Actualités :: Lettre de New York à Balise Compaoré : "Il serait sage que vous tiriez votre (...)

Alors que le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) et son candidat Blaise Compaoré poursuivent leur paisible marche vers la présidentielle du 13 novembre 2005, des voix s’élèvent pour suggérer au promoteur du Large rassemblement et du développement solidaire de tirer sa révérence.

A preuve, la lettre ouverte ci-après émanant de "jeunes intellectuels burkinabè vivant à New-York", et qui s’avère être un procès des dix-huit ans de gestion du pouvoir d’Etat par Blaise Compaoré. Monsieur le Président, tous les citoyens honnêtes reconnurent et saluèrent le courage et la sagesse que vous aviez eus en choisissant d’aller à la démocratie. Cela nous fit croire que vous aviez compris qu’en donnant la chance à l’alternance, le Burkina connaîtrait des lendemains meilleurs.

Cependant, cette initiative aura la durée d’un météore : sur conseil de vos marchands d’illusions qui hantent quotidiennement les couloirs de la présidence et les salons feutrés de vos multiples palais, vous avez repris par la main gauche ce que vous aviez donné par la main droite. Car vous avez été convaincu à coup de prédictions que vous connaîtrez « un avenir tranquille » après votre réélection de novembre 1998. Pourtant ce nouveau mandat s’est révélé le plus tourmenté et le plus sombre de l’histoire de notre pays. Voyez vous-même le compteur :

Sur le plan politique, nous pouvons lire :
- la loi fondamentale adoptée par référendum en juin 1991 est constamment profanée pour vous permettre de régner légalement à vie. C’est dans cette logique que l’article 37, a été vu et revu afin de vous donner la chance d’être élu plusieurs fois et de jouir tranquillement des fruits de votre croissance dans votre palais de glace à Ouaga 2000 ;
- le code électoral est régulièrement révisé pour satisfaire l’appétit gargantuesque de votre mégaparti. Le dernier aménagement l’a été en vue de réduire considérablement les chances électorales de l’opposition. Ainsi ferez-vous exécuter militairement votre volonté dans les conseils communaux et même à l’Assemblée nationale.
- l’armée nationale est fortement politisée et excelle plus dans les intrigues, la gabegie et les détournements de deniers publics que dans l’accomplissement de ses devoirs républicains. Bon nombre d’officiers intègres ont été victimes des intrigues de vos archanges gardiens ; seuls les plus chanceux ont eu la vie sauve.

En outre, le procès du putsch manqué, qui a eu lieu en avril 2004, a révélé à travers le commandant Pooda que des détournements crapuleux dont des officiers se sont rendus coupables, sont couverts par votre régime. Ainsi l’intendance militaire a-t-elle pris l’allure d’une « National Army business Center » ;
- l’administration publique est également touchée par la politisation.

Des comités CDP (parti au pouvoir) y sont créés sur proposition du dernier congrès de ce parti. Ce qui amène les observateurs impartiaux de la scène politique à se demander quel modèle de démocratie vous êtes en train de mettre en place. Par ailleurs, vous nommez des ministres en fonction comme coordonnateurs de campagne : Salif Diallo, Kader Cissé et autres. Or cela devrait se faire selon les règles de l’art, c’est-à-dire après leur démission. Non ! c’est de la politique partisane que d’utiliser les moyens de l’Etat pour battre sa campagne ;
- une politique de décentralisation conférant un simulacre d’autonomie de gestion aux collectivités locales sans les doter des ressources humaines, matérielles et financières adéquates ;
- votre politique extérieure est caractérisée par le mercenariat et le mercantilisme d’Etat. Vous envoyez des mercenaires issus des rangs de l’armée burkinabè à des conflits dont ils sont étrangers aux causes, pour combattre aux côtés de rebelles, mettant ainsi en péril la paix et la stabilité de la sous- région. Un rapport des Nations unies avait révélé votre implication au Libéria aux côtés des maquisards du tristement célèbre Charles Taylor et en Sierra Leone.

