affiché, théoriquement du moins, sa ferme volonté de nous offrir sans discrimination, ce qui nous est le plus cher au monde : la santé.

"La santé pour tous en l’an 2000 !" C’était l’engagement pris à l’époque, donnant ainsi le sentiment que dans notre pays, les Burkinabè étaient non seulement égaux quant à l’accès aux structures sanitaires, mais également qu’ils pouvaient prétendre à une égalité de chance de ne pas subir cette politique de deux poids deux mesures, qui offre aujourd’hui une médecine de qualité à certains (une infime minorité) parce qu’ils sont très haut placés dans l’échelle sociale et une médecine au rabais offerte à la plus grande majorité.

En somme, un apartheid sanitaire, une médecine sélective qui fait la part belle à ceux d’en haut en leur offrant les bienfaits des récentes découvertes de la médecine moderne et qui ont la chance de prolonger leur espérance de vie et qui réserve à ceux qui ont le malheur de porter le dossard de l’indigence, des soins plus proches du charlatanisme.

Si les premiers venaient à mourir, malgré tout, on mettrait cela sur le compte des limites objectives de la médecine, d’un excès de soins. Si les seconds venaient à mourir, cela serait versé au compte du destin. Comme on le voit, ce slogan, "santé pour tous en l’an 2000" est un fantôme insaisissable qui disparaît dans les ténèbres de l’incohérence et des effets d’annonces qui ne sont que des annonces sans effet.

En fait, une quête impossible tant que notre politique de santé continuera d’être régulée à la tête du client. D’un côté une politique sanitaire appliquée aux laissés-pour-compte, (cette clientèle de nos hôpitaux-mouroirs) et de l’autre, celle appliquée aux âmes bien nées, soignées dans les hôpitaux huppés des capitales européennes à grands frais.

Ainsi, chaque année, ce sont des sommes à vous donner le tournis qui vont renflouer les caisses des cliniques occidentales. Ces évacuations sanitaires dont les coûts relèvent presque du confidentiel, constituent une véritable saignée pour le budget de l’Etat. On aurait pu arrêter cet éternel recommencement en recyclant cet argent en l’affectant à l’achat d’équipements pour nos propres formations sanitaires.

Cela aurait l’avantage de nous affranchir de cette dépendance sanitaire vis-à-vis de l’extérieur. L’autre avantage, c’est la possibilité offerte au plus grand nombre de malades de se faire soigner sur place. Au Burkina, ce ne sont ni les ressources humaines ni les compétences qui font défaut en la matière.

Malheureusement, ces ressources humaines butent surtout contre notre manque d’anticipation, nos petites querelles de chiffonniers, nos petits calculs mesquins et nos horizons bornés qui proclament haut et fort qu’il faut mettre l’homme qu’il faut à la place qu’il faut tout en tirant vers le bas ceux qui sont à même de combler nos lacunes. De toute évidence, la pilule de l’insuffisance de ressources humaines est actuellement difficile à avaler dans la mesure où on avait décidé de contingenter les étudiants en médecine et en pharmacie.

Cette opération signifie que le Burkina a fait son trop plein de praticiens dans ce domaine. Par ailleurs, les différentes conférences annuelles de l’administration publique ont toujours insisté sur la nécessité de faire appel à l’expertise nationale dans nos différents plans de développement.

Le problème du Burkina réside moins dans l’absence de compétences que dans celui de notre complexe d’infériorité vis-à-vis de l’extérieur et de notre syndrome néocolonial qui consiste à croire aux miracles dont serait seul capable de réaliser l’homme blanc, ce sorcier des temps modernes. Même notre sport n’échappe pas à cette idéalisation, pour ne pas dire sacralisation de l’expert venu de l’extérieur.

En matière de santé, on a tellement inventé des concepts et des terminologies qu’il est impossible d’enlever de la tête de nos dirigeants toute démarche qui les tirerait de la dépendance. C’est ainsi qu’on a inventé les termes de médecine et de maladies "tropicales". Qui, mieux que nos médecins pourrait être plus efficace dans le traitement de ces maladies pour nègres ?

Mais, pour que nos médecins puissent accéder à cette pleine et entière responsabilité, il faudrait que nos responsables, nos décideurs, subissent cette nécessaire cure de désintoxication à même de les débarrasser de leur réflexe "tropicalisé" d’assistés. Faute de quoi, nous continuerons de gérer des situations d’injustice face à un domaine très sensible, la santé, où toute forme d’exclusion est un grand péché en ce sens qu’elle expose le plus grand nombre à une mort certaine.

Tout refus d’inverser la tendance en faisant un bond qualitatif, sanitaire et salutaire, ne ferait que suspecter nos dirigeants d’entretenir des relations coupables avec l’extérieur sur fond de manipulations et d’intérêts mutuellement bien compris et intéressés.

En tout cas, pour le commun des mortels qui ne souhaitent pas que leur mort soit une simple banalité, enregistrée en pertes et profits dans l’agenda du destin, on peut arrêter l’hémorragie de l’évasion de nos devises en amoindrissant les frais de nos nombreuses évacuations sanitaires qui ne profitent pas au plus grand nombre, même dans le clan très sélectif des heureux élus.

En attendant, on préfère plutôt pavoiser en posant la première pierre d’une quincaillerie ou d’un maquis que d’équiper un hôpital. On se contente de gérer du vieux matériel repeint, défectueux et incapable de détecter la moindre maladie et qui, sous d’autres cieux, n’a d’autre destination que le cimetière.

Tout se passe comme si notre santé devait être exclue du champ de la bonne gouvernance. De deux choses l’une : ou bien on étend ces évacuations sanitaires à tous ceux qui en ont droit, ou bien on les supprime car toute ségrégation face à la souffrance humaine ne peut qu’identifier ceux qui la pratiquent à des tueurs. Dans certains pays, il existe des mutuelles comme palliatifs à ces errements.

Au Burkina, à quand la fin de cette culture de la mort qui euthanasie chaque année des hommes, des femmes et des enfants dont le seul tort réside dans leurs modestes conditions sociales ? En somme, ceux qui ne pèsent pas dans l’échelle des valeurs humaines. Finalement, l’on se demande quelle est la différence entre les médicaments de la rue qui tuent et ces hôpitaux-mouroirs où travaillent des médecins aux mains nues et d’où on ressort dans un brancard ?

Mais cela ne dérange pas certains et se traduit par la prolifération de cliniques privées aux prête-noms. Pour un rhume ou une grippe, ils n’ont pas besoin d’attendre les délibérations de la technocrature, ce conseil de santé dont la vitesse de décision est fonction du statut social du malade.

Le Fou
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