Actualités :: Moussa Michel TAPSOBA, président de la CENI : “La révision des listes (...)

Depuis le 25 avril se déroule sur toute l’étendue du territoire national, la révision exceptionnelle des listes électorales. Pour en savoir davantage sur cette opération, nous nous sommes rendus au siège de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) où nous avons pu échanger avec son président, M. Moussa Michel TAPSOBA.

L’occasion faisant le larron, nous avons profité pour aborder des questions relatives à l’informatisation du fichier électoral, au report des élections municipales en 2006...

Monsieur le président, où en est-on avec l’informatisation du fichier électoral ?

Moussa Michel TAPSOBA (M.M.T.) : Le fichier électoral pour lequel des discussions ont eu lieu pour l’informatisation et qui concerne les listes qui ont servi aux élections législatives de mai 2002, est terminé pour ce qui concerne l’informatisation. Je pourrais vous faire visiter les salles informatiques où se déroulent les impressions des listes électorales qui ont servi aux élections législatives de mai 2002. Maintenant nous nous préparons à une révision exceptionnelle afin de collecter de nouvelles informations pour compléter les listes de 2002 afin d’en faire un fichier électoral complet.

Lors d’une interview que vous nous avez accordée en mars 2004, vous affirmiez qu’il n’y a pas que l’informatisation du fichier électoral pour rendre les élections transparentes et sans fraudes. Avec le recul, êtes-vous toujours de cet avis ?

M.M.T. : Il est évident que le fichier électoral dans toutes élections est une question centrale et que naturellement, c’est à ce niveau que les fraudes sont les plus sensibles. Mais il n’y a pas qu’au niveau des listes électorales que des fraudes peuvent se commettre. Elles peuvent avoir lieu même le jour de scrutin, dans les bureaux de vote par exemple. Je continue donc d’affirmer que l’informatisation à elle seule « n’éradique » pas entièrement les fraudes. Il y a d’autres aspects qu’il faut prendre en compte et c’est pour cela que nous invitons les partis politiques à être présents tout au long du processus, pendant l’établissement des listes électorales mais aussi le jour du scrutin dans les bureaux de vote.

Que fait la CENI pour justement éviter les fraudes en dehors bien sûr de l’informatisation du fichier ?

M.M.T. : Nous ajoutons d’autres artifices. Vous savez que nous avons la base de départ qui est critiquable en ce sens que pour s’inscrire sur une liste électorale il faut un certain nombre de pièces. Il y a la carte d’identité qui est la meilleure, le passeport, l’acte de naissance, c’est déjà plus difficile et la carte de famille qui est encore plus aléatoire.

Nous avons donc prévu aussi l’encre indélébile, c’est un artifice qui diminue sensiblement les possibilités de manipulation électorale. Si vous vous présentez avec une pièce qui ne permet pas l’identification efficace, il y a au moins l’encre indélébile qui contribue à limiter les possibilités d’aller voter deux (2) fois si cela était possible.

Toujours dans la dynamique de limiter les fraudes, est-ce que vous pensez que les partis politiques jouent pleinement leur rôle ?

M.M.T. : Il est évident que les partis politiques réclament régulièrement des élections libres et transparentes. C’est d’ailleurs la revendication de tous les citoyens. Les partis politiques naturellement sont plus virulents dans cette requête. Mais on ne voit pas toujours des efforts au niveau des partis politiques pour contribuer à réduire justement ces fraudes. La loi électorale au Burkina Faso autorise la présence des partis politiques de bout en bout dans le processus électoral. Malheureusement, nous ne constatons pas que les partis politiques en profitent.

Par exemple pendant la révision des listes électorales, il est prévu que les partis politiques peuvent accompagner les agents recenseurs, ils peuvent être présents toute la journée pendant qu’ils travaillent et cela pour observer afin qu’il n’y ait pas de possibilités de manipulation. La loi électorale prévoit également que les partis politiques peuvent être dans les bureaux de vote le jour du scrutin et être là au moment du dépouillement et recevoir éventuellement les résultats comme tout le monde. Mais ce n’est pas toujours que l’on trouve la présence des partis politiques à toutes les étapes.