Aujourd’hui, ce sont les forces nouvelles de Bouaké que vous soutenez contre un président, reconnaissons-le, xénophobe. Voilà toutes choses qui altèrent sérieusement nos relations avec nos frères des pays que vous avez aidé à déstabiliser.

Sur le plan économique, nous pouvons noter que :
- le secteur privé a été transformé sous la IVe république en jungle où le cannibalisme fait la loi : les grands dévorent impitoyablement les petits. On remarque que les grandes filiales étrangères comme les Bolloré et autres sociétés d’amis étendent leurs tentacules jusque dans les moindres recoins de l’économie , raflant même les miettes à la portée des petites entreprises et étouffant ainsi les initiatives des nationaux ;
- la croissance économique évaluée à 5% l’an selon un rythme régulier depuis au moins trois ans n’est que théorique ou ne profite qu’à la nomenklatura étatique puisqu’elle n’a aucune incidence sur le panier de la ménagère. Les fonctionnaires qui croupissent dans la misère ne nous démentiront pas, eux qui ont toujours des difficultés à joindre les deux bouts ;
- les privatisations aveugles entraînent la braderie du patrimoine national. Vous envisagiez la privatisation de l’ONEA, société en charge de la gestion de l’eau courante au Burkina, alors que même ici aux Etats-Unis ce secteur se trouve gardé jalousement par l’Etat, qui est conscient que l’eau est vraiment la vie. Sa gestion ne peut donc pas être confiée aux mercantis, toujours avides de gains exorbitants ;
- la fraude fiscale, entretenue par la corruption et aggravée par l’impunité, entraîne des pertes énormes pour le budget national. Des commerçants amis de votre régime font entrer des marchandises non dédouanées ou dérisoirement taxées, sur le territoire national.

Dans la même logique, certaines sociétés et entreprises qui sont souvent des prête-noms font d’énormes bénéfices sans pour autant payer régulièrement leurs impôts à l’Etat ;
- l’absence d’une volonté politique réelle de réhabiliter le marché central Rood-Wooko après l’incendie qui l’a littéralement détruit a causé la faillite et l’errance de beaucoup de commerçants qui y travaillaient. Il y a anguille sous roche puisque votre gouvernement a déclaré que ce « Burkina Trade Center » constitue un « poumon économique » du pays cependant que sa reconstruction ne le préoccupe pas.

- votre gouvernement fait un mauvais usage de la dette et de la remise de la dette : les fonds obtenus ne vont pas toujours où il faut ou simplement ne sont pas affectés aux domaines concernés. A ce propos, des voies stratégiques bitumées à coups de milliards empruntés aux bailleurs de fonds se dégradent avant même leur réception, a fortiori avant le début de leur remboursement.

Alors que votre homologue Wade, président de la république du Sénégal, déclare que dorénavant tous les bitumes qui doivent être posés dans son pays doivent avoir une durée de vie de 50 ans révolus avant toute dégradation, au Burkina vous avez observé une indifférence suspecte face à la dégradation de l’axe Boromo-Bobo avant son achèvement ;
- vous avez une mauvaise orientation de l’utilisation de la remise de la dette PPTE. En effet, si votre gouvernement a créé des « emplois PPTE », l’on peut se demander ce que deviendront les « travailleurs PPTE » après l’épuisement de ce fonds.

