Actualités :: Audit du MBDHP : Comme un doigt sur une plaie !

Après 14 ans d’existence - 1989-2003 - le Mouvement burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP), sur demande express de ses principaux bailleurs de fonds, a été soumis à un audit, le premier du genre. Malgré des acquis certains, l’état des lieux au sein de cette ONG n’est pas des plus brillants.

Il n’est pas toujours agréable d’avoir raison très tôt. Les risques sont énormes d’être incompris avec pour conséquence des procès d’intention, les uns plus malveillants que les autres.

Dans le cas d’espèce, l’Hebdomadaire du Burkina, fut l’une des premières voix à réclamer ouvertement un audit du MBDHP. "Un audit s’il vous plait" avions- nous écrit en février 2000 au moment où l’affaire des 100 millions offerts par l’ancien président Henri Konan Bédié au président de l’UIDH faisait la Une des journaux d’ici et d’ailleurs. C’est sûr, nous n’étions pas la voix la plus indiquée pour exiger cet audit, mais quand un magistrat en disponibilité comme Halidou Ouédraogo peut se construire une maison de 60 millions de F CFA selon ses propres estimations, il y a de quoi se poser des questions sur les subventions gérées au nom du MBDHP et de l’UIDH.

Au sujet de cette dernière, c’est un atelier régional tenu à Bangui en août 2002 qui avait sonné la charge sur les risques de dérapage fonctionnel de l’union inter-africaine des droits de l’homme. Pour le MBDHP, c’est véritablement un audit arraché sous la pression des bailleurs de fonds qui met à nu les "incompatibilités fonctionnelles surtout en matière de gestion comptable et financière", "l’absence d’une planification stratégique pluriannuelle des activités du mouvement" et "un manque de stratégie claire de communication…".

Le bourreau a peur du gourdin

Mieux vaut tard que jamais pourrait-on dire au sujet de ce premier audit qui a concerné la période 1995-2003. Il intervient à la fin du dernier programme d’appui institutionnel (2000-2003) en cours d’exécution depuis mai 2000.

Durant ces huit dernières années, c’est plus de 600 millions de subvention dont le Mouvement a bénéficié et les donateurs étaient quelque peu surpris, voire agacés par les réticences des premiers responsables du MBDHP à ce qu’un audit indépendant et crédible soit fait sur sa gestion. "Le refus de l’audit est aussi la culture de l’impunité" aurait lancé une des déléguées des bailleurs de fonds au cours des discussions serrées pour en faire accepter l’idée.

C’est à se demander pourquoi les chantres de la bonne gouvernance que sont les premiers responsables du MBDHP émettaient des réserves sur l’audit d’une ONG qui brasse tant de millions prélevés chez des contribuables européens ? Le bourreau a-t-il peur du gourdin ? En tout cas, en se montrant fermes pour imposer cet audit, les donateurs du MBDHP battent en brèche l’idée selon laquelle en matière d’exigence de transparence, il ne faut pas encourager la politique du deux poids deux mesures ; celle qui consiste à être ferme seulement quand il s’agit des structures ou institutions étatiques cependant que des ONG grassement financées bénéficient de conditionnalités moins contraignantes.

L’exemple du MBDHP au Burkina était devenu très frappant avec un président inamovible depuis 14 ans qui cumule allègrement les casquettes de président de l’UIDH et du Collectif d’opposition, sans oublier les mélanges du genre entre combat politique, revendications syndicales et défense des droits de l’Homme. Difficile d’être efficace avec tant de responsabilités et les auditeurs du MBHDP trois ans après notre premier article sur le sujet n’ont pas relevé autre chose.

Beaucoup d’agitation, peu de visibilité

L’une des faiblesses caractéristiques du MBDHP soulignées dans le rapport d’audit c’est le "manque de stratégie claire de communication incluant une stratégie de son image". Conséquence, le Mouvement n’a pas une bonne visibilité. Son image reste confuse du fait justement de cet amalgame des rôles qui accorde plus d’importance aux manifestations politiques de type contestataires avec en avant les syndicats de la CGTB et celui des étudiants (ANEB) baptisé à dessein "bras droit du Collectif " par le bien nommé Halidou Ouédraogo. En somme, le MBDHP depuis huit (08) ans fait beaucoup d’agitation politicienne qui, in fine, nuit à son image de défenseur des droits humains. C’est l’une des conclusions implicites à laquelle sont parvenus les experts chargés de l’audit.