Mais les partis politiques évoquent le problème de moyens financiers ?

M.M.T. : C’est vrai les moyens sont un problème réel pour tous. Mais cela veut dire aussi qu’on ne crée pas un parti politique tout simplement parce qu’on veut le créer. Il faut tenir compte du fait qu’un parti politique demande des moyens. Peut-être que si nous n’avions pas une centaine de partis politiques, si le nombre était beaucoup plus réduit, les efforts se seraient conjugués pour faire face aux dépenses liées à la vie, au fonctionnement des partis.

Est-ce à dire que vous êtes pour la réduction du nombre des partis politiques ?

M.M.T. : Ça c’est mon souhait. Maintenant, il y a la liberté de créer des partis politiques au Burkina et les gens en profitent. Mais le corollaire, c’est que malheureusement, cela demande des moyens. Ce qui n’existe pas toujours.

Les rencontres entre la CENI, les partis politiques et la société civile sont fréquentes. Pourquoi ces rencontres et qu’est-ce que la CENI en tire ?

M.M.T. : Vous savez que la CENI est composée de façon tripartite : Partis politiques de l’opposition, partis politiques de la majorité et les organisations de la société civile. Toutes nos activités, nous devons rendre compte aux partis politiques et aux organisations de la société civile et aussi au gouvernement, puisque c’est un partenaire important du processus électoral. Nos rencontres périodiques nous permettent d’abord de rendre compte et aussi de recueillir les différentes suggestions des uns et des autres et cela dans le but d’améliorer notre façon de faire dans le travail qui nous est confié.

Vous avez l’impression que les partis jouent efficacement leur rôle ?

M.M.T. : Nous recevons des critiques, que vous lisez parfois dans la presse. Et cela, nous permet de corriger les éventuelles erreurs que nous faisons. En tous cas, lors des rencontres les partis politiques jouent leur rôle. Il y a aussi le fait que les partis politiques ne nous interpellent pas souvent et quelquefois nous avons l’impression qu’on nous a oubliés.

Les élections municipales ont été reportées en 2006. On accuse la CENI d’y être pour quelque chose dans ce report et cela parce que vous avez dit que vous n’avez pas d’argent. Peut-on dire que le gouvernement vous a suivi ?

M.M.T. : Au moment où nous entamions l’informatisation du fichier électoral, nous avions un chronogramme qui avait été accepté par le gouvernement et que nous avions porté à la connaissance des partis politiques. Tout le monde peut vérifier que ce chronogramme prévoyait la possibilité d’organisation des élections municipales au mois de mai 2005. Donc c’est le retard que nous avons accusé en cours de chemin qui nous a fait translater ce chronogramme.

Et nous nous sommes aperçus qu’en le translatant, il finit maintenant au-delà de la fin du mandat des conseillers municipaux. Nous avons donc dit que dans ces conditions, il ne serait pas possible d’organiser à la date échue les élections municipales afin que les nouveaux conseillers puissent prendre du service avant la fin du mandat des conseillers en cours.

Ce n’est donc pas un choix délibéré mais c’est une situation qui s’est présentée à nous et nous avons simplement porté l’information. Maintenant si vous suivez l’information, au niveau du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, (MATD), il y a de grands chantiers sur la décentralisation et que peut-être à ce niveau même les textes pour l’organisation d’élections municipales avant la fin du mandat des conseillers n’aurait pas été possible. Mais nous à la CENI nous n’avons pas besoin de savoir comment le MATD s’organise. Nous avions une situation pour laquelle nous devons porter très rapidement l’information à la connaissance des acteurs du processus électoral.

Comment expliquez-vous cette levée de boucliers de certains partis contre ce report ?

M.M.T. : C’est tout à fait normal parce que les gens s’étaient peut-être préparés à aller aux municipales avant la présidentielle. C’est donc une nouvelle situation à leur niveau et que forcément il y a des récriminations. Mais à force d’explications, je crois qu’aujourd’hui tout le monde a compris qu’il n’y avait pas de volonté délibérée de la part de la CENI de voir reporter les élections municipales après la présidentielle.

En dehors du problème d’argent, est-ce que techniquement et matériellement, la CENI pouvait organiser les deux élections cette année ?