Sur le plan social, le compteur nous fait voir ce qui suit :
- le taux de chômage croît tous les jours avec les privatisations sauvages, et l’insécurité urbaine et rurale augmente à une vitesse plus qu’inquiétante. Seul votre régime dort les poings fermés : sa sécurité est assurée par une garde prétorienne. Le citoyen lamda est, quant à lui, une victime potentielle des bandits armés que vous avez fabriqués par votre démission en matière de politique sociale. Le ministère de la Sécurité, avouons-le, nonobstant ses nouveaux moyens, redoute ces hors-la-loi ;
- l’Etat s’est désengagé de manière irresponsable des secteurs prioritaires telles la santé et l’éducation. Ainsi, les soins médicaux et l’instruction sont abandonnés aux mains de privés, qui montent chaque jour les enchères sans offrir véritablement des services de qualité à des citoyens en majorité misérables. Ce phénomène fait des hôpitaux des mouroirs, et des écoles des centres d’alphabétisation de qualité douteuse.

- le Programme d’ajustement structurel envisage la privatisation de l’enseignement supérieur qui ne sera plus à la portée des enfants des pauvres, pourtant la tranche majoritaire des jeunes. Car les frais de scolarité seront exorbitants et le système de la bourse disparaîtra totalement ;
- les lotissements effectués çà et là n’ont fait que spolier les pauvres autochtones des biens sacrés que leur ont légués leurs ancêtres, et cela au profit de nouveaux ploutocrates. Ni les audits ni les explications données par certains d’entre eux n’ont convaincu la population sur la transparence des opérations. Et de surcroît, remarquez que pour avoir retiré à ces autochtones leurs terres cultivables pour ensuite les confiner dans de petites parcelles et sans leur trouver de quoi s’occuper pour vivre, ils ont parfois basculé dans les vols et autres attaques à mains armées, juste pour pouvoir obtenir leur pitance.

- le Sida business est organisé sur le dos des victimes du mal du siècle : le sida fait pousser des bedaines et des villas au Faso tandis que les malades dépérissent et périssent. Pendant qu’au Mali voisin le taux de séroprévalence n’atteint pas 2%, au Burkina il se situe entre 4% et 5%, dit-on. Toutes choses qui rendent suspecte votre présence à la tête du CNLS ;
- des milliers de déflatés issus des privatisations de la RAN, de la société X9, de l’imprimerie nationale ainsi que des sociétés mises en faillite par des amis comme l’OFNACER, Faso Fani, la CGP et bien d’autres, tirent désespérément le diable par la queue ;
- les travailleurs sont condamnés à vivre dans la misère : leurs maigres salaires stagnent tandis que les prix des produits de première nécessité grimpent ;
- la politique agricole est défavorable à l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire. Les cultures de rente sont favorisées au détriment des cultures vivrières. Vous préférez le coton et le sésame au riz et au maïs ! Cela nous amène à nous demander ce que vous ferez du coton au cas où il serait boycotté. Rappelez-vous que sous la révolution, le haricot vert avait connu ce triste sort, mais heureusement, il était comestible ;
- l’éthique sociale est dévoyée par votre système, entraînant la mort de la morale au pays des hommes intègres. Le docteur Bognessan Yé, après un diagnostic quelques années auparavant, avait constaté l’agonie de la morale. Aujourd’hui, sa mort a été mentionnée dans le rapport du Comité national d’éthique. Mais quoi de plus logique ! A l’agonie succède la mort ;
- les dossiers pendants de crimes économiques et de sang sont classés dans les tiroirs de la Justice et de la Cour des comptes.

De cette manière, les centaines de veuves et d’orphelins dont les époux et pères ont été éliminés sous votre règne attendent désespérément la manifestation de la vérité. Ainsi les familles de Thomas Sankara, d’Oumarou Clément Ouédraogo, de Norbert Zongo et des autres, sont en passe de perdre espoir.

Et puisqu’on ne peut finir d’égrener le chapelet vertigineux de méfaits de votre triste règne, mettons des points de suspension. Alors, au regard de ce bilan politique, économique et social sombre, il serait sage que vous tiriez votre révérence en 2005 car vous avez été incapable de construire l’avenir et de changer le devenir de millions de Burkinabè que vous gouvernez depuis 18 ans. Ne vous laissez pas duper par les faucons et leurs escadrons de marcheurs.

Observateur Paalga

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