Actualités :: Salvador Yaméogo : "J’ai la conviction que les conditions de l’alternance ne (...)

M. Salvador Yaméogo n’est certainement plus à présenter. Député, il a récemment fait la Une des journaux après avoir « osé » dire et marteler ses convictions à son frère aîné, Me Hermann Yaméogo, président de l’UNDD, parti qu’il a quitté par la même occasion pour aller créer le Rassemblement des démocrates pour le Faso (RDF) qui vient d’avoir son récépissé.

Quand nous lui avons proposé cette interview, c’est sans hésiter et sans protocole qu’il a accepté et même il s’est déplacé à notre rédaction.

La vie de son parti, le RDF, les forces et les faiblesses de l’opposition burkinabè, les élections à venir, les crises ivoirienne, togolaise, c’est autant de questions que nous avons eu le plaisir de lui poser.

L’homme politique qui se dit « au centre à équidistance de tous les extrêmes de l’échiquier politique national » n’a pas, en tous cas, marchandé ses réponses. Interview.

M. le président, comment êtes-vous venu en politique puisque certains vous considèrent comme un « néophyte » dans le domaine ?

Salvador YAMEOGO (S.Y) :
Comme c’est d’usage, je veux remercier à « L’Opinion » de me recevoir. Alors, si en 2005 certains considèrent toujours que je suis un néophyte alors que je suis arrivé au Burkina en 2000, cela fait tout de même 5 ans... même si c’est peu ; je pense qu’on a le temps « matériel » de faire ses armes. Néanmoins je concède qu’il y a des aînés qui m’ont précédé en politique, peut-être même des cadets qui m’ont devancé dans ce domaine.

Ceci dit, je suis arrivé en politique, je ne dirais pas par hasard, mais du fait des circonstances. Je n’ai pas un cursus scolaire ou universitaire qui me prédisposait particulièrement à la politique ; relativement à mon aîné (NDLR : Me Hermann YAMEOGO). Mais les choses ont été faites de sorte qu’en 2000, après la crise traversée par le Burkina suite au décès de Norbert ZONGO, l’ADF/RDA à l’époque et son président m’ont sollicité pour rentrer appuyer le parti dans le cadre de la mise en place d’un « gouvernement protocolaire » qui était censé réconcilier le Burkina avec lui-même, travailler à l’approfondissement de la démocratie.

Cependant, avant 2000, sans être activement impliqué dans la politique au pays , j’ai toujours été intéressé par ce qui se passait et cela depuis 77-78, depuis l’époque de la première UNDD. A l’époque donc, bien qu’étant étudiant, j’ai suivi des choses avec le vieux et le grand frère (NDLR : Feu Maurice et Hermann YAMEOGO). Après le retour à l’Etat de droit en 1991, tout le processus a été l’objet de toute mon attention. J’ai eu l’occasion de revenir dans le cadre de scrutins locaux pour appuyer mon aîné.

Alors, si on raisonne en terme de mandat électif, en terme de pratique de la politique, je n’ai que 5 ans d’expérience. Mais j’ai commencé à comprendre ce que c’est que la politique depuis le 3 janvier 1966. Faites le calcul et vous verrez que ça fait un bon moment que nous sommes dans la politique.

Que faisiez-vous avant 2000, date de votre retour au pays ?

S.Y : Mon dernier poste avant d’être appelé au gouvernement, c’était un poste de directeur d’exploitation dans une société de négoce international de café-cacao. J’ai totalisé plus d’une dizaine d’années d’expérience dans ce domaine en Côte d’Ivoire, particulièrement.

Votre parti (Le Rassemblement des démocrates pour le Faso, le RDF) vient d’avoir une base légale avec l’obtention de son récépissé. Qu’est-ce qui a motivé la création de ce parti ?

S.Y : Tout d’abord ce qui a motivé la création du parti, c’est la décision de rester en politique, deuxièmement, c’est d’avoir observé que pour répondre pleinement à l’attente de ceux qui m’avaient fait confiance en 2000, il fallait nécessairement se positionner quelque part pour rester fidèle à mes options, à ma trajectoire et rester en phase avec ceux qui ne m’ont jamais quitté. De ce fait, il n’y avait pas 50 milles solutions. On a évoqué le CDP, on a évoqué un retour à l’ADF/RDA... Après avoir mûrement réfléchi pour bien peser, consulter tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, j’ai opté pour la solution de créer ma propre formation.