M.M.T. : Comme je l’ai dit, notre chronogramme de départ nous permettait d’envisager l’organisation des élections municipales au mois de mai 2005. Moyennant quelques mois de retard, on serait toujours en deçà de la fin du mandat des conseillers municipaux en cours. Donc techniquement nous étions en mesure d’organiser les élections municipales avant la fin du mandat des conseillers, si on n’avait pas eu de difficultés en cours de chemin.

Le gouvernement a adopté le 1er avril dernier un rapport relatif à un projet de loi modificatif du code électoral. Il ressort qu’on aura, si l’Assemblée nationale donne son quitus, deux types de collectivités territoriales : une collectivité de base qui est la commune rurale ou urbaine et une collectivité de coordination qui est la région. En tant que président de la CENI, comment analysez-vous ce projet de loi et est-ce qu’il n’aura pas d’incidence sur vos démembrements, notamment avec la suppression des CEDI (Commission électorale départementale indépendante) ?

M.M.T. : Nous travaillons avec le droit positif, c’est dire que pour nous les CEDI existent et nous travaillons avec. Maintenant, le jour où l’Assemblée nationale décidera que les CEDI n’existent plus, nous referons simplement une nouvelle organisation pour faire face au scrutin qui va se présenter. Il ne se pose vraiment pas de problème à notre niveau...

Vous n’avez pas d’observation particulière à faire sur cette modification du code électoral souhaitée par le gouvernement ?

M.M.T. : Nous ne discutons même pas du bien-fondé d’une modification du code électoral.

Quel moyen vous disposez pour la révision des listes ?
M.M.T. : La loi électorale dit que les révisions exceptionnelles des listes électorales se font par la CENI et ses démembrements et la même loi précise qu’on peut faire recours à toute personne dont les compétences sont jugées utiles pour l’accomplissement de notre mission. C’est pour cela que nous avons fait recruter des agents recenseurs par nos démembrements, que nous formons et qui vont nous aider à faire le travail. Il ne se pose donc pas de problème en matière de ressources humaines. On aura au moins 8000 agents recenseurs sur toute l’étendue du territoire national.

Quels sont ceux qui sont concernés par cette révision des listes électorales ?

MMT : la révision concerne deux catégories de personnes. Il y a les personnes qui sont majeures depuis longtemps mais qui ne figurent pas sur les listes électorales. Il y a aussi les nouveaux majeurs, ceux qui ont acquis la majorité depuis les élections de 2002. Il y a aussi les personnes déplacées. Si on prend l’exemple de la ville de Ouagadougou, pour des raisons d’aménagement urbain, le secteur 5 a été déplacé. Il y a aussi des personnes déplacées par suite d’affectation, pour d’autres motifs. Tous ces gens aussi sont invités à s’inscrire sur les listes.

Où peut-on s’inscrire ?

MMT : Nous avons donné déjà l’information pour dire que là où les gens ont l’habitude de voter dans les villages, dans les secteurs, ils trouveront les agents recenseurs. Les révisions se font aux lieux où les gens ont l’habitude de voter.

Qui finance l’organisation des élections dans notre pays ?

MMT : C’est le gouvernement qui agit au nom de l’Etat. Nous disons toujours que le bailleur de fonds des élections, c’est l’Etat mais l’Etat entretient des rapports avec d’autres partenaires et quelquefois quand il a des difficultés, il s’adresse à ces partenaires. Mais pour nous CENI, notre bailleur de fonds, c’est l’Etat.

Parlons des urnes ; est-ce que la CENI a maintenant ses propres urnes ?

MMT : Nous avons maintenant beaucoup d’urnes pour organiser les élections. Avant les élections législatives de 2002, nous avions un déficit d’urnes.
C’était à peu près 9 000 urnes. Et nous avons fait une requête auprès d’un partenaire du Burkina, le Danemark qui nous a offert 10 000 urnes supplémentaires. Donc nous avons à peu près 19 000 urnes. Pour les élections au Ghana nous avons envoyé 3 000 urnes à leur demande et ces urnes sont de retour.

Avec le temps, quel regard les partis politiques portent sur la CENI aujourd’hui

MMT : Chaque fois que nous avons rencontré les partis politiques nous avons l’impression, en tout cas, qu’ils ont intégré la CENI dans le dispositif électoral au Burkina et qu’ils attendent beaucoup de notre institution dans le cadre de l’organisation des élections libres et transparentes au Burkina. C’est d’ailleurs les partis politiques qui sont très exigeants envers nous, ce qui nous réconforte, ce qui montre leur intérêt. Donc, je pense que la CENI fait partie désormais du paysage institutionnel dans l’organisation des élections.

Est-ce à dire que le problème d’indépendance évoqué par certains au départ ne se pose plus ?

MMT : C’était au départ et chacun attendait de voir comment cela allait évoluer et il y avait naturellement des appréhensions. Vous savez que les commissaires que nous sommes n’étaient pas des personnalités très connues. Or il s’agissait de confier ici l’avenir des partis politiques à des personnes qu’on ne connaissait pas bien. Mais à l’issue des élections législatives, je crois que la confiance s’est établie entre la CENI et les partis politiques. Il y a plus beaucoup d’appréhensions quant à l’indépendance de la CENI que dans l’organisation des élections.

Vous étiez en mission au Togo. Quel était l’objet de cette mission ?

MMT : J’ai été sollicité par le secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) pour une mission exploratoire et d’évaluation de la situation d’organisation des élections au Togo. Vous savez que ce pays qui a connu un malheur, la disparition de son président, doit organiser des élections le 24 avril prochain. Vous savez aussi qu’avec la disparition du président, il y a eu des difficultés de départ si bien que l’OIF avait pris des sanctions contre le Togo. Notre mission visait à rapporter des éléments suffisants pour apprécier s’il faut lever ou non les sanctions. Et je constate que les sanctions ont été levées, et aussi s’il a opportunité d’envoyer des observateurs pour les élections présidentielles. Je n’étais pas seul. Il y avait 3 experts : le directeur des élections du Québec, le directeur des opérations électorales du Sénégal et moi.

Il y a eu récemment l’accord à Pretoria entre les protagonistes de la crise ivoirienne. Quel commentaire faites-vous de ce nième accord et quel est votre souhait pour ce pays ?

MMT : Comme vous le dites, il y a eu beaucoup d’accords dans cette crise mais malheureusement, ça n’a pas toujours donné de résultat. Le souhait de tout Africain aujourd’hui, c’est de voir se réaliser les engagements qui ont été pris à Pretoria. Je suis persuadé que le peuple ivoirien doit être très extenué par cette crise et les gouvernants eux-mêmes doivent être fatigués. Dans la mesure où quand on est élu président, l’ambition c’est d’appliquer un programme de gouvernement, or il se trouve que depuis le début de cette crise, il n’y a pas eu d’effort de développement dans ce pays. Tout Africain, particulièrement ceux des pays voisins souhaitent vraiment la fin de cette crise.

En cette année électorale, est-ce que vous avez un vœu particulier qui vous tient à cœur ?

MMT : Vous savez les élections ce n’est pas une finalité.
Les élections préparent les bases nécessaires pour engager les programmes de développement dans la paix. Donc, je souhaite que cette année électorale soit une année de paix et de démocratie.

C’est-à-dire que les acteurs politiques doivent avoir un fair-play, parce qu’une élection c’est un sport en quelque sorte, c’est une compétition.
Donc il faut beaucoup de fair-play ; exposer seulement ses idées pour convaincre les électeurs mais accepter aussi le choix des électeurs en se disant que si on n’a pas gagné, c’est certainement parce qu’on n’a pas convaincu suffisamment.

Quant à la révision des listes, électorales nous espérons avoir 1 500 000 à 2 millions d’électeurs en plus. Mon souhait est que tous les anciens majeurs qui n’ont pas pu s’inscrire, et les nouveaux majeurs s’inscrivent massivement et pouvoir voter.
Parce que voter c’est déléguer son pouvoir à une personne ou à un groupe de personnes pour agir en son nom, concernant même son propre avenir. Mon souhait est que les gens s’inscrivent sur les listes électorales pour pouvoir voter.

Interview réalisée par Idrissa BIRBA
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