On peut ainsi lire dans leur rapport des vérités du genre "en termes de légitimité, il n’est pas évident que le MBDHP soit perçu par des acteurs politiques comme un auxiliaire et un conseiller en matière de protection et de promotion des droits humains". Il faut alors au Mouvement à inventer une stratégie nouvelle qui lui permette de ne pas aggraver "les menaces tendant à accréditer l’idée ou l’image d’une organisation politique" qui lui colle à la peau. Pour cela, il importe, selon le diagnostic de l’audit que ses premiers responsables fassent "une analyse fine de l’impact de ses choix avant de s’engager dans des coalitions de type politique (ou) d’organiser des manifestations, etc…".

Pour l’avenir, l’audit souligne l’importance pour le MBDHP d’accorder plus de place aux droits économiques et sociaux des Burkinabè et d’orienter ses actions dans ce sens.

A croire qu’il n’y a pas que les tonneaux vides qui font beaucoup de bruit. Ce piège guette aussi les agitateurs qui ne savent pas où ils vont.

Beaucoup d’argent, peu d’efficacité

En matière de gestion financière et comptable selon les conclusions de l’audit, on ne devrait pas prendre le MBDHP comme un modèle. En effet, outre "les incompatibilités fonctionnelles" il a été constaté un faible taux d’exécution des activités. Il en résulte de grands écarts entre les prévisions budgétaires et les dépenses réelles d’où un manque d’efficacité pour atteindre les objectifs recherchés. Ainsi le rapport indique que "le taux d’exécution des activités, en ce qui concerne le projet Union européenne (par exemple) est demeuré très faible, de l’ordre de 22% en 2001, alors que la norme minimum de 70 % conditionne le versement de la tranche suivante".

Il en va de même pour le soutien des Pays-Bas et du Danemark pour lequel les écarts entre les prévisions budgétaires et les dépenses effectuées sont importantes. C’est-à-dire qu’il manque au Mouvement un chronogramme d’activités rigoureusement établi et exécuté ou que les projets sont surévalués ou encore que le MBDHP est souvent détourné de ses missions premières. Le pire, c’est que toutes ces tares pourraient avoir été cumulées au point de rendre inefficace le Mouvement malgré le panel de donateurs généreux. En effet, entre 1995 et 1998 selon le rapport d’audit, l’Union européenne, le Danemark, les Pays-Bas, OSEO et DIAKONIA ont appuyé le MBDHP à hauteur de 359 950 572 F CFA.

Entre 2000 et 2003 les mêmes bailleurs auxquels se sont ajoutés NOVIB et OXFAM, des ONG internationales, ont déboursé environ 400 millions pour les activités du MBDHP. Où va tout cet argent, si le taux d’exécution des projets reste faible soit en moyenne 50 à 55% ? Pire, le diagnostic des experts fait remarquer qu’une importance particulière devait être accordée au règlement de certaines "questions pendantes" au MBDHP :

- les arriérés de salaires de 7 mois, pour certaines catégories du personnel

- la transparence de l’information sur les rémunérations au niveau des zones ;

Eh oui ! Il y a "questions pendantes au MBDHP" selon les termes des auditeurs et nos paragons de vertu ne sont pas toujours "transparents" pour parler de ce qu’ils font avec l’argent des autres, les cotisations de leurs militants, 15 000 selon les estimations, étant mobilisées au compte-gouttes.

Ces risques qui menacent le MBDHP

Suivant le tableau clinique de leur diagnostic, les auditeurs ont recencé les menaces graves qui handicapent le MBDHP en quatre points ci-dessous exhaustivement cités :

- risque de ternir son image si toutefois il n’est pas procédé à un réaménagement de la stratégie de mobilisation du personnel ;

- dans les conditions actuelles de fonctionnement du mouvement, il ne peut pas se passer de l’apport des donateurs.

- la non-actualisation du manuel de procédure administrative financière et comptable crée, à court et moyen terme, des déphasages importants entre la réalité et le document de référence ;

- risque de mauvaise gestion et de non-atteinte des résultats des différents projets… Un autre risque identifié, celui-là par les observateurs, c’est que cet audit va jeter une certaine froideur entre l’ONG et ses bailleurs de fonds privilégiés. En effet, faut-il continuer de donner de l’argent pour des projets exécutés à moins de 60 % par un partenaire plus préoccupé à encadrer la contestation de rue qu’à donner une réelle visibilité aux actions de promotion des droits de l’Homme ? On attend de voir !

Djibril TOURE
L’Hebdo

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