Est-ce que votre parti, le RDF ne sera pas un parti de plus ?

S.Y : Vous savez, on dit souvent que nul n’est prophète dans son pays. Et personne ne peut préjuger et présager lui-même de ce que sa formation va devenir.

Ce qui est certain, c’est que, si on n’a pas l’intention d’être visible, de travailler réellement à ce qu’on croit aboutisse à ce moment on se positionne comme un parti de plus. Et là cela n’a aucun intérêt. Si j’ai été jusqu’à franchir le pas de créer un parti, c’est véritablement pour être présent dans le jeu politique et jouer le rôle qui est le mien. Un parti de plus, ça voudrait dire que je n’apporterais rien par rapport aux partis existants, or je pense que si on a un minimum d’objectivité, dans la genèse et dans la phase même de création de ce parti, il y a à mon sens une certaine originalité : j’ai commencé par prendre du recul, par réfléchir, par consulter, par associer un petit noyau de gens à l’idée de créer le parti.

J’ai donc patiemment mis en œuvre le processus à travers même l’examen des textes pour pouvoir trouver un positionnement qui corresponde à la direction qui est la mienne et arriver à se positionner à long terme et essayer d’avoir une approche moins manichéenne de la politique. Ayant analysé, dans l’appel que j’ai publié dans la presse, les forces et les faiblesses de nos démocraties naissantes dans nos Etats, je considère que quand on a la conviction de vouloir changer les choses, il faut s’en donner les moyens, et l’opposition radicale, n’est pas forcément la voie idoine à mon sens pour pouvoir faire bouger les choses dans notre pays.

Je ne cherche pas à me singulariser, mais j’ai la conviction, en tous les cas, pour ce que je connais des formations existantes, que très peu de formations se sont créées dans les circonstances qui ont été les miennes et avec le mouvement que nous avons essayé d’imprimer.

Le RDF, pour ce que nous avons lu dans la presse, se dit au centre à équidistance de tous les extrêmes de l’échiquier politique. Le RDF est aussi prêt à aller dans la mouvance présidentielle si la situation l’exige. Expliquez-nous ce que tout cela veut dire.

S.Y : Je suis arrivé en politique dans le cadre de l’ADF/RDA qui était un parti qui a accepté de participer à un gouvernement de large ouverture composé de huit (8) formations politiques. Si vous vous souvenez, le président de ce parti était le chantre de la démocratie consensuelle, on a tendance à l’oublier. Ce qui veut dire qu’on a commencé par une opposition modérée, constructive, consensuelle.

Après les élections de 2002, qui ont vu ce parti arriver à l’Assemblée avec 17 députés, puis avec notre sortie du gouvernement, ce parti s’est radicalisé. On a donc connu la scission de l’ADF/RDA puis la reconstitution de l’UNDD. C’est pour dire qu’en l’espace de 5 années, j’ai pu mesurer ce que c’est qu’une opposition républicaine qui accepte de travailler sur des bases clairement définies avec un pouvoir en place, et une opposition radicale qui est contrainte par cette position de se fermer, par stratégie à toute forme de dialogue.

Conscient de cela et tirant des enseignements de cette expérience, j’ai opté pour une formation politique libérale, peut-être dans l’opposition modérée, mais qui justement de ce fait et par principe ne se ferme pas à la possibilité d’évoluer vers une mouvance présidentielle, comme je l’ai dit, si les conditions s’y prêtent, si les circonstances l’autorisent et si l’intérêt de notre pays le commande... ça me met à l’aise ainsi que tous les camarades qui me suivent. Il ne faut pas qu’on soit, je dirais, taxé d’avoir un double langage. Nous pensons que si un parti nait forcément de l’opposition parce qu’on trouve des gens qui sont au pouvoir, on ne peut pas sans avoir discuté avec eux dire qu’on est accepté par eux sur un programme ou sur les options.

Quand on veut faire bouger les choses, même si on n’est pas directement aux commandes,on doit nécessairement rester ouvert à la possibilité de collaborer avec un pouvoir en place, une majorité présidentielle. Et j’ajoute qu’il ne faut pas que dans l’esprit des gens, on se focalise sur la mouvance présidentielle actuelle. Le RDF, c’est pour 10 ans, 15 ans 20 ans... Qui sera président dans 10 ans ? Quelle sera la nouvelle majorité présidentielle ? C’est que par définition le RDF est un parti qui ne se ferme pas dans le temps à la possibilité de collaborer, mais ça peut être aussi maintenant. Si on a cette perception de la chose, on évite de penser qu’il s’est créé pour aller dans un sens. C’est parce que par principe, si vous voulez avoir la capacité de grandir et de peser dans le paysage, il ne faut pas se fermer à aucune possibilité.

Après l’obtention de votre récépissé qu’elle est la prochaine étape du RDF ?

S.Y : La prochaine étape officielle du RDF, c’est la poursuite de la mise en place des structures. C’est un travail qu’on a dû anticiper de façon officieuse, n’ayant pas la légalité avec nous, maintenant c’est chose faite.
On va d’abord travailler à mettre en place ces structures en même temps qu’on va travailler à faire connaître notre parti.

Il y a beaucoup de gens qui nous connaissent déjà, peut-être à travers ma personne, qui ont assez rapidement adhéré et peut-être opéré un ralliement... Ce qui est certain c’est que nous avons l’obligation de communiquer aussi bien dans les grands centres urbains que dans les provinces et villages pour expliquer qui nous sommes, qu’est-ce que nous apportons et, au fur et à mesure, installer nos structures.

Nous avons aussi un plan de formation des membres du bureau, un plan de communication. Dès qu’on aura notre siège, on pourra convier la presse, les autres formations politiques pour expliquer que nous sommes maintenant admis dans le « club », on a obtenu notre récépissé, donc on convie tous les autres partis qui accepteront de répondre à notre invitation afin d’échanger avec eux sur ce que nous voulons faire dans le cadre des échéances de 2005, 2006 et 2007.

Le 14 avril dernier, à l’Assemblée nationale et devant le Premier ministre, vous avez pris fait et cause pour les étudiants. Est-ce qu’on peut voir cela comme un préavis de « recrutement » que vous lancez à l’endroit de ces derniers ?

S.Y : C’est une question très pertinente, et je pense que beaucoup de gens ont perçu mon intervention comme le fait que nouvellement entré dans le club de leaders de partis, j’ai voulu marqué mon arrivée. En vérité, ce n’était pas ainsi. Bien avant le passage du Premier ministre à l’Assemblée, j’ai eu une concertation avec des camarades dans le parti pour voir quelles étaient les préoccupations de nos militants pour ce qui concerne l’université. La question est revenue à plusieurs reprises et je me suis dit que quelle que soit la façon dont la question serait perçue, je la poserai parce que c’est un problème.

Et je crois que j’ai été le seul député à poser cette question des étudiants au Premier ministre. Cela a peut-être pu être mal perçu par certains, mais je pense que d’une manière générale cela a permis au Premier ministre de clarifier la situation. De dire clairement quelle est la philosophie de cette police universitaire, ce qui est fait pour les étudiants dans le cadre des cités universitaires. J’ai même été pris de cours puisqu’il a même dit qu’on a déjà accédé à la requête des étudiants en débloquant le financement d’une nouvelle cité universitaire de 750 chambres. Ce qui suppose que les étudiants doivent aussi savoir raison garder et savoir aussi reconnaître quand le gouvernement fait un pas et maintenir le dialogue.

Donc ce n’était pas une volonté délibérée « d’entrer à l’université », c’est d’ailleurs un milieu difficile. De toute façon, les étudiants sont conscients des enjeux politiques qui se jouent à l’université il serait étonnant qu’ils ne s’en trouvent pas pour apprécier quelque part le mouvement que j’ai crée. Les choses se feront naturellement et il est bon qu’il y ait toutes sortes de tendances : des étudiants qui dans le cadre des organisations estudiantines estiment que le pouvoir travaille bien, que d’autres estiment le contraire et qu’à équidistance des extrêmes, ils s’en trouvent qui considèrent que le gouvernement a fait des choses mais comme on dit : « c’est bon mais c’est pas arrivé ». C’est un peu dans cette mouvance que je m’inscris. Et nos éléments qui sont à l’université ont été instruits dans ce sens.

Un parti politique, ce sont les idées, les hommes mais aussi les moyens financiers. Avez-vous les moyens de votre politique ?

S.Y : Ce qui est certain, c’est qu’à l’instant où nous parlons, je n’ai pas tous les moyens pour ce qu’avec le temps je compte faire dans le cadre de ce parti. Mais, j’ai la conviction que je vais les trouver, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du Burkina. L’essentiel, c’est de pouvoir planifier son action et trouver les moyens correspondant à chaque étape. Aujourd’hui, je n’ai peut être pas tous les moyens d’aller en campagne pour pour être réélu député.

Mais ce qui est certain, c’est que dans le cadre de la présidentielle et des municipales nous ferons tout pour trouver les moyens nécessaires pour être présents.

Revenons à votre ancien parti l’UNDD qui vient d’enregistrer encore une démission de taille en la personne de M. Boubacar OUEDRAOGO, secrétaire politique et « curieusement » avec les mêmes critiques que vous avez avancées à l’époque contre le président Hermann (gestion du parti, crise ivoirienne...). Qu’est-ce que cela vous inspire comme commentaire ?

S.Y : Cela m’inspire un commentaire... des impressions un peu mitigées. D’un côté, voilà un monsieur que je connais bien, qui est un camarade de Hermann YAMEOGO, j’allais dire de la première heure, qui a peu près 6 mois après ma démission vient confirmer ma position. Cela ne fait que me conforter dans celle-ci. J’ai pris une décision difficile, douloureuse mais qui était la bonne. Impression mitigée aussi vient du fait que malheureusement, il se trouve encore des personnes pour emboîter le même pas. Ce qui veut dire que forcément de l’autre côté, les choses n’ont peut-être pas bougé dans un sens qui me paraît conforme à l’idée que doivent avoir ceux qui combattent réellement pour la démocratie ; et je sais qu’à l’UNDD, ils sont nombreux.

Si on demandait au député Salvador YAMEOGO de nous donner, de par son expérience, les forces de l’opposition burkinabè. Que diriez-vous ?

S.Y : L’opposition burkinabè à travers ses formations politiques ou à travers ses dirigeants est composée de gens qui ont plus ou moins de l’expérience, même s’ils n’ont pas tous encore eu la possibilité de gérer le pouvoir d’Etat. Il y a, tout de même, des leaders qui ont non seulement la formation mais aussi une expérience de plus en plus significative par rapport au but qu’ils se fixent.

D’une manière générale, une opposition peut être forte dans la mesure où elle trouve des thèmes de campagne, des thèmes qui sont mobilisateurs. Il y a eu de par le passé à l’époque de la CFD, de la crise Norbert ZONGO, des moments où l’opposition avait des thèmes tout trouvé pour lutter...’

A cette époque, cela pouvait soit réussir, soit mettre le pays à feu et sang. Là, l’opposition a fait preuve de beaucoup de responsabilité. Et je vais profiter de l’occasion pour rendre un hommage à tous les leaders de l’opposition radicale et modérée confondues qui, dans les pires moments de notre histoire politique, ont souvent fait preuve de responsabilité.

Certains ont perçu cela autrement comme une trahison, mais je pense que l’essentiel est que nous avons pu sauvegarder la paix et la stabilité, et quand celles-ci sont réunies, on a la possibilité de travailler pour changer les choses. J’ai donc beaucoup de respect pour ceux qui m’ont devancé et qui sont aujourd’hui les leaders de l’opposition.

Les faiblesses de l’opposition...

S.Y. : J’ai essayé d’en souligner faiblesses dans l’appel que j’ai lancé. J’ai dit qu’il faut que l’opposition cesse de se définir par défaut uniquement comme le négatif de ceux qui sont au pouvoir. Il faut que l’opposition même dans sa frange la plus radicale ait le courage quelquefois de reconnaître que si un acte, une décision est prise par un parti qui au pouvoir et que cela va dans le sens des aspirations du peuple, qu’on dise et qu’on concède que cette fois, le CDP a bien fait.

Deuxièmement, quand ce n’est pas le cas, il faut bien sûr manifester mais il faut aussi essayer de démontrer le pourquoi de cela. Il ne s’agit pas seulement de dire que comme ça provient de l’autre côté, c’est mauvais. Il faut avoir des arguments. Les électeurs sont de plus en plus conscients, et éveillés. Ils voient bien que les gens luttent pour le pouvoir et il ne faut pas leur donner l’impression qu’on ne lutte que pour le pouvoir. On doit lutter pour améliorer leur sort. Si vous avez à portée de main une décision, une action ou quelque chose qui peut améliorer le sort de ceux qui vous ont envoyé à l’Assemblée, même si vous êtes de l’opposition, si vous dites comme je ne suis pas au pouvoir... je ne peux pas le faire, ça va profiter au pouvoir.... C’est vrai que c’est une option mais ce n’est pas ma vision.

Je dirais enfin, que l’opposition a fait certainement un grand pas pour essayer de se fédérer, même si l’échec a été l’incapacité à se trouver un candidat unique pour la présidentielle. Maintenant je pense que tout se jouera par rapport à un projet de société qui soit alternatif surtout crédible et réalisable et ça il y a encore beaucoup de choses à faire. Il faut un travail de fond entre ces partis, avec une même vision.

Ensuite, il faut des circonstances favorables à l’alternance : un pouvoir qui est en place qui est en perte de vitesse, qui n’est pas reconnu, qui a du mal à payer ses fonctionnaires,tous les 2 ou 3 jours les gens marchent... on peut alors dire que les circonstances sont favorables... Or objectivement, quand on regarde la situation actuelle, ce n’est pas ce qu’on voit.

C’est vrai qu’au Burkina on a des problèmes, il ne pleut pas assez, cette année on a un déficit cérealier, les criquets... mais personne ne peut dire que chaque fin du mois les fonctionnaires ne sont pas payés. Cela veut dire qu’il faut avoir la patience d’attendre que les circonstances soient favorables à ce qu’on puisse faire une alternance qui profitera aussi bien l’opposition, qu’au le Burkina entier. Un jour ou l’autre ceux qui sont au pouvoir seront dans l’opposition et vice-versa.

Donc je pense que beaucoup de choses ont été faites et je serais mal inspiré de dire que ceux qui m’ont précédé n’ont rien fait.

Est-ce que vous voulez dire que les conditions de l’alternance ne sont pas vraiment réunies ?

S.Y. : Je souhaite que le scrutin présidentiel soit le plus libre, le plus équitable et le plus transparent possible. Que chaque Burkinabè puisse faire son choix en son âme et conscience... Mais moi, j’ai la conviction que les conditions de l’alternance au Burkina Faso ne sont pas réunies.

M. le député, envisagez-vous vous inscrire dans un groupe parlementaire ?

S.Y. : Pour l’instant, je suis toujours inscrit dans le groupe parlementaire « justice et démocratie ». J’avais escompté avoir mon récépissé plus tôt. Il y a eu quelques lenteurs administratives. Mais je pense que bientôt je vais me situer par rapport à mon positionnement dans un groupe parlementaire : soit rester dans le groupe « justice et démocratie » soit évoluer vers un autre groupe parlementaire. Et j’aurais l’occasion d’informer la presse et l’opinion publique et donner les raisons pour lesquelles j’évolue, si c’est le cas.

Quelle est votre appréciation de la situation de la nation faite par le Premier ministre le 14 avril dernier ?

S.Y. : J’aurais peut-être dû le faire dans le cadre de l’Assemblée, mais il y a tellement de questions et le débat prend du temps... Mais j’aurais certainement dû commencer par rendre hommage au Premier ministre. Nous avons été de ses ministres dans le cadre du gouvernement YONLI I.
C’est son 5e discours sur l’Etat de la nation et c’est la preuve d’une certaine longévité à un poste certainement difficile.

Ce discours est une occasion privilégiée de rencontre entre la majorité et l’opposition pour faire un bilan à mi-parcours de l’action du gouvernement et c’est aussi l’occasion d’en souligner les forces et les faiblesses. A charge pour chaque partie d’insister sur le bilan positif ou négatif. Ce qui est ressorti de ce discours, c’est qu’au-delà de la forme le Premier ministre s’est voulu rassurant sur la santé du pays et la cohérence de son action.

Il y a des dossiers sur lesquels lui-même a concédé des difficultés. Et je pense que c’est une preuve de responsabilité et de maturité qu’il vienne devant le parlement et reconnaisse par exemple qu’en matière de sécurité il y a beaucoup à faire, qu’à l’université, il y a des problèmes et qu’on dégage les moyens qu’on peut ; on reconnaît que dans tel ou tel domaine par exemple l’agriculture il y a des projets lancés et qu’il n’ont pas atteint le niveau escompté... J’ai positivement apprécié son discours sous cet angle. C’est un bilan assez objectif qu’il a fait par rapport à son action.

Maintenant, c’est normal, l’opposition va chercher à mettre en exergue les aspects les plus négatifs et la majorité va à l’inverse essayer de souligner ce qui a le mieux fonctionné.
Je pense que c’était un bon discours.

Si on rentre dans les chiffres cela suscite d’autres débats. Mais l’essentiel est que ce rendez-vous périodique ait lieu et que les députés aient l’occasion de poser des questions et que le Premier ministre réponde directement.

Le RDF ne présentera pas de candidat à la présidentielle de novembre prochain. Alors qui allez-vous voter ?

S.Y. : Dès que la création de notre parti, nous avons d’emblée indiqué que vu notre jeunesse, ce n’était pas réaliste de penser être candidat. Je pense que cela dénote déjà de la haute idée que nous avons de fonction de président du FASO... Avant d’aspirer à gouverner le Burkina pour 5 ans, il faut savoir vraiment si on a les capacités intellectuelles matérielles, etc. ceci dit, dans une certaine logique, le RDF est un parti qui fait le pari de l’avenir , qui veut se structurer sur des bases solides, qui veut avoir un discours cohérent et permanent.

Si nous disons que nous sommes capables d’évoluer à tous moments vers la mouvance, cela veut dire que si le chef de l’Etat décide qu’il est candidat et que nous avons l’opportunité de prendre connaissance du programme qu’il propose au peuple et qu’on y trouve effectivement des points de convergence avec ce que nous aurons dégagé comme nos priorités... Mais on ne peut pas devancer l’iguane dans l’eau. Mais combien de burkinabe ont la capacité de maintenir le cap que la pays a pris de garantir la paix et la stabilité ?

Cela veut dire que nous allons observer le déroulement du scénario et nous ferons connaître, en temps opportun, vers qui nos suffrages iront et à ce moment, nous ferons tout pour mobiliser et pour être lisible par rapport au travail qui sera fait pour que le candidat puisse conduire aux destinées du pays.

Avez-vous été contactés pour l’alliance de la mouvance présidentielle ?

S.Y. : Nous n’avons pas pu être officiellement contactés pour la simple et bonne raison que nous n’avions pas encore obtenu notre récépissé.
Donc au moment où le CDP se concertait avec les 25 partis qui ont signé, je n’étais pas officiellement reconnu et donc je ne pouvais pas remplir la condition minimale pour accéder cette concertation.

M. le président, parlant de la crise ivoirienne, après les accords de Pretoria et le « quitus » donné à Alassane OUATTARA pour la présidentielle, certains pensent que la Côte d’Ivoire évolue inexorablement vers la sortie de crise. Est-ce votre avis ?

S.Y. : Je pense qu’il y a un pas important qui vient d’être franchi par le président GBAGBO qui accède à la requête de la médiation sud-africaine. Même si on ne partage pas ses points de vues, il faut lui rendre cet hommage.
C’est une décision sage que d’ouvrir le scrutin à Alassane OUATTARA.

C’est un motif de satisfaction et je voudrais profiter de cette opportunité pour saluer l’action du président BEDIE et du PM Alassane OUATTARA qui ont su opérer des retrouvailles du mouvement HOUPHOUETISTE ; c’est important quand je dis cela.

Le mouvement houphouêtiste, c’est d’abord le PDCI/RDA et le RDR. Et nous sommes aussi quelque part des enfants du RDA il y a donc un lien sur le plan politique. Et chaque fois que l’occasion se présente, c’est un devoir politique pour nous d’appuyer l’action du G7 et les deux figures citées.
Maintenant ce qu’il faut observer c’est que entre ce qui a été décidé à Pretoria et ce qui avait été décidé à Marcoussis, Accra, Libreville... sur le fond, il n’y a pas grand chose de changé.

Ce qui veut dire qu’on aurait pu faire l’économie des 1 ou 2 ans, l’économie de vies humaines, de douleur... vous savez en politique, on ne maîtrise pas le temps. Mais l’essentiel est qu’on arrive déjà à une situation où tous les signataires des accords peuvent se présenter à l’élection présidentielle. De ce point de vue, c’est une très bonne chose. Mais je pense qu’il faut rester vigilant par rapport à une certaine logique dans la mise en œuvre de ce qui a été décidé à Pretoria. Si on ouvre le scrutin à tous les signataires, il faut s’assurer qu’il a la transparence la plus totale dans la conduite du processus jusqu’à son terme, jusqu’à l’élection d’un nouveau président pour la Côte d’Ivoire, or ce qu’on entend sur la révision des listes laisse penser qu’il y a encore beaucoup à faire.

Et la situation au Togo ?

S.Y. : La situation au Togo est regrettable. On a avait déjà celle de la Côte d’Ivoire et voilà maintenant le TOGO, même si les deux cas ne sont pas similaires, ils présentent des ressemblances. La première des choses, c’est que nous en tant que démocrates, en tant qu’acteurs de la vie politique au Burkina, on ne peut que souhaiter un retour normal à la vie politique afin que les protagonistes puissent discuter et s’entendre.

Ce que je peux dire aussi c’est que l’aspiration à la démocratie au Togo est légitime pour un Etat qui a connu une longue période où une seule personne a été au commande avec un régime assez dur. Cependant, en politique, il faut aussi admettre le principe du réalisme, qui veut que quelle que soit la volonté et quelle que soit la légitimité de réaliser l’alternance, les conditions ne sont pas toujours facilement réunies. Est-ce que l’opposition a pu réellement travailler pour être opérationnelle à l’instant « t ». Elle a même demandé le report des élections pour que les gens puissent s’organiser. Toujours est-il qu’il y a un résultat qui a été proclamé et qui plonge le Togo dans la division.
Ce qui est regrettable surtout s’il y a des pertes en vies humaines...

Il faut que l’opposition, pas seulement l’opposition togolaise mais l’opposition en général soit toujours en mesure d’assumer les actes qu’elle pose. Au Togo, elle a demandé le scrutin après le coup de force de Faure GNASSINGBE qui a finalement accepté . Maintenant le débat se pose sur les fraudes... Il est peut-être un peu tôt pour apprécier la réalité des choses. Est-ce que ce qui se passe est suffisamment significatif pour remettre en cause le scrutin ?

Mais ce qui est certain, on ne peut qu’appeler toutes les parties à la raison pour essayer de trouver une solution de sorte qu à défaut d’avoir pu réaliser l’alternance, que le besoin de changement que le peuple togolais a exprimé et qui est légitime puisse se ressentir dans un nouveau gouvernement. Comme je l’ai dit, j’ai la conviction que la politique c’est l’art du compromis. Il y a rarement de situation idéale en politique. Il y a ce qu’on veut et ce qu’on peut obtenir. Dès lors que pour l’instant on ne peut pas obtenir ce qu’on peut et avancer pour pouvoir obtenir ce qu’on recherche.

Qui est M. Salvador dans sa famille, dans ses loisirs et dans sa vie quotidienne ?

S.Y. : En ce moment je n’ai pas beaucoup de loisirs. Je pense que vous comprendrez qu’avec le chantier que j’ai ouvert. Mais je dirais d’une manière générale que je suis un Burkinabè comme les autres. J’aime bien la politique, je suis économiste de formation donc je m’intéresse à l’actualité politique et économique du continent et du monde.

Quand j’avais beaucoup de temps, jamais bien le cinéma. Je suivais le FESPACO même quand j’étais à l’étranger. J’aime bien aussi la musique et le sport et me retrouver avec mes camarades autour d’un verre. Vraiment, je ne suis pas quelqu’un de protocolaire, je vais dans tous les milieux et c’est ce que les gens qui ne me connaissent pas ne savent pas. Ilspensentquecomme nous sommes quelque part des enfants de « grands ». Cela n’a pas de sens pour moi.

Partout ou je sais qu’il y a des gens intéressants ou intéressés par ce que je fais je vais vers eux, ne serait-ce que sur un plan humain. Le fait de ne jamais fermer sa porte est une source de d’informations et d’enracinement...
Et je crois que pour un homme politique, la première des choses, c’est de rester ouvert.

Un bon père de famille ?

S.Y. : Il faudrait le demander à mon épouse et à mes enfants... Je m’efforce quand même d’être à leur écoute, de leurs donner une bonne éducation, un certain sens des valeurs. Et ce qui est fondamentale pour moi : c’est de leur inculquer qu’il n’y a que le travail et au bout du travail la récompense... Ils faut leur inculquer ces valeurs et après on prie Dieu pour qu’ils s’en sortent dans leur vie.

Fervent croyant ?

S.Y. : Je suis croyant. Il n’y a aucun doute la-dessus. Mais je ne suis pas suffisamment pratiquant, je l’avoue mais je suis fervent croyant.

Entretien réalisé par : Idrissa Birba, Frédéric ILBOUDO, Drissa TRAORE